1897
Une fille qui veut tuer sa mère
rue Kéravel
Source : La Dépêche de Brest 12 juin 1897
Hier matin, vers sept heures, une femme d'un certain âge, la veuve Moullec, sortait en chemise dans la cour de la maison portant le n° 28 de la rue Kéravel, où elle habite, en appelant au secours.
Les voisins accoururent aussitôt. La veuve Moullec était couverte de sang.
Voici ce qui s'était passé :
La veuve Moullec habite avec sa fille, une veuve Richard, âgée de 30 ans.
Celle-ci qui, toute la nuit, avait été en proie à une vive agitation, se leva vers quatre heures du matin et voulut aussi faire lever sa mère.
Mme Moullec, dont la santé est fortement atteinte, répondit à sa fille :
« Laisse-moi dormir encore un peu. Je suis malade, tu le sais, et j'ai besoin de repos. »
La veuve Richard n'insista pas ; mais, vers sept heures du matin, elle revint vers sa mère armée d'un couteau et, sans provocation, lui en porta un coup à la tête.
Elle s'acharna ensuite sur sa mère, la frappant violemment avec des ciseaux.
La malheureuse, grièvement blessée, put, enfin se soustraire à la fureur de sa fille et se sauver dans la cour.
M. Picq, commissaire du 2e arrondissement, prévenu, a fait aussitôt transporter la veuve Moullec à l'hospice civil.
Ses blessures, encore qu'assez graves, ne mettent pas ses jours en danger.
La veuve Richard a été arrêtée séance tenante.
Interrogée par M. Picq, elle a avoué avoir voulu tuer sa mère, sans savoir pourquoi.
« C'est une idée, a-t-elle dit, qui m'est passée par la tête. Si je l'avais tuée, je me serais tuée après. »
La veuve Richard avait fait ses couches à la Maternité, il y a environ un mois.
Depuis, elle avait des absences, qui justifieraient la tentative de meurtre dont elle s'est rendue coupable.
La veuve Moullec était marchande de beurre.
Elle était arrivée à Brest en janvier dernier.
Depuis, la mère et la fille occupaient le rez-de-chaussée de la maison où s'est déroulée la tentative d'assassinat, et elles paraissaient vivre en très bonne intelligence.
La veuve Richard a été mise à la disposition du parquet.
Le couteau et les ciseaux dont elle, s'est servie pour frapper sa mère ont été saisis comme pièces à conviction.
Source : La Dépêche de Brest 13 juin 1897
La veuve Richard, qui a tenté avant-hier matin d'assassiner sa mère, est morte hier, à 1 h. 30 de l'après-midi, dans le violon du palais de justice.
Après avoir été conduite avant-hier au parquet, on l'incarcéra à la prison du Bouguen où elle passa une nuit si agitée qu'on dut mettre quatre gardiens à son chevet.
On la transportait hier matin, à onze heures, au palais de justice, où elle devait, dans l'après-midi, être interrogée par le juge d'instruction et visitée par le docteur Anner.
Vers midi, la veuve Richard, qui, comme nous l'avons dit, était malade depuis ses couches, demanda à boire.
On lui donna un verre d'eau, mais à peine l'avait-elle bu qu'elle rendait le dernier soupir.
On fit appeler aussitôt le docteur Mahéo, qui déclara que la veuve Richard avait succombé aux suites d'une affection cardiaque dont elle souffrait depuis longtemps.
Le corps a été transporté à l'hospice civil, d'ans la voiture de secours aux blessés.
L'autopsie aura lieu ce matin, à 8 h. 1/2.
L'état de la victime reste stationnaire.
Comme nous l'avons dit hier, la veuve Moullec déjà malade, est très affaiblie par ses blessures.