1903
Horrible crime à Irvillac
une fillette de 8 ans
étranglée par sa mère
Source : La Dépêche de Brest 31 juillet 1903
M. Jacquet, substitut du procureur de la République à Brest, M. Leray, juge au tribunal, et M. le docteur Mahéo se sont transportés, hier, à Irvillac, près de Daoulas, où un horrible crime a été commis, le 28 dans les circonstances suivantes :
Mardi dernier, Jeanne Pellotte, femme Poulmarch, âgée de 37 ans, se trouvait seule chez elle, au village d'Irvillac.
Elle s'occupait à des travaux de ménage, lorsque, tout à coup, mue par on ne sait quelle idée, elle vint à la porte et appela sa fillette Renée, âgée de huit ans, qui travaillait aux champs, non loin de là.
La petite Renée n'entendit pas d'abord.
La mère cria plusieurs fois : « Renée ! Renée ! »
L'enfant, enfin, accourut.
La malheureuse ne se doutait pas qu'en venant vers sa mère elle venait à la mort.
Sitôt que sa fille fut près d'elle, la femme Poulmarch saisit les deux bouts du foulard que la petite portait au cou et, sans un tremblement, les tira.
Le nœud se rétrécit, la fillette suffoqua, la mère resserra son étreinte et l'enfant tomba morte.
Sitôt son crime achevé, la femme Poulmarch simula une grande douleur.
Rapidement répandue, la nouvelle causa dans le pays une douloureuse stupéfaction.
Le lendemain, l'enterrement eut lieu.
Mais cette mort brusque sembla suspecte.
Des bruits se chuchotèrent, prirent consistance et vinrent aux oreilles de la gendarmerie de Daoulas qui fit une enquête sommaire et télégraphia au parquet de Brest.
Interrogée par M. Jacquet, la mère dénaturée nia d'abord son crime.
Ce n'est que lorsque le docteur Mahéo eut fait l'autopsie du cadavre que l'on avait exhumé, que la femme Poulmarch avoua son horrible forfait.
Elle dit alors que sa fille était malade depuis longtemps et qu'elle l'a tuée parce qu'elle avait la teigne.
On ne sait encore si on se trouve en présence d'un cas de folie ou si la femme Poulmarch a été poussée à commettre ce crime par un mobile qu'elle a jusqu'à présent tenu caché.
Aussitôt écrouée à la prison de Daoulas la femme Poulmarch sera transférée à Brest aujourd'hui.
Source : La Dépêche de Brest 1 août 1903
La femme Poulmarch, dont nous avons raconté l'horrible crime, est arrivée hier matin à Brest.
Elle a été écrouée immédiatement à la maison d'arrêt du Bouguen.
Voici quelques nouveaux détails sur celle affaire :
Le jour du crime, la petite Renée alla travailler dans un bois, proche de la maison de ses parents, le bois du Gars.
C'est là que la mère alla la chercher.
Ne la trouvant pas, elle l'appela et, quand la fillette accourut, confiante, elle l'étrangla.
Son crime accompli, la femme Poulmarch revint au village, simulant une grande douleur et criant qu'on venait d'assassiner son enfant.
Deux voisines, les femmes Creisméas et Plourin, se rendirent avec elle dans le bois.
Elles y trouvèrent le cadavre de la fillette, encore chaud.
La langue était sortie et complètement noire.
Les trois femmes transportèrent le corps au domicile des Poulmarch et prévinrent le mari.
La femme Creisméas fit la toilette funèbre et s’aperçut que le cadavre portait de fortes contusions au côté droit, découverte que la mère la pria de ne point divulguer.
Ce n’est que le lendemain que la gendarmerie, en faisant la première enquête, se rendit sur les lieux du crime.
L'herbe y était foulée, mais rien n'indiquait qu'il y ait eu lutte.
La petite Renée ne s’était pas défendue.
L'instruction ne tardera pas à faire connaître les mobiles qui ont pu pousser la femme Poulmarch à commettre ce monstrueux forfait.
Source : La Dépêche de Brest 11 octobre 1903
Une mère qui, d'un geste sec et rapide, étrangle sa fille âgée de huit ans, et cela sous le prétexte que la pauvre petite ne guérissait pas de la teigne dont elle était atteinte depuis un an, telle est la caractéristique de la triste affaire soumise aux jurés.
Voici, d'ailleurs, les faits, très simples dans leur triste réalité :
Au hameau du Moulin du Bois, commune d'Irvillac, vivaient, mariés depuis treize ans environ, les époux Mathieu Poulmarch.
Le mari travaillait aux carrières de pierres de Logonna et la femme, née Jeanne Pellotte, âgée de 36 ans s'occupait du ménage, cultivait une modeste exploitation rurale et élevait les enfants.
L'aînée de ceux-ci, Marie Jeanne Poulmarch, âgée de huit ans, atteinte de la teigne, était particulièrement à charge à sa mère, qui la traitait, par moment, assez durement, a causa de sa maladie qui na guérissait pas.
Le 27 juillet dernier, vers dix heures du matin, la femme Poulmarch, ne voyant pas sa fille Marie Jeanne revenir à la maison, se mettait à sa recherche, l'appelant à diverses reprises et demandant à sa voisine, la femme Créisméas, si elle l'avait vue.
Ayant trouvé l'enfant en train de jouer dans le Bois du Gars, distant de cent mètres de la maison, prise de colère, elle la saisissait par le cou, la serrait d'un mouvement de torsion par sa cravate et l'étranglait sans grande résistance ; la langue sortant de la bouche, elle lâchait l'enfant, qui tombait la face contre terre.
Abandonnant le corps, elle rentrait aussitôt à la maison, repassait, sans rien dire, devant la maison de la femme Creisméas, qui, un quart d'heure après, ayant entendu pleurer devant chez elle, demandait à la femme Poulmarch ce qu'elle avait.
Celle-ci lui racontait alors, sans grande émotion, qu'elle venait de trouver sa fille Marie-Jeanne morte dans le bois du Gars.
Les voisins, avertis, se rendirent de suite sur les lieux, suivis, sans empressement, par la femme Poulmarch.
À l'entrée du bois, à quelques pas du fossé, ils trouvaient le corps, encore chaud, de la petite Jeanne ;
elle était allongée sur le ventre ;
sa langue était noire et sortait de trois centimètres de sa bouche, à l’intérieur de laquelle existaient quelques traces de sang.
Le corps, porté à son domicile, la femme Poulmarch faisait procéder en hâte à l'ensevelissement de sa fille, gardant le silence quand les voisines lui faisaient part qu'elles avaient remarqué, au moment de la mise en bière, que les poignets et le cou de l'enfant étaient noirs et qu'une écorchure existait au côté droit du cou et défendait même à la femme Plourin d'en parler.
La gendarmerie était avisée de la mort suspecte de la petite Jeanne seulement le 29 juillet, au lendemain de l'inhumation.
Le 30, apprenant que le parquet allait faire procéder à l'exhumation, la femme Poulmarch avouait que c'était elle qui avait étranglé sa fille.
Elle ajoutait qu'en colère contre l'enfant, parce qu'elle n'avait pas répondu à ses appels et parce qu'elle ne guérissait pas de la teigne dont elle était atteinte depuis environ un an, elle avait couru sur elle, l'avait saisie à la gorge avec ses mains et par sa cravate.
Dans la suite, modifiant sa première version, l'accusée a déclaré que « dans un coup de promptitude », elle avait saisi sa fille Jeanne par derrière par la cravate qu'elle portait au cou et que, par un mouvement de torsion, elle l'avait étranglée, sans avoir l'intention de lui donner la mort.
La femme Poulmarch n'a pas d'antécédents Judiciaires.
M. Bouëssel occupe le siège du ministère public.
La femme Poulmarch est assistée de M' da Kérangal.
L'accusée a une bonne attitude a l'audience, mais sa physionomie est celle d'une femme qui a le tempérament très dur.
Cette affaire est tellement simple qu'elle ne comporte, pour ainsi dire, aucun développement.
Interrogatoire de l'accusée
Ainsi, dans son interrogatoire, la femme Poulmarch, qui n'a pas l'air de se rendre un compte exact de l'énormité de son crime, persiste à soutenir qu'elle a agi sous l'empire de la colère et dans un mouvement da promptitude.
Elle n'a jamais eu l'intention de tuer son enfant ;
elle l'a serrée fortement au cou avec sa cravate et seulement pour la corriger, parce qu'elle n'était pas rentrée.
Au point de vue de la maladie de sa fille, l'accusée déclare qu'elle l'a bien soignée.
Elle reconnaît avoir dit à un témoin de ne pas parler de la trace existant au cou de son enfant.
Les témoins
De même en ce qui concerne les témoins, il n'y a rien à noter de particulièrement intéressant, la scène si tragique et si courte de la strangulation s'étant passée en dehors de tout témoin.
Toutefois, les voisins s'accordent à dire qu'en leur annonçant la mort de sa petite fille, l'accusée ne trahissait, ni dans son attitude, ni dans sa voix, aucune émotion.
Un témoin fait connaître que trois semaines avant la mort de l'enfant, sa mère avait cessé de la soigner complètement ; c'est du moins ce que cette dernière leur a dit.
La femme Poulmarch s'en défend.
Le réquisitoire
M. le procureur Bouëssel, dans un langage indigné, flétrit le geste odieux accompli par cette mère dénaturée sur sa fillette de huit ans, dont précisément la situation maladive nécessitait un redoublement de soins et d'affection.
L'honorable magistrat demande au jury de châtier cette mère comme elle le mérite.
La défense
Me de Kérangal tire le meilleur parti possible de cette affaire si ingrate.
Il plaide avec un langage approprié, fort juste, et termine en disant :
« Messieurs les jurés, vous n'avez pas la conviction que cette femme a donné volontairement la mort à son enfant ; vous l'acquitterez.
Elle a déjà subi la torture de la prison et celle de la cour d'assises.
« Je vous demande, non pas votre indulgence, mais au verdict d'acquittement. »
Le verdict
Jeanne Pellotte, femme Poulmarch, reconnue coupable avec admission de circonstances atténuantes, est condamnée à cinq ans de réclusion et à la déchéance de la puissance maternelle.