1906
L'affaire de Quéménéven
Meurtre et incendie volontaire
Source : La Dépêche de Brest 23 août 1906
Source : La Dépêche de Brest 24 août 1906
Voici les renseignements complémentaires au sujet de l'incendie survenu, mardi soir, près de la gare de Quéménéven, dont la Dépêche a parlé hier, et dans lequel un vieillard a péri.
La victime, le nommé Joncour, âgé de 59 ans, ancien cantonnier de la voie, avait obtenu delà compagnie d'Orléans la location de la maison de garde n° 524, située près de la gare, et qui avait té désaffectée.
Il y habitait avec sa femme et ses enfants.
Il ne reste plus aujourd'hui de cette maison que les quatre murs, le feu ayant détruit tout ce qui s’y trouvait ;
le corps du malheureux Joncour y a même été complètement carbonisé.
Le parquet de Châteaulin, composé de MM. Picard, juge d'instruction, Fourcade, juge suppléant, et Godec, commis greffier, accompagné du docteur Baley, médecin légiste, et de M. Hervieu, maire de la commune, s'est transporté, hier après-midi, sur les lieux.
De l'enquête à laquelle les magistrats se sont livrés, il résulterait qu'à la suite de nombreuses libations, une discussion suivie de rixe s'est élevée, mardi soir, entre les fils Joncour et leur père.
D'après la version de la mère et du frère de l'inculpé, c'est ce dernier, en s'interposant dans la lutte, qui aurait renversé la lampe allumée, laquelle communiqua le feu à la maison.
Toute autre est la version de personnes autorisées, dont le témoignage a été recueilli et qui tend à supposer que la victime aurait dû recevoir un coup au cours de la lutte, coup dont la gravité n'échappa point aux témoins.
Ce serait pour éviter les suites de cette tentative de meurtre que le fils Joncour n'hésita point à mettre le feu à la maison, en y laissant son père impuissant à se sauver.
En tous cas, il paraît invraisemblable que toutes les personnes qui se trouvaient dans la maison au moment de l'incendie se soient sauvées, sauf le père, dont le cadavre, cependant, a été trouvé près de la porte.
L'inculpé, comme nous l'avons déjà dit, jouit d’une mauvaise réputation et a été récemment condamné à un mois de prison pour coups ;
la conduite de la mère laisse également à désirer.
En raison de l'état de carbonisation du cadavre, il a été impossible au médecin légiste de procéder à l'autopsie et de déterminer si la mort était exclusivement due à l'incendie.
Néanmoins, les témoignages ont été suffisamment concluants pour que le juge ait ordonné l’arrestation immédiate de l'inculpé Joncour.
L’instruction démontrera peut-être la vérité sur cette affaire, qui, en raison de sa nature, passionne les gens de la région de Quéménéven.
Source : La Dépêche de Brest 26 août 1906
Joncour, l'auteur présumé du crime de la gare de Quéménéven, est entré dans la voie des aveux et a fait le récit suivant :
Le mardi 21 courant, vers huit heures du soir, il arriva chez son père, qu'il trouva seul.
Celui-ci, reprochant à son fils, qui voulait boire, sa mauvaise conduite, une discussion survint, à la suite de laquelle Joncour porta un coup de poing violent à son père ;
puis, s'armant d'une billette de la grosseur du poing, il en asséna un coup terrible à la tête de son père, qui s'affaissa sans connaissance.
Le meurtrier, voyant qu'il venait de faire un mauvais coup, songea à faire disparaître la trace de son crime par un incendie.
Il s'assura tout d'abord qu'il n'y avait pas de témoins, puis revint vers son père, qui avait eu la force de se traîner jusqu'à son lit, mais ne bougeait plus.
Il prit alors une bouteille de pétrole, en enduit le lit et y mit le feu.
Puis, quand il vit que tout était en flammes, il s'enfuit et resta caché dans la campagne.
L'assassin reconnaît que son père ne devait pas être mort et a dû être brûlé vif, étant dans l'impossibilité de se sauver, tant à cause de l'horrible blessure à la tête que par la rapidité et la violence de l'incendie.
Avec un sang-froid et un cynisme effrayant, sans un mot de regret et de repentir, Joncour a fait à M. le juge d'instruction la révélation de son double forfait.
Épilogue
Décédé à Kerfeunteun le 9 septembre 1907