1907
Bonnes à tout faire
au cabaret
« À la Grâce de Dieu »
La Dépêche de Brest 16 novembre 1907
« À la Grâce de Dieu », tel est le nom d'un... cabaret situé rue de la Tour, à Recouvrance.
La patronne de cet établissement, Marie-Reine Guillamet, veuve Le Scaon, 38 ans, avait à son service de jeunes bonnes qui, pour conserver leurs place, devaient avoir pour les clients des complaisances particulières.
Ces fillettes précoces travaillaient beaucoup dans cette maison, des plus hospitalières, mais ne percevaient aucun salaire.
Elles l'affirment à l'audience.
Les affaires marchaient on ne peut mieux « À la Grâce de Dieu », et personne n'aurait songé à venir mettre entrave au bon petit commerce exploité par la femme Le Scaon. si cette dernière n'avait éprouvé le besoin de faire connaître, par lettre, à M. le procureur de la République qu'elle était une très honnête dame que ses bonnes étaient des voleuses et que M. le commissaire de police de Recouvrance ne faisait pas son service comme il devait le faire.
Cette dénonciation fut communiquée à M. Garaud, commissaire de police du 3e arrondissement, qui répondit aussitôt au parquet en faisant connaître la moralité de la veuve Le Scaon,
Quelques jours plus tard, une information était ouverte contre la débitante.
Elle révéla que l'inculpée favorisait à la débauche et qu'elle excitait à se livrer aux consommateurs les mineures qu'elle employait.
La veuve Le Scaon ne reconnaît aucun des faits qui lui sont reprochés ;
elle soutient qu'elle avait, au contraire, toujours peur que les clients manquassent de respect à ses bonnes, et qu'elle ne leur a toujours donné que de très bons conseils.
Les trois jeunes filles appelées à la barre ne sont ni laides ni jolies ;
elles affirment toutes que leur patronne les obligeait à prodiguer leurs faveurs aux nombreux habitués de la maison.
Quatre marins, un quartier-maître et un employé de commerce, appelés comme témoins, reconnaissent que l'inculpée leur a loué des chambres meublées et... garnies.
M. Mangin, ministère public, demande une application sévère de la loi.
Me Bodet défend très habilement sa cliente.
Oh ! il ne s'efforce pas de l’innocenter complètement, mais il plaide les circonstances atténuantes et demande l'indulgence du tribunal pour la veuve Le Scaon, qui, par un mariage qu'elle doit contracter prochainement, rachètera son passé et redeviendra une très honnête femme.
Le tribunal condamne la veuve Le Scaon à trois mois de prison.