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1907

Vendetta Portsallaise
Noce sanglante à Portsall

 

 

Source : La Dépêche de Brest 6 décembre 1907

 

Hier matin fut célébré, à Ploudalmézeau, le mariage de M. Ange Godec, marin-pêcheur, avec Mme veuve Perrot, née Anna Milin.

 

La cérémonie terminée, toute la noce revint, gaie et joyeuse, à Portsall, pour prendre part au repas, qui avait lieu au restaurant de la Gare, tenu par M. Dubois.

 

Le repas venait de commencer, quand, tout à coup, survint René Milin, frère de la nouvelle mariée, ex-marin de l'État, récemment congédié.

 

Ce jeune homme, qui ne voyait pas d'un bon œil le mariage de sa sœur, n'y avait point assisté.

 

À peine rentré dans la salle, Milin, légèrement pris de boisson, chercha querelle à M. Godec, père du nouveau marié, ex-douanier en retraite.

 

On en vint aux coups, et René Milin, saisissant son couteau, en porta quatre coups à M. Godec, dont trois dans la région du cœur et un dans la cuisse gauche.

La victime, gravement blessée et perdant son sang en abondance, fut immédiatement transportée à sa demeure.

 

M. Le docteur Le Meur, de Ploudalmézeau, appelé en toute hâte, donna ses soins à la victime, mais ne put se prononcer sur la gravité des blessures de M. Godec.

 

René Milin a été mis en état d'arrestation le soir même par la gendarmerie de Ploudalmézeau.

 

Source : La Dépêche de Brest 4 janvier 1908

 

Le 24 novembre dernier, René Milin, 24 ans, forgeron à Portsall, se trouvait en état d'ivresse.

 

Il s'était mis dans cet état en raison de ce que sa sœur devait se marier à un marin-pêcheur de Portsall, nommé Godec, et que cette union lui déplaisait.

 

Il erra de, cabaret en cabaret, déclarant qu'il ferait disparaître la race des Godec.

 

— Il commencerait, disait-il, par supprimer le père, et continuerait jusqu'au plus jeune.

 

Ces menaces n'arrêtèrent point les projets des fiancés.

 

Le 4 décembre, le mariage fut célébré.

 

Après la cérémonie, tout le monde se mit à table, comme le veut la coutume.

 

À deux heures et demie de l'après-midi, la joie était générale parmi les invités, lorsque Milin fit son entrée.

Il était ivre, naturellement.

 

Son apparition jeta un certain froid, en raison des menaces qu'il avait proférées.

 

Le père Godec, se levant, alla à lui, lui tendit loyalement la main et lui offrit de trinquer.

 

Milin répondit :

« Je ne viens pas ici pour trinquer ;

je viens pour régler l'affaire de tout le monde, si c'est nécessaire. »

 

On chercha à le calmer.

Milin, au paroxysme de sa colère, saisit le père Godec par les deux épaules et lui lança un coup de tête dans la figure.

 

Godec tomba à terre.

 

Pris de peur, tous les convives se sauvèrent par les portes et les fenêtres.

 

Cette panique s'explique, parce que Milin a une très mauvaise réputation, qu'il est craint dans le pays, et surtout parce qu'il avait déclaré que le jour du mariage il y aurait des victimes.

 

Milin resta seul avec le père Godec qui, voyant le danger, essaya de se sauver à son tour.

Milin le poursuivit.

Le rattrapant dans le couloir il sortit son couteau et l'en frappa de quatre coups sur les différentes parties du corps et fut blessé assez grièvement.

 

Heureusement, un des invités, le jeune Pelteur 18 ans, se jeta sur Milin, lui demandant s'il devenait fou et lui intima l'ordre de rentrer son arme.

 

Devant cette injonction, Milin obéit.

 

Le témoin Pelteur est félicité par le président pour sa courageuse attitude.

 

« Alors que tous les autres invités se sauvaient, laissant le père Godec seul avec son agresseur, Pelteur n'hésita pas à se jeter au-devant du forcené, et c'est probablement à son intervention que le père Godec doit d'en être sorti vivant. »

 

Les blessures de Godec l'ont tenu 14 jours au lit ;

et aujourd'hui encore, il souffre.

 

Milin explique sa conduite par ce fait qu'il ne voulait pas du mariage de sa sœur avec un Godec.

Une rivalité de commerce règne en effet entre eux depuis quelque temps.

Il y a deux mois, ils vinrent déjà s'expliquer devant le tribunal correctionnel, ce qui ne fit que redoubler la haine de Milin.

 

Le couteau dont s'est servi Milin mesure 28 centimètres de longueur avec une lame de douze centimètres, ce qui constitue une arme terrible.

 

Après une habile plaidoirie de Me Bodet, Milin s'en tire avec dix mois de prison.

 

Source : La Dépêche de Brest 25 juin 1908

 

Traduit devant le tribunal correctionnel de Brest, à l'audience du 3 janvier,

René Milin fut condamné à dix mois de prison ;

ayant bénéficié d'une réduction de peine il sortit récemment de prison et regagna Portsall.

 

Avant-hier soir, en compagnie d'un nommé Guéna, René Milin pénétra dans le débit tenu par son beau-frère, Ange Godec.

 

René Milin voulait, paraît-il, se réconcilier avec lui.

 

À la bonne, qui leur servit de la bière, il demanda si Godec était là.

Juste au même instant, ce dernier rentrait dans le débit.

Milin alla au-devant de lui, la main tendue, et l'embrassant, lui dit :

« Sans rancune. »

 

Milin se rendit dans la cuisine pour embrasser sa sœur, et revint dans le débit pour boire un deuxième verre de bière avec son beau-frère Godec, qu'il embrassa une seconde fois.

 

Guéna et Milin sortirent, mais revinrent presque aussitôt pour boire de la bière.

Ange Godec invita Milin à dîner, mais ce dernier refusa et demanda de la bière, que le débitant ne put servir, son stock étant épuisé.

 

René Milin se fâcha, il jeta à terre les verres et la balance qui se trouvait sur le comptoir ;

il demanda à son beau-frère combien il lui devait pour les verres brisés.

Ange Godec ne lui réclama pas un sou, mais lui fit remarquer que sa conduite était étrange. .

 

René Milin prit mal cette observation.

L'air menaçant, il avança sur son beau-frère en plongeant sa main droite dans la poche de son pantalon.

 

Ange Godec, se rappelant l'agression dont son père fut victime, crut que Milin cherchait une arme pour le frapper.

Il eut peur et, retirant un revolver de sa poche, fit feu sur son adversaire qui, atteint au front par le projectile, s'enfuit à travers un champ de blé.

 

Ange Godec le poursuivit et tira deux autres coups de revolver dans sa direction, mais sans l'atteindre.

 

Milin, légèrement blessé, gagna son domicile et, le lendemain, appela le docteur Le Meur, de Ploudalmézeau, qui put facilement extraire le projectile ;

cette opération terminée, le blessé se rendit a son travail.

 

Dès qu'ils eurent connaissance du drame, les gendarmes de la brigade de Ploudalmézeau se rendirent à Portsall pour arrêter le coupable, qui leur a fait la déclaration suivante :

 

« La famille Milin est toute contre moi.

Si je ne l’ai pas tué, ce n'est pas ma faute, car ce n'était point pour lui faire peur, mais bien pour lui donner la mort.

« Je préfère le tuer que de me laisser tuer par lui, car il m'a menacé de mort, ainsi que ma femme. »

 

Ange Godec a été arrêté et transféré sur Brest, puis écroué à la maison d'arrêt du Bouguen.

 

Source : La Dépêche de Brest 1 août 1908

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