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1936

Une scène scandaleuse dans un abri
sous les remparts
de Recouvrance

 

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Source : La Dépêche de Brest 3 juin 1936

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Nombreux sont les sans-abris qui gîtent où ils peuvent ;

dans de précaires abris, bennes retournées ou manches à air près des chantiers de démolitions de navires, au Gaz ;

guitounes recouvertes de planches, de débris de tôles ondulées ou de simples bâches ;

à moins que modernes troglodytes, ils nichent dans les excavations, percées dans les douves des fortifications, leur servant de gourbis.

 

Près du plateau de Quéliverzan, dans les remparts de Recouvrance, des abris de maçonnerie profonds d'une vingtaine de mètres et larges de 2 m. 50, sont plus habitables.

 

La famille Calvez avait adopté un de ces trous, portant le numéro 3 et l'avait meublé de son mieux.

Là, logeaient Yves Le Calvez et son frère François, avant son entrée, il y a quelques jours, à l'hôpital ;

leur belle-mère, Mme Calvez et une veuve Marie Rotin.

 

Cette famille vivait en paix, quand, il y a une douzaine de jours, elle accorda l'hospitalité à un nouveau couple, ce qui lui cause aujourd'hui bien des ennuis.

 

À la suite de dissentiments avec son père qui, prétend-elle, la malmenait, une jeune îlienne d'Ouessant, Victorine Le Lann, quittait l'île où elle avait vu le jour, pour venir se placer comme bonne à Brest ou ses environs.

 

Elle trouva une place de domestique dans une ferme de Guilers, mais elle la quittait il y a quelques jours pour venir à Brest où elle fit la connaissance d'un ouvrier couvreur en chômage, Louis Le Fer.

 

Il ne manquait au couple qu'un logement.

La famille Calvez accepta de partager avec lui le trou numéro 3 et, jusqu'à vendredi dernier, tout alla très bien.

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L'îlienne avait été remarquée par une bande de jeunes gens de 18 à 20 ans, habitant Recouvrance et, au nombre de six, vers minuit, dans la nuit de vendredi à samedi, ils venaient heurter violemment à l'huis du trou numéro 3.

 

Comme les locataires refusaient d'ouvrir, les six gaillards mirent le feu à la porte, pénétrèrent dans le gourbi, jetèrent dehors les occupants sans leur donner le temps de se vêtir et, terrorisés à la vue d'un rasoir que brandissait l'un des assaillants en les menaçant de les tuer, ils durent s'enfuir en chemise, laissant Victorine Le Lann seule aux prises avec ses agresseurs.

 

C'était d'ailleurs pour elle que cette expédition nocturne avait été préparée et une indescriptible scène scandaleuse eut lieu, ce soir-là.

 

Trois des malandrins revinrent à la charge dans la nuit de samedi à dimanche, vers 3 heures du matin.

La scène fut encore plus violente que la veille et comme Victorine Le Lann tentait de résister, elle fut frappée et dut être transportée à l'hospice civil, ce qui amena une enquête.

 

M. Courcoux, commissaire de police du 2e arrondissement, en fut chargé et, hier, toute la journée, il a interrogé les coupables :

Jean Venneguès, 19 ans, 8, rue du Rempart ;

Maurice Forny, 18 ans, préparateur en pharmacie en chômage, 22, rue du Carpont ;

Jean Denis, 18 ans, électricien, rue Traverse de l'Église et Jean Beusen, 23 ans, 6, rue de Pontaniou, qui furent confrontés avec leur victime.

 

Les autres, Raguénès et Daniélou, tous deux âgés de 20 ans et habitant Escaliers de la Fontaine, ont été appréhendés dans la soirée.

 

Tout ce joli monde sera conduit ce matin au parquet et M. Durand, substitut du procureur de la République cherchera à établir le rôle joué par chacun des chenapans dans cette répugnante affaire.

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Source : La Dépêche de Brest 4 juin 1936

 

Nous avons parlé longuement, hier, des agissements d'une demi-douzaine de jeunes gens.

Ils s'étaient introduits de force dans un gourbi, sous les remparts de Recouvrance, servant d'abri à des sans-logis qui y avaient accueilli une jeune fille d'Ouessant âgée de 22 ans.

 

Les jeunes énergumènes, âgés de 18 à 20 ans, avaient fait subir à l'îlienne de graves violences, sous la menace d'un couteau et d'un rasoir, après avoir chassé les habitants de l'abri, connu sous le nom de trou n° 3.

 

Quatre des agresseurs avaient été arrêtés hier par les agents Le Gall et Cloître et longuement interrogés par M. Courcoux, commissaire de police du 2° arrondissement.

Les deux autres ont été cueillis, hier matin, à leurs domiciles, 31, rue Neuve et 1, Escaliers de la Fontaine.

 

Ils ont été amenés hier après-midi au parquet et, après avoir subi un premier interrogatoire de M. Durand, substitut du procureur de la République, l'instruction de cette répugnante affaire, qui pourrait conduire ses auteurs devant la Cour d'assises, a été confiée à M. Crenn, juge d'instruction.

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Après avoir été interrogés séparément, cinq ont reconnu les faits qui leur étaient reprochés.

 

Un seul, Roger D..., 19 ans, ouvrier à l'arsenal, demeurant 31, rue Neuve, a affirmé avoir passé une partie de la soirée avec ses camarades, mais ne pas avoir pris part aux deux scènes de débauche.

 

M. Crenn a confronté ces vilains personnages...

 

D... a été laissé en liberté provisoire jusqu'à vérification de l'alibi qu'il a fourni.

 

Les cinq autres :

Jean Venneguès, 19 ans, 8, rue du Rempart ;

Maurice Forny, 18 ans, préparateur en pharmacie en chômage, 22, rue du Carpont ;

Jean Denis, 18 ans, électricien, rue Traverse de l'Église ;

Henri Raguennès, 19 ans, ouvrier à l'arsenal, 1, Escaliers de la Fontaine, et Jean Bensen, 23 ans, 6, rue de Pontaniou, ont été écroués au Bouguen sous l'inculpation de viol, violation de domicile et coups et blessures.

 

Le juge d'instruction a commis le docteur Mignard pour examiner l'état de la victime des jeunes chenapans, Victorine Le Lann, et la confronter ensuite avec ses agresseurs.

Si l'inculpation de viol est maintenue au cours de l'instruction, les malandrins comparaîtront aux assises.

Si elle se transforme en « violences », elle sera du ressort du tribunal correctionnel et sera jugée à huis-clos.

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Source : La Dépêche de Brest 4 juin 1936

 

L'affaire qui est ensuite évoquée devant le tribunal correctionnel est celle qui se déroula à la fin du mois de mai dans les douves de Recouvrance.

 

Nous avons relaté en son temps les faits inqualifiables reprochés à sept jeunes gens qui auraient pu comparaître devant une autre juridiction.

 

Dans la nuit du 29 au 30 mai, Maurice Forny, 19 ans, préparateur en pharmacie, en chômage depuis un an ;

Jean Denis, 20 ans, électricien ;

Jean Vennéguès, 21 ans, plombier ;

Jean Beuzen, 24 ans, Henri Raguénès, 23 ans ;

D..., 20 ans et P..., 26 ans, ouvriers à l'arsenal, se rendaient dans les remparts de Recouvrance, où dans un souterrain avaient élu domicile Yves Calvez, 33 ans, chiffonnier ;

sa belle-mère, la femme Noroît ; Louis Fer, 25 ans, couvreur et Victorine Le Lann, 22 ans, plus connue sous le nom de la « Ouessantine (*) ».

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(*) À lire un autre article où il est question de la « Ouessantine » sur Reto29.fr : Cliquer ici

 

Tout le monde dormait, quand les occupants furent réveillés par des coups de pied lancés dans la porte.

N'obtenant aucune réponse, les noctambules allumèrent des branchages qu'ils déposèrent sous la porte, provoquant une épaisse fumée qui produit aussitôt l'effet qu'attendaient les jeunes gens.

 

L'huis ayant été ouvert, la bande se jeta sur Calvez et Fer, qu'ils mirent dehors sans difficultés, tout au moins en ce qui concerne Fer qui était ivre-mort.

 

C'est alors qu'eurent lieu de graves sévices sur la fille Le Lann.

Les faits se renouvelèrent le lendemain soir, mais seulement Forny, Denis et Vennéguès y prirent part.

Les jeunes gens furent inculpés de violences, coups et blessures et violation de domicile.

 

Précisons que les renseignements fournis sur le compte de la « victime » sont loin de lui être favorables.

 

Les débats qui se sont déroulés à huis clos ont été forts longs.

 

Après réquisitoire et plaidoirie de Me Le Goc, le tribunal prononce l'acquittement de D... et P..., qui avaient nié leur participation dans l'agression et que les témoins ont affirmé n'avoir pas vu durant cette lamentable nuit.

 

Forny, Denis et Vennéguès ont été condamnés à 13 mois de prison ;

Beuzen, et Raguénès à 10 mois de prison.

 

Une amende de 16 francs pour violation de domicile, est de plus infligée à chacun des inculpés.

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