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1937

Le drame de la Forêt-Fouesnant

 

 

Source : La Dépêche de Brest 4 octobre 1937

 

Vendredi, dans la soirée, Marie-Jeanne Gourlaouen, épouse Bacon, 49 ans, sans profession bien définie, se trouvait en état d'ivresse, ce qui, de l'avis de nombreux habitants de la Forêt-Fouesnant, lui arrivait assez fréquemment.

 

Vers 21 h. 30, M. Lannurien, charcutier, habitant au centre du bourg, entendit du bruit sur la route après le départ de chez lui de la femme Bacon, il sortit et la vit étendue sur le sol, ayant près d'elle son mari qui, lui-même, était ivre.

 

Les deux hommes placèrent la femme Bacon sur une brouette et la reconduisirent à son domicile, dans la rue Traon, au bourg, non loin de la cale.

 

La femme Bacon fut couchée dans son lit et M. Lannurien rentra chez lui

 

Pendant la nuit, les voisins entendirent le bruit d'une violente discussion chez les époux Bacon, mais ne s'en étonnèrent pas, le fait se produisant assez souvent dans ce ménage.

 

Enfin, vers 4 heures du matin, ce fut le silence complet.

 

Samedi matin, on apprit que la femme Bacon se trouvait dans un état très grave.

Le docteur Marcille, de Fouesnant, fut appelé et constata le décès, mais refusa le permis d'inhumer, ayant relevé sur le corps des traces suspectes.

 

Il est à signaler que M. Lannurien, lorsqu'il transporta la femme Bacon chez elle, n'avait remarqué aucune trace de blessures.

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La gendarmerie de Fouesnant fut alertée et le chef de brigade Le Visage, les gendarmes Le Coz et Kervran se transportèrent sur les lieux.

 

Après une rapide enquête, la gendarmerie de Quimper fut avisée.

Le capitaine Le Thomas, accompagné du gendarme Le Cam, arrivèrent à La Forêt-Fouesnant dans la soirée.

 

Bacon, 53 ans, marin-pêcheur, encore très énervé par l'alcool, fut interrogé à la mairie de la Forêt-Fouesnant, par le capitaine Le Thomas.

Son interrogatoire et celui des témoins se prolongea jusqu'à une heure avancée de la nuit

 

Bacon déclara ne se souvenir de rien et n'avoir jamais frappé sa femme.

Il est, sur beaucoup de points, en contradiction avec des témoins entendus dans la soirée, qui affirment que Bacon frappait fréquemment sa femme.

Tous deux s'adonnaient à la boisson.

 

Voyant son état d'énervement, le capitaine Le Thomas fit garder Bacon à vue pendant toute la nuit à la gendarmerie de Fouesnant, le mari de la défunte manifestant des idées de suicide

 

Dimanche matin, à 8 h. 30, le docteur Renault, médecin légiste à Quimper, procéda à l'autopsie de la femme Bacon, en présence de M. J. Tollec, maire de la Forêt-Fouesnant, et de la gendarmerie.

 

L'éminent praticien conclut à une fracture du crâne, enfoncement de l’os pariétal gauche, blessures ayant causé une forte hémorragie.

 

La fracture a-t-elle été occasionnée par une chute sur le sol de la femme Bacon, en état d'ivresse ?

Est-elle due à des coups portés ?

Jusqu'ici il est impossible de le dire de façon certaine.

 

Le parquet de Quimper doit se rendre à la Forêt-Fouesnant, et l'enquête pourra sans doute éclaircir certains points troublants, au sujet de cette mort très suspecte.

 

Le capitaine Le Thomas nous déclare que Bacon ayant, après sa nuit de surveillance, retrouvé son calme, va être laissé en liberté.

 

Cette mort cause une vive émotion dans le pays où les époux Bacon sont très connus et, nous devons le dire, ont la réputation de vivre en désaccord, surtout lorsqu’ils sont en état d'ivresse.

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La belle-sœur de la femme Bacon meurt subitement

 

Une autre mort subite émeut la population.

 

Mme Bacon, née Françoise Poupon, 50 ans, marchande de poissons à la Forêt-Fouesnant, ayant appris la mort de sa belle-sœur, se rendit chez elle pour « la veillée » ; elle était accompagnée de son fils.

 

Hélas ! Elle se trouvait elle-même en état d'ébriété et mena dans la maison mortuaire un tel tapage, ce qui n’était ni l'heure, ni l'endroit, qu'on la pria de sortir ;

c'est ce qu'elle fit, non sans avoir protesté énergiquement.

 

Son fils, ne la voyant pas revenir au bout de quelques heures, alla chez elle et trouva sa mère étendue sur le sol dans la crèche ;

elle était morte et d'après le certificat médical, ce décès est dû à une congestion occasionnée par l'alcoolisme.

 

Ces deux morts étranges et rapprochées dans la famille Bacon, cause un vif émoi dans le pays, où les résultats de l'enquête qui doit être menée par le parquet de Quimper, sont attendus avec anxiété.

Nous en reparlerons demain.

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Source : La Dépêche de Brest 5 octobre 1937

 

Nous avons relaté hier la mort, jusqu'alors suspecte, de Marie-Jeanne Gourlaouen. épouse Bacon.

Rappelons brièvement les faits :

Vendredi soir, en état d'ivresse, cette femme avait été relevée sur la route par M. Lannunen, charcutier au bourg de La Forêt-Fouesnant, et reconduite à son domicile, vers 22 heures, dans une brouette.

 

Son mari, Alain Bacon, marin-pêcheur, lui-même sous l'empire de la boisson,

accompagna le complaisant M. Lannurien et la femme Bacon, ayant été couchée dans son lit, les deux époux Bacon restèrent seuls dans leur chambre.

 

Toute la nuit les voisins entendirent, ce qui arrivait souvent, le bruit d'une violente discussion entre les époux Bacon.

Enfin à 4 heures, ce fut le silence complet.

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Samedi matin, la femme Bacon était morte ;

le docteur Marcille, de Fouesnant, constata le décès mais refusa le permis d'inhumer, la femme Bacon portant à la tête et sur le corps des traces suspectes

 

La gendarmerie de Fouesnant fut alertée, puis celle de Quimper et le parquet de cette ville.

 

Après un premier interrogatoire, samedi, par le capitaine Le Thomas et en raison des contradictions relevées dans les réponses d'Alain Bacon et de son état de surexcitation, le marin-pêcheur fut gardé toute la nuit de samedi à dimanche sous la surveillance des gendarmes de Fouesnant.

 

Dimanche matin l'enquête se poursuivit à La Forêt-Fouesnant.

Les voisins contredirent les déclarations d'Alain Bacon et M. Lannurien déclara que lorsqu'il reconduisit la femme Bacon chez elle, dans sa brouette, et lorsqu'il la coucha dans son lit, elle ne portait aucune trace de coups.

 

Or, d'après l'autopsie pratiquée dimanche matin par le docteur Renault, médecin-légiste à Quimper, la femme Bacon aurait succombé à une fracture du crâne ayant occasionné une abondante hémorragie.

 

À midi, dimanche, M. le capitaine de gendarmerie Le Thomas nous déclarait qu'il avait l'intention de laisser en liberté, jusqu'à la descente du parquet, Alain Bacon, car, ayant « cuvé son vin » il ne manifestait plus l'intention de se suicider.

 

À la gendarmerie de Fouesnant, le capitaine Le Thomas interrogea de nouveau Bacon mais remarqua sur ses espadrilles des traces suspectes.

 

Ayant fait déchausser le marin-pêcheur, il remarqua sur ses pieds les traces de sang.

 

Aussitôt Bacon fut maintenu en état d'arrestation.

 

Dans le courant de l'après-midi, M. Brouard, procureur de la République, se rendit, à la gendarmerie de Fouesnant et, ayant pris connaissance des premiers résultats de l'enquête, signa un mandat de dépôt et le permis d'inhumer la femme Bacon.

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Lundi matin, le parquet de Quimper, composé de MM. Le Sciellour, juge d'instruction ;

Désiry, substitut ; Canévet, greffier, et Goulaouic, interprète, se transporta à Fouesnant.

 

Après un long interrogatoire, Bacon, qui jusqu'alors avait déclaré ne se souvenir de rien, étant en état d'ivresse, et qui avait affirmé n'avoir pas frappé sa femme, finit par passer des aveux.

 

Il reconnut avoir jeté par deux fois — au moins — sa femme hors du lit et lui avoir porté sur le sol des coups de poing, voire même, peut-être, des coups de pied.

 

Peu à peu les aveux se précisèrent, Bacon fut amené à son domicile sous la conduite du chef de brigade, de gendarmerie de Fouesnant, Le Visage et des gendarmes Le Coz et Kervran.

 

La reconstitution de la scène qui devait finir de façon si dramatique fut rapide et bientôt, à la mairie de La Forêt-Fouesnant, Bacon renouvelait et précisait ces aveux.

 

Il fut alors mis en état d'arrestation sous l'inculpation de coups mortels.

 

À la fin de son interrogatoire, une scène particulièrement poignante eut lieu quand, voûtée et toute tremblante, la vieille mère d'Alain Bacon vint embrasser son fils sur le seuil de la mairie.

La pauvre femme, qui eut neuf enfants et qui est estimée dans le pays, faisait peine à voir lors de cet émouvant adieu avant le départ de son fils pour la prison de Quimper.

 

Alain Bacon, marin-pêcheur n'ayant guère pris la mer depuis un an car, comme sa femme, sa victime, il s'adonnait à la boisson.

Il est âgé de 53 ans, fort bien bâti mais son visage porte d'une façon indéniable les marques de son triste vice :

la boisson !

 

Il n'a jamais jusqu'ici été condamné.

 

Le ménage Bacon eut trois enfants; l'un de ses fils fait actuellement son service dans la marine.

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Lundi matin ont eu lieu les obsèques de la femme d'Alain Bacon.

Sa belle-sœur, née Françoise Poupon, décédée subitement au milieu de la nuit de samedi à dimanche, dans les circonstances que nous avons relatées, a été inhumée samedi après-midi.

 

Ces deux décès dans la famille Bacon en de si tragiques circonstances et l'arrestation du marin-pêcheur Alain Bacon, inculpé d'avoir tué sa femme, ont causé dans le paisible pays de La Forêt-Fouesnant une très vive émotion.

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Source : La Dépêche de Brest 28 octobre 1937

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