1938
Vol d'un coffre-fort
d'un négociant en vins
de Lambézellec
Source : La Dépêche de Brest 14 juillet 1938
Un cambriolage, qui dénote de la part de ses auteurs une certaine audace, a été commis l'avant-dernière nuit, chez M. Le Fur, négociant en vins à La Villette, en Lambézellec.
Les inconnus ont employé pour opérer les grands moyens, consistant à dérober une automobile pour y transporter l'objet de leur convoitise... un coffre-fort.
Précisons tout de suite que les auteurs de cet audacieux coup de main devaient connaître parfaitement les lieux où ils ont perpétré leur méfait et qu'ils avaient dû longuement préméditer leur entreprise, qui fut couronnée de succès.
La découverte du cambriolage
M. Cader, comptable chez M. Le Fur, venait prendre son service hier matin, vers sept heures, dans le bureau qu'il occupe à gauche en entrant dans le magasin de chai, et séparé par un deuxième bureau, donnant directement sur la route de Kérilly, à une cinquantaine de mètres de la rue Jean Jaurès.
Le comptable constata tout d'abord que plusieurs imprimés de publicité se trouvaient éparpillés sur le sol.
Il n'en prêta pas autrement attention, pensant que c'était son patron qui était venu chercher quelques papiers.
Mais, se retournant, M. Cader eut alors la surprise de remarquer que le coffre-fort, dont il conserve la clef constamment sur lui, avait été enlevé.
Ce coffre, d'un poids de 150 kilos, haut de 1 m. 35 et large de 60 centimètres, était mobile et posé à gauche du bureau, contre le mur, le long d'un meuble genre classeur.
Se dirigeant vers l'entrée du magasin, M. Cader s'aperçut que les crochets de fer fermant les deux battants de la porte n’étaient pas en place.
De plus, il releva des débris de vitres d’auto dans le caniveau qui passe devant le magasin.
Les cambrioleurs étaient donc sortis par là tout simplement, après avoir poussé les deux battants de la porte.
L'auto qui servit à transporter le coffre
Le comptable mit au courant M. Le Fur qui habite à quelques mètres de là, une villa séparée par une étroite venelle, des constatations qu’il venait de faire.
Le négociant, après s’être lui-même rendu compte de la disparition de son coffre-fort, alla à la gendarmerie de Lambézellec et fit part au chef de brigade Le Merdy des évènements qui s’étaient déroulés chez lui au cours de la nuit.
Or, coïncidence, presque au même moment, le chef de brigade venait d’être avisé par un cultivateur, M. Squiban, qui se rendait à cheval dans son champ, qu’une voiture automobile se trouvait abandonnée au lieu-dit « Kergoat » à environ trois kilomètres de Lambézellec sur la route conduisant à la Digue.
On devait apprendre, un peu plus tard, que le véhicule dont il s’agissait avait été volé pendant la nuit dans le garage de M. Le Goaer, fabricant de balais, rue de Penfeld et domicilié à Brest, 7 rue Amiral Linois.
Le signalement de la voiture, une conduite intérieure bleu foncé, portant le n° d’immatriculation 1133 FJ 1, avait été immédiatement transmis par le chef de brigade à la section de Brest.
Un rapprochement entre ces deux affaires s’imposait :
L’auto de M. Le Goader avait servi aux inconnus pour transporter le coffre-fort de M. Le Fur.
L'enquête
M. Verrier, le jeune et actif commissaire de police de Lambézellec, entré ces jours derniers dans ses nouvelles fonctions, devait être chargé de l’enquête sur cette affaire assez troublante.
Il se rendit donc à la première heure, en compagnie de son secrétaire, M. Floch, au domicile de M. Le Fur, et procéda aux diverses constatations qui s’imposaient.
Une lucarne de la toiture
D’abord, quel chemin avait suivi les cambrioleurs pour pénétrer à l’intérieur du magasin de chai ?
En contournant le bâtiment qui, ainsi que nous l’avons dit, est séparé de l’habitation du négociant par une venelle, nous arrivons dans une petite cour, donnant sur l'arrière du magasin.
Contre le mur étaient appuyées deux barrières en bois superposées.
C'est ce qui servit à l'un des malfaiteurs pour monter sur le toit.
Il aperçoit une lucarne, mais après en avoir brisé la vitre, il constate que dessous il y a le vide, et n'insiste pas.
L'inconnu va plus loin, où existe une seconde lucarne, celle-là est beaucoup plus rapprochée du sol.
Il fait sauter la vitre, puis se laisse glisser par l'ouverture.
L'homme ne devait certainement pas être très gros pour avoir réussi ainsi à passer.
Enfin, une fois à l'intérieur du magasin, le cambrioleur va ouvrir la porte d'entrée, retenue à l'intérieur par deux crochets de fer et ses complices, qui l'attendaient, peuvent accéder dans le local.
Les inconnus se dirigent vers le bureau, non fermé à clef, du comptable, où ils savent trouver le coffre-fort.
Puis, à l'aide de deux fortes pinces placées au fond du magasin et retrouvées par la suite à la porte, les cambrioleurs conjuguent leurs efforts pour dégager le coffre, qu'ils font rouler sur des billes de bois, jusqu'à l'auto arrêtée dehors.
Combien sont-ils pour accomplir cet enlèvement, qui dut demander un certain temps ?
Trois, quatre, cinq ?
Toujours est-il, qu'étant parvenus à monter le coffre dans l'auto et l'avoir maintenu à l'aide d'une corde, les audacieux « monte-en-l'air » mettent leur véhicule en marche et prennent la route qui conduit à la buanderie de la Marine.
L'auto abandonnée à Kergoat
La voiture de M. Le Goaer a été trouvée abandonnée au sommet d'un petit sentier à pic, tortueux et caillouteux, qui est situé à gauche de la route allant à la buanderie.
Il n'est, pour ainsi dire, jamais emprunté par les automobilistes.
Le véhicule était tourné dans la direction de la route conduisant au plateau du Bouguen.
Ne pouvant réussir, dès ce moment, à poursuivre leur chemin, les cambrioleurs abandonnèrent dans ce lieu quasi désert, la voiture volée.
La portière gauche était ouverte et la serrure faussée, probablement au moment où les inconnus voulurent sortir le meuble.
Le coussin avait été retourné et les enquêteurs retrouvèrent, à l'intérieur de la voiture, la cordelette qui servit à maintenir le coffre.
Où est le coffre-fort ?
Le chef de brigade Le Merdy et le gendarme Le Nail, ainsi que deux employés de la maison Le Fur, parcoururent la campagne environnante, questionnant les gens par-ci, par-là, pour retrouver le coffre-fort.
Les enquêteurs en vinrent à se poser une question :
Le coffre avait-il été débarqué à l'endroit même où l'auto fut retrouvée ?
Les auteurs du vol ne s'en sont-ils pas plutôt débarrassés en un autre lieu, après l'avoir éventré et s'être emparés de son contenu, pour venir ensuite garer le véhicule à Kergoat ?
La chose paraît très possible.
Le coffre renfermait une somme de 18.479 francs, dont 8.000 francs environ en espèces et le reste composé en bons de la Défense nationale.
Ceux-ci seront difficilement négociables, M. Le Fur, connaissant leurs numéros, les a aussitôt frappés d'opposition.
Le cambriolage se situe vers 3 heures du matin
Le commissaire de police a interrogé M. Le Fur, qui a déclaré que, vers trois heures du matin, ayant entendu son chien aboyer, il s'était levé, puis recouché presque aussitôt, n'ayant remarqué rien d'anormal dans le jardin situé derrière sa maison.
À peu près vers la même heure, Mme Rozec, qui tient un commerce de vins et tabac, à l'angle de la rue Jean Jaurès et de la route de Kerilly, a été réveillée par le moteur d'une auto, qui lui a semblé mettre un assez longtemps pour démarrer.
Il ne pouvait s'agir, très certainement, que de la voiture des cambrioleurs.
Nous avons trouvé M. Le Goaer, à Kergoat, où il était venu prendre possession de son auto.
— Ils avaient essayé, nous dit-il, de s'emparer tout d'abord de ma camionnette, qui était rangée devant la conduite intérieure.
Ne parvenant pas à faire tourner le moteur, ils l'ont déplacée pour prendre alors la voiture de tourisme.
Personne n'a rien entendu dans le voisinage.
Le parquet sur les lieux
À la fin de la matinée, M. Donnard, procureur de la République, accompagné de MM. de Lapeyre, juge d'instruc tion, et Cocaign, greffier, s'est rendu à Kergoat.
Les magistrats ont procédé à diverses vérifications.
Vaines recherches dans l'après-midi
Dès le début de l'après-midi, le capitaine Meinier et M. Verrier, commissaire de police de Lambézellec, reprirent leur enquête sur place, accompagnés du chef de brigade Le Merdy et des gendarmes Rabaud et Le Gouill.
De nombreuses photographies furent prises sur les lieux du cambriolage.
Ces documents ne manqueront pas d'intérêt car de nombreuses empreintes digitales ont été relevées.
Au cours de la journée, de nombreuses personnes ont été interrogées, sur différents points de la commune, et priées de fournir des précisions sur leur emploi du temps au cours de la nuit de mardi à mercredi.
Toutes les déclarations ainsi recueillies seront sujettes à de nombreuses vérifications et il semble, qu'à moins d'imprévu, l'enquête durera plusieurs jours.
Les enquêteurs s'intéressent particulièrement à une piste.
Il est certain que l'un au moins des cambrioleurs connaissait parfaitement la maison.
Tout le démontre.
De 12 à 18 heures, six gardes mobiles et plusieurs gendarmes de la brigade de Lambézellec poursuivirent des recherches sur le plateau du Bouguen, dans les douves au Bois de Sapin, aux alentours du village de Kergoat, etc., pour tenter de retrouver le coffre-fort.
Cette longue battue ne fut malheureusement pas couronnée de succès et aucun indice intéressant n'a pu être recueilli.
Il est possible que le coffre-fort ait été dissimulé dans une grange ou dans une maison, car il est peu probable que, le jour se levant tôt, les cambrioleurs aient eu le temps de le forcer.
Cette opération devait en effet être assez longue et n'aurait pu que très difficilement être effectuée avant l'aube.
Une déclaration importante
On sait à quelle heure le cambriolage a été commis.
En effet, les enquêteurs ont recueilli, à cet égard, une déclaration intéressante faite par M. M..., employé à la brasserie de Lambézellec.
— J'ai quitté mon domicile à 3 h. 50, cette nuit, dit M. M..., pour me rendre à mon travail.
Je suivais la venelle qui passe devant la maison Le Fur et aboutit à la rue Jean Jaurès.
« Mon attention fut attirée par une voiture automobile dont le moteur était arrêté, les phares éteints, et qui stationnait devant l'entrepôt de vins.
« Les deux battants de la porte de la maison Le Fur étaient entr'ouverts. Intrigué, je suis entré dans le magasin. Je voyais que le fond de la pièce était légèrement éclairé.
« J'ai alors distingué, à huit ou dix mètres de moi, un homme qui se tenait debout, mais dont la vue m'était en partie cachée par une poutre.
Cet homme causait avec d'autres personnes qui devaient se trouver tout au fond du magasin ».
Le témoin n'a pas pu saisir le sens de la conversation tenue par les hommes, mais il a fourni un signalement de la personne qui se tenait debout au milieu de la pièce.
— C'était, dit-il, un individu de taille moyenne, assez mince.
Il était vêtu d'un pantalon et d'un pull-over de teinte sombre.
Enfin, il était tête nue et portait la raie sur le côté.
« J'ai pensé qu'il s'agissait d'employés de la maison et suis reparti une minute plus tard. »
Le témoin fournit aussi un signalement de la voiture qui stationnait devant l'entrepôt.
Il s'agissait d'une voiture vraisemblablement de marque Citroën, genre conduite intérieure, quatre places.
La carrosserie était peinte en bleu foncé.
Enfin, les coussins des banquettes étaient relevés contre les vitres des portières gauches.
Ce signalement correspond à celui de la voiture retrouvée abandonnée près de Kergoat et dont nous avons parlé plus haut.
Divers procès-verbaux ont été transmis au parquet de Brest, dans la soirée d'hier et l'enquête sera poursuivie dès ce matin.
Source : La Dépêche de Brest 20 juillet 1938
Dans la nuit du 12 au 13 juillet, un cambriolage était commis chez M. Le Fur, négociant en vins à La Villette, en Lambézellec.
Pénétrant par le toit de l'immeuble dans le magasin, des cambrioleurs réussirent à enlever un coffre-fort pesant 150 kilos, haut de 1 m. 35 et large de 60 centimètres, lequel contenait 18.450 francs.
Cette somme se composait de 10.000 francs de bon de la Défense nationale, 450 francs en obligations et 8.100 francs en billets de banque.
Pour mener à bien leur projet, les cambrioleurs se servirent d'une automobile volée à M. Le Goaer, fabricant de balais, rue de Penfeld.
Cette voiture devait être retrouvée, le lendemain même, abandonnée à Kergoat, sur la route conduisant à la Digue, à trois kilomètres de Lambézellec.
Le chef de brigade le Merdy procéda à de nombreuses constatations, ainsi que M. Verrier, commissaire de police.
II fut établi que le cambriolage avait été commis vers 3 heures du matin.
Un témoignage particulièrement précis fut recueilli, celui de M. M..., employé à la brasserie de Lambézellec. qui vit les cambrioleurs à l'intérieur du magasin.
Il fournit le signalement de l'un d’eux : un homme de taille moyenne assez mince, vêtu d'un pantalon et d’un pull-over de teinte sombre.
L'inconnu était tête nue et portait la raie de côté.
Jusqu'à présent, l'enquête n'a pas permis d’identifier les cambrioleurs et il semblait bien qu'ils avaient pu tirer profit de leur méfait, il n'en était rien.
On découvrait, en effet, hier matin, en bordure d'un chemin creux, à un kilomètre de Penfeld, le coffre-fort volé à M. Le Fur.
Ce coffre n'avait pas pu être ouvert et contenait encore les 18.450 francs qu'il renfermait au moment de sa disparition.
En menant ses vaches au pâturage
Vers 8 heures, hier matin, Mme G.. blanchisseuse, et l'une de ses voisines, Mme H..., allaient conduire leurs vaches au pâturage.
Pour arriver à leur champ, elles longeaient le chemin vicinal n° 4, à un kilomètre de Penfeld, près de Kervaly, en Guilers.
Mme G... vit, dans les broussailles qui bordent la route, quelque chose qu'elle prit d'abord pour un vieux fourneau rouillé, jeté au rebut.
Cependant, avec Mme H..., elle s'approcha.
— C'est alors, dit-elle, que nous avons, à notre grande surprise, constaté qu'il s'agissait d'un coffre-fort. Nous avons pensé, naturellement, qu'il s'agissait de celui qui avait été enlevé chez M. Le Pur.
Le coffre ne semblait pas avoir été forcé et nous avons cru devoir prévenir immédiatement la gendarmerie.
Un enfant, qui accompagnait Mmes G... et H..., se rendit alors à Penfeld, chez Mme Drogou, commerçante, qui avisa la brigade de Lambézellec par téléphone.
Le parquet se rend sur place
M. Le Merdy prévint aussitôt M. le capitaine Meinier, qui arrivait sur les lieux de la découverte en compagnie de MM. Donnart, procureur de la République ;
de Lapeyre, juge d'instruction ;
Peruche, commissaire à la brigade mobile ;
Verrier, commissaire de police de Lambézellec, etc.
M. Guéguen, serrurier, qui avait été requis par le parquet, dépêcha sur place un ouvrier porteur des outils et des clefs nécessaires.
Il ne fut cependant pas possible d'ouvrir le coffre, dont la serrure était obstruée par un morceau de bois. Il fallut alors le hisser sur un camion appartenant à M. Le Pur et le transporter dans les ateliers de M. Guéguen.
Bonne surprise
Aussitôt, on entreprit d'ouvrir le coffre en découpant au chalumeau sa partie arrière.
Ce travail fut rapidement exécuté.
M. Le Fur eut alors l'agréable surprise de constater que les 18.450 francs et les papiers commerciaux se trouvaient toujours à leur place.
Mmes G... et H... avaient donc fait une découverte très importante.
Quand on souleva le coffre, on remarqua que l'herbe placée dessous était déjà jaunie.
Il y a donc lieu de penser qu'il se trouvait là depuis plusieurs jours.
Ce qui est aussi certain, c'est que pour abandonner leur prise dans de pareilles conditions, les cambrioleurs n'étaient pas des professionnels.
Ceci viendrait confirmer d'ailleurs l'hypothèse émise dès le début de l'enquête.