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1939

Un mari frappe sa femme
d'un coup de couteau
à Saint-Pierre-Quilbignon

 

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Source : La Dépêche de Brest 6 juin 1939

 

Il y a quatre ans, il avait alors 22 ans, Clément Le Lann, actuellement employé comme manœuvre à la gare des chemins de fer de l'État, épousait Simone Cozien, âgée à l'époque de 17 ans.

 

Le mari ne tarda pas à remarquer les habitudes d'intempérance de sa jeune femme, qui délaissait les soins du ménage.

 

Des scènes fréquentes, parfois même violentes, éclataient dans le ménage, venu habiter 257, rue Jean Jaurès, à Saint-Pierre-Quilbignon, aux Quatre-Moulins, cour des Miracles.

 

Un bébé naquit il y a sept mois, une petite fille prénommée Jeannine.

La venue au monde du petit être ne modifia en rien le genre de vie de la jeune mère qui, d'après les dires du père, ne s'occupait, comme il l'aurait voulu, ni du bébé, ni de son intérieur.

C'est là qu'il faut voir la genèse du drame qui éclata dimanche soir dans l'appartement des époux Le Lann, cour des Miracles.

 

« Venez vite, ma sœur a reçu un coup de couteau ! »

 

Les gendarmes Mével, Rabaud et Berregard s'étaient rendus, vers minuit trente, sur les lieux d'un accident de la circulation dont nous avons parlé hier, qui devait coûter la vie à Mme Laé, et qui s'était produit précisément tout à côté de l'immeuble de la cour des Miracles.

 

Les enquêteurs ignoraient encore tout de la scène dramatique, quand le gendarme Berregard vit arriver vers lui en courant, un jeune homme.

C'était Henri Cozien, âgé de 16 ans, qui, revenant du cinéma et rentrant au domicile de sa sœur, chez laquelle il habite, avait été mis brièvement au courant par Mme Le Lann de ce qui s'était passé.

 

— Venez vite, dit-il au gendarme Berregard, ma sœur a reçu un coup de couteau.

 

Le représentant de la maréchaussée se rendit immédiatement chez les époux Le Lann.

 

Dans la pièce servant de cuisine et de chambre à coucher, une mare de sang était répandue sur le parquet.

 

Mme Le Lann était allongée sur son lit, ayant à son côté sa petite fille Jeannine.

Les draps et les oreillers étaient maculés du sang provenant d'une plaie que la malheureuse jeune femme portait dans le dos.

La blessée était dans cette situation depuis près de trois heures, attendant les soins d'un médecin que son mari s'était refusé à alerter.

 

En effet, son geste accompli, Le Lann s'était d'abord couché près de sa femme blessée et vers minuit et demi sortit en disant qu'il allait se tuer.

 

Il n'en fit rien.

Environ une heure plus tard, il revint vers le domicile conjugal.

C'est alors qu'il fut appréhendé par les gendarmes.

 

Le Lann, après avoir blessé son épouse, s'était rendu chez sa sœur, Mme Doaré, demeurant 13, rue du Parc, à Recouvrance.

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« Çà devait arriver... »

 

L'ambulance municipale était allée transporter à l'hospice civil M. et Mme Laé, quand elle fut à nouveau requise pour conduire dans ce même établissement Mme Le Lann qui, malgré sa grave blessure, n'avait pas perdu connaissance.

On lui laissa son enfant.

 

L'interne de service, M. Marhic, constata une plaie intéressant le poumon gauche, avec déchirure de la plèvre.

Le pronostic fut réservé.

 

Une heure du matin avait déjà sonné, quand le gendarme Berregard vit arriver un homme correspondant au signalement qu'on lui avait donné du mari meurtrier.

 

C'est vous Le Lann, dlt-il à l'individu quand il fut près de lui ?

— Oui, c'est moi Le Lann !

 

L'interpellé d'ajouter aussitôt :

— Çà devait arriver. J'en ai assez. Elle s'enivrait tous les jours.

 

Clément Le Lann se laissa arrêter sans la moindre difficulté et fut conduit à la caserne de gendarmerie, où il passa la nuit.

 

Le lendemain, à la première heure, le gendarme Berregard allait poursuivre son enquête sur cette pénible affaire en interrogeant successivement la femme et le mari.

 

Voici les déclarations que Clément Le Lann fit aux enquêteurs :

— J'étais allé passer l'après-midi du dimanche à Kervallon, en compagnie de camarades.

Je suis rentré chez moi vers 21 h. 30 et j'ai demandé à manger à ma femme qui était couchée avec notre enfant.

Elle s'est levée et s'est assise sur une chaise.

J'ai alors remarqué, une fois de plus, que ma femme était encore prise de boisson.

Sur la table, la vaisselle n'était pas faite et je lui ai reproché qu'au lieu de s'enivrer, elle ferait mieux de s'occuper davantage de la maison.

Nous nous sommes disputés et injuriés.

À un certain moment, notre enfant s'est mis à pleurer.

 

— J'ai demandé à ma femme de s'en occuper.

Comme elle ne bougeait pas, et que j'en avais assez, j'ai pris tout à coup mon couteau de poche et je l'ai frappée alors qu'elle me tournait le dos

 

— Ma femme, poursuivit Le Lann, s'est affaissée.

Peu après, elle s'est relevée et est allé se coucher.

Je me suis également allongé sur le lit et vers minuit, je suis parti.

J'ai été arrêté quand je m'apprêtais à rentrer chez moi.

 

À l'hôpital

 

L'enquête se poursuivit à l'hospice civil où la victime de cette scène dramatique a, on le sait, été transportée.

 

Sa blessure, quoique sérieuse, ne semble pas mettre ses jours en danger.

 

Interrogée, Mme Le Lann déclara de son côté que son mari lui faisait mener une vie impossible et qu'il la frappait fréquemment.

Elle portait encore au bras et sur les diverses parties du corps des traces de coups.

 

— Quand j'ai demandé à mon mari, ajouta-t-elle, alors que j'étais blessée dans mon lit, d'aller chercher le médecin, il s'y est refusé.

C'est mon jeune frère qui a prévenu les gendarmes quelques Instants après être revenu du cinéma.

— Je ne porte pas plainte contre mon mari, car je crains des représailles.

 

Ouvrier sérieux

 

Des renseignements pris à la gare des chemins de fer de l'État, où était employé Le Lann, ont cependant permis d'établir que l'auteur du coup de couteau était bien considéré par ses chefs et que c'était un homme sérieux et travailleur.

 

Il avait fait part à ses supérieurs des déboires qu'il rencontrait dans le courant de sa vie conjugale.

 

*

 

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Source : La Dépêche de Brest 22 juillet 1939

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