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1939

Quatre matelots s'évadent de Pontaniou

 

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Source : La Dépêche de Brest 30 avril 1939

 

Quatre jeunes matelots, deux du porte-avions Béarn :

Louis Bouvier et Paul Dagniaux, et deux du 3e dépôt des équipages de la flotte de Rochefort Roger Mintec et Saccorsi, étaient enfermés dans quatre salles contiguës à la prison de Pontaniou.

Ceux du 3e dépôt étaient en prévention de conseil de guerre sous l'inculpation de vol en réunion la nuit, avec menaces de faire usage de leurs armes.

Les deux autres, les matelots Bouvier et Dagniaux, faisaient partie de la bande de voleurs d’autos du  Béarn ;

le premier avait été condamné à deux ans, le second à quatre ans de prison.

Tous deux avaient fait appel du jugement devant la Cour de cassation tandis que Mintec et Saccorsi devaient comparaître prochainement devant le tribunal maritime.

 

Tous quatre étaient au régime des prévenus, ce qui leur donnait le droit de coucher dans un hamac et de manger les menus des marins du 2e dépôt.

 

À Pontaniou

 

Une partie du 2e étage de la prison de Pontaniou avait autrefois une autre destination.

Dans un couloir s'ouvraient de grandes salles très hautes, à cloisons épaisses et plafonds voûtés

 

Ces salles ont été transformées en locaux disciplinaires, séparés par un étroit couloir fermé par une porte munie d'une serrure et de deux énormes verrous placés à l'extérieur.

 

Les cloisons ne montant pas jusqu'à la voûte en maçonnerie, des cornières métalliques ont été scellées à leur partie supérieure.

Ce plafond est donc à claire-voie mais les cornières sont si rapprochées que le corps d'un homme ne peut passer entre leurs intervalles.

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Les quatre matelots occupaient chacun une des quatre cases d'une de ces salles.

Saccorsi était enfermé dans la première à gauche donnant sur le couloir séparatif.

 

Les portes de ces cases sont fermées par un gros verrou extérieur, mais ne ferment pas à clef comme la porte du couloir.

Un guichet grillagé permet de voir l’intérieur du cachot.

 

Des rondes avaient eu lieu vendredi, à 21 heures et 23 heures.

Le surveillant militaire Le Goff, à 1 h. 45, faisait une troisième ronde.

 

L'attentat

 

Tout était silencieux dans la prison.

Son trousseau de clefs à la main, le second-maître suivait le couloir du 2e étage où la lumière électrique brûle toute la nuit.

 

Arrivé devant le couloir de la salle occupée par les quatre « prévenus », le gardien ouvrit sans méfiance la porte et, au moment où il s’apprêtait à regarder par le guichet à l’intérieur de sa case, Saccorsi, caché dans l’espace laissé libre entre la voute et les cornières métalliques, lui sauta dessus et d’un violent coup d’un toron qu’il était parvenu à dissimuler, mit knock-out le malheureux gardien qui, étourdi, tomba à terre, à demi assommé.

 

Saccorsi ne perdit pas de temps.

Il s’empara du trousseau de clefs, ouvrit les cases de ses camarades.

Deux d’entre eux, Gaillards et Disdevaux, refusèrent de fuir, mais Bouvier, Dagniaux et Mintec prirent le large.

 

Saccorsi referma à clef la porte du couloir de la salle et tous les quatre dégringolèrent l’escalier et se trouvèrent dans la petite cour de la prison, séparée par un haut mur et en contre bas de la rue de Pontaniou.

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L'évasion

 

Un escalier de onze marches permet d’accéder à la porte de la prison ?

À proximité de cet escalier se trouve le toit d’un appentis appuyé au mur d’enceinte.

On suppose que c'est par là que les quatre gaillards escaladèrent le mur en se hissant mutuellement sur le faite, dépourvu à cet endroit où la maçonnerie vient d’être réparée de tessons de bouteilles et morceaux de verre scellés sur le haut du mur de clôture.

 

En grimpant, l’un d’eux heurta le fil de fer horizontal qui relie le cordon extérieur à la sonnette d’appel de l’entrée, mais son tintement fut léger et ne dut pas être entendu.

 

L'alarme

 

L'évanouissement du second-maitre Le Goff avait été de courte durée.

Bien que souffrant des reins, il était parvenu à se mettre debout.

Fiévreux, il ne parvenait pas, la gorge sèche, à crier ; il ouvrit les portes des cases où étaient restés Gaillard et Disdevaux, et réclama à boire.

 

Les deux prisonniers lui donnèrent obligeamment leur bidon et, après avoir absorbé l'eau qu'il contenait, le gardien Le Goff s'en servit pour frapper sur la porte du couloir et appeler à l'aide.

 

Son logement étant au 2e étage, sa femme Mme Le Goff perçut ses appels et réveilla son voisin, le surveillant militaire Goasguen que se précipita au secours de son camarade.

 

La clef de la porte avait été jetée par les fugitifs dans le couloir.

Le second-maître Le Goff fut délivré.

 

Son camarade fît sonner la cloche pour alerter le maître-principal Gallais et alerta par téléphone le chef d'escadron Le Guillou, commandant la gendarmerie maritime qui lança tout son personnel disponible à la recherche des fugitifs.

 

Sans hésiter, le maître-principal Gallais, à peine vêtu, chaussé de pantoufles, sans armes, s'élança sur les traces des prisonniers évadés, à bicyclette.

 

Pensant, non sans raison, qu'en sautant le mur, les matelots avaient dû se blesser aux jambes, M. Gallais fit le tour de la prison, monta sur les fortifications et descendit par la rue Vauban à toute vitesse.

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Le vol de l'auto

 

Les fugitifs avaient suivi la rue de Pontaniou et la rue Jean-Bart.

Rue du Quartier-maître Bondon, ils trouvèrent une auto en stationnement dans la rue Lapérouse, s'en emparèrent, mais ne purent la mettre en marche.

 

Bouvier, qui possède son permis de conduire, avait pris le volant.

Ses trois compagnons poussèrent la voiture, pensant que par suite de la déclivité du terrain, ils pourraient mettre le moteur en mouvement.

 

Ils arrivèrent ainsi rue du Pont et, toujours pour profiter de la pente, se dirigèrent vers la rue de la Porte.

 

Juste à ce moment, arrivait le maître principal Gallais.

Il aperçut l'auto, tous feux éteints, et se douta que ses quatre évadés y avaient pris place.

 

Soulevant sa bicyclette, il la brandit au-dessus de sa tête pour faire signe aux automobilistes d'arrêter.

La voiture avançait toujours.

Alors il se mit à crier « au voleur! », sans penser au danger qu'il aurait couru si les fugitifs, décidés à tout pour retrouver leur liberté, avaient été armés.

 

L'agent Piollet, de service au poste de police voisin, entendit les appels et vint au secours du maître principal.

 

À sa vue, les quatre matelots s'enfuirent. M. Gallais eut le temps de saisir Bouvier, tandis que les trois autres détalaient dans plusieurs directions.

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L'arrestation

 

Après avoir conduit son prisonnier au poste, le maître principal se mit à la recherche des trois fuyards, pendant que l'agent Priollet prévenait police-secours.

 

Les agents cyclistes Gourvennec et Tanguy arrivèrent à toutes pédales et finirent par découvrir, caché sur les fortifications, Saccorsi, qui se laissa emmener sans opposer de résistance.

 

Les gendarmes maritimes, qui patrouillaient dans divers quartiers pour chercher les deux autres, vinrent prendre possession des deux matelots pour les ramener au Bouguen et le maréchal des logis chef Rivoalen de la caserne de la Pointe, fut chargé de l'enquête.

 

Les deux fuyards sont découverts dans un grenier

 

On cherchait bien loin les deux fuyards.

Blessés au pied, en sautant le mur, tous deux, se rendant compte qu'ils ne pourraient soutenir une course, s'étaient introduits dans l'entrée de l'immeuble portant le numéro 16 de la rue Bouillon.

Ils avaient, dans l'obscurité, monté, sans bruit, l'escalier et trouvant ouverte la porte d'un grenier, au quatrième étage, s'étaient couchés sur le sol, pour attendre doute, la nuit suivante.

 

Une brave femme vint avertir les gardiens de la paix de la présence des évadés et quatre agents allèrent cueillir Dagniaux et Mintec, boitant de la jambe gauche, pour les emmener au poste de Recouvrance, où des gendarmes maritimes vinrent les chercher pour les ramener à la prison de Pontaniou, où ils rentraient vers 13 heures.

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Au poste de police

 

Bouvier et Mintec faisaient contre fortune bon cœur :

 

— Nous n'avons Jamais eu l'intention de tuer qui que ce soit, disent-ils.

Nous voulions faire la « belle ».

Nous n'avons pas réussi, peut-être serons-nous plus heureux une autre fois.

 

— En attendant, dit Mintec, nous sommes faits,

 

— Bah ! dit Bouvier, deux ans de « tôle » de plus ou de moins, au point où nous en sommes.

 Nous sommes f...ichus maintenant, alors !... à Dieu vat !

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Interrogés séparément par le maître principal, à leur arrivée à Pontaniou, avant d'être mis dans les cellules du rez-de-chaussée, où ils ne risquent pas de prendre la fuite, les quatre matelots ont eu des versions différentes sur leur évasion et se sont refusés à dire l'endroit exact où ils avaient franchi le mur.

 

Tous quatre sont âgés de 20 à 22 ans.

Aux deux et quatre ans de prison, auxquels Bouvier et Dagniaux ont été condamnés, leur tentative d'évasion vaudra une augmentation de peine ; quant à Mintec et Saccorsi, auteurs du vol à main armée sur un chef de train, à Savenay, leur compte paraît bon.

 

Le second-maître Le Goff a passé, hier matin, la visite à l'hôpital maritime.

Il n'a heureusement que des contusions légères et, après quelques jours de repos, pourra reprendre son service.

 

Les prisonniers de Pontaniou, en dehors de diverses corvées, sont occupés, dans un atelier, à faire de l'étoupe.

De vieilles amarres leur sont fournies, qu'ils tranchent, à coups de hache, sur un billot, par bouts de 40 centimètres de longueur.

C'est un de ces torons, d'une épaisseur de quatre centimètres, dont s'est servi Saccorsi pour frapper le second-maitre Le Goff, qui l'a échappé belle.

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Source : La Dépêche de Brest 2 mai 1939

 

Nous avons longuement relaté les circonstances dans lesquelles quatre jeunes marins, deux du « Béarn », Louis Bouvier et Paul Dagniaux, et deux du 3e dépôt, Roger Mintec et Saccorsi, ces deux derniers en prévention de conseil de guerre, s'étaient évadés, dans la nuit de vendredi à samedi, de la prison maritime de Pontaniou, après avoir à demi assommé l'un de leurs gardiens, le surveillant militaire Le Goff.

 

On sait qu'après avoir franchi le mur de la prison, les quatre évadés, avisant une automobile en stationnement rue Haute de la Tour et appartenant à M. Autret, domicilié rue du Pont y prirent place.

 

Bouvier, qui possède un permis de conduire, se mit au volant.

L'auto fut poussée par les trois autres marins et, entraînée par la déclivité de la rue, roula quelques instants, mais le moteur refusa de se mettre en route.

 

Pendant ce temps, l'alerte avait été donnée à la prison et le maître principal Gallais, qui s'était lancé, à bicyclette, à la poursuite des fugitifs, réussit à les rejoindre rue du Pont.

À sa vue, les quatre marins abandonnèrent l'automobile.

 

Le gardien de la paix Piolet, qui était venu porter aide au maître principal Gallais, réussit à appréhender l'un des matelots, Bouvier, tandis que les agents cyclistes Gourvennec et Tanguy arrêtaient, quelques instants plus tard, le matelot Saccorsi.

 

Les deux autres fugitifs, qui s'étaient réfugiés dans le grenier d'un immeuble, 16, rue Bouillon, furent arrêtés dans la matinée de samedi.

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L'ENQUÊTE

 

M. Bonhomme, commissaire de police du 3e arrondissement, s'est rendu hier matin à la prison de Pontaniou, afin d'interroger Bouvier, Dagniaux, Mintec et Saccorsi, simplement en ce qui concerne la tentative de vol de l'automobile de M. Autret.

 

Les quatre détenus ont reconnu les faits.

 

— Depuis huit jours, dirent-Ils, avec la complicité de deux autres codétenus, Longuet et Gauthier, celui-ci étant l'instigateur de l'affaire, nous avons comploté notre évasion.

Au dernier moment, Longuet et Gauthier nous ont lâché et nous avons dû agir tous les quatre.

Le rapt de l'automobile était décidé.

Nous savions que nous aurions trouvé une voiture garée dans un coin quelconque du quartier de Recouvrance.

Malheureusement, Bouvier n'a pu mettre l'automobile en marche et nous nous sommes faits prendre.

 

Notre intention était de nous rendre soit à Nantes ou Saint-Nazaire et de tenter de trouver dans ces ports un bateau à destination de l'Amérique.

 

M. Bonhomme a dressé un procès-verbal des déclarations qui lui ont été faites par les quatre marins et a transmis le résultat de ses investigations à M. le procureur de la République.

 

D'autre part, le chef de brigade Rivoalen et le gendarme Bourden, de la Pointe, ont poursuivi hier, pendant toute la journée, leur enquête au sujet de cette quadruple évasion, afin d'établir la responsabilité de chacun des inculpés.

 

À 17 heures, ils continuaient à procéder à des interrogatoires à la prison.

 

La conviction des enquêteurs est, croyons-nous savoir, que les matelots Longuet et Gauthier auraient joué un rôle important dans cette affaire.

 

Ces deux derniers seront entendus aujourd'hui par l'autorité militaire.

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