Dimanche 17 Avril 1785
Réunion des membres de la Fabrique de Plouguin
Lieutenant colonel
Charles René Halna du Fretay
L'affaire
de l'escarmouche du 19 Octobre 1907
au Maroc
Contributeur : Jean Jacques Le Lez
Lieutenant Colonel
Halna du Fretay
1e rang :
Lieutenant Colonel Frisch, Payeur Pal Frémon, Col Malagutti,
Général d'Amade,
Med Triffaud, Lieutenant Cololonel Wach, Lieutenant Colonel Halna du Fretay
LE CORPS DE DEBARQUEMENT DU MAROC
(1907-1909)
L'intervention française au Maroc est provoquée par les massacres d'européens à Casablanca, le 30/7/1907.
Investie par les puissances coloniales de la prééminence au Maroc depuis la conférence d'Algésiras, la France est chargée de rétablir l'ordre.
Son intervention se déroule en 3 phases:
Le 2/8/1907, le général Drude est envoyé à la tête d'une force de 3000 hommes
(3 bataillons d'infanterie, 1,5 escadrons de chasseurs d'Afrique, 1 section de mitrailleuses,
2 batteries d'artillerie).
Après un débarquement de force à Casablanca, les troupes en organisent la défense,
mais restent trop peu nombreuses pour aller au-delà de quelques reconnaissances
le long du littoral.
Après avoir reçu des renforts qui portent ses forces à 6000 hommes en septembre,
il prend le poste de Mediouna.
Général Drude
Le Général Drude devant sa tente
Abdellah Naguib – Auteur associé MarocAntan.com
Combat de Sidi Messaoud, dit de Sidi Brahim, du 19 octobre 1907.
Au cours du combat qualifié d'héroïque par la presse coloniale, de nombreux soldats ont eu maille à partir avec les Marocains.
Le 19 octobre 1907 eut lieu un engagement très sérieux, les rapports du général Drude considèrent que la journée a été héroïque pour sa cavalerie.
Tous les soldats et officiers sont d'après lui dignes d'être cités pour leurs faits d'armes.
La lecture de ce rapport nous donne une idée sur ce que rapportent la presse et la réalité du terrain :
Le lieutenant de Revel ancien élève de l'Ecole Saint François de sales de Dijon, a eu deux chevaux tués sous lui.
Le lieutenant Burnal est tombé pris sous son cheval, tué.
Un Marocain s'est précipité sur lui et lui a asséné un coup de matraque.
Le lieutenant Burnal est parvenu à tirer son sabre et a tué le Marocain, puis il a tiré un coup de revolver sur un cavalier, a pris son cheval et a ainsi continué la charge.
Quand le cavalier Jardery est tombé, les Marocains ont voulu l'emporter.
Le lieutenant de Revel, le brigadier Malatte et le chasseur Bey se sont précipités et l'ont dégagé.
Le brigadier Malatte a sabré trois Marocains, dont deux ont été blessés et le troisième tué.
Le vétérinaire Malleval, qui se trouvait à coté du capitaine Ihler, voit le capitaine mortellement blessé prêt à tomber de cheval.
Le capitaine Ihler dit au vétérinaire Malleval : "Je suis blessé. Adieu tous !".
Le vétérinaire le soutient avec sa main gauche et maintient le corps du capitaine à cheval durant la charge, essayant de sortir de la mêlée, obligé de se défendre à coups de sabre à droite est à gauche, et n'abandonne le capitaine qu'arrivé à l'infanterie où il lui prodigue des soins inutiles.
Cité à l'ordre du jour pour ce fait courageux, Malleval a reçu la récompense dont il était digne à l'occasion de revue du 14 juillet (1908), passée à Casablanca par le général d'Amade.
Les spahis en courant au secours des chasseurs ont fait des prodiges.
Le lieutenant Segoune a eu son cheval tué.
Capitaine Ilher
Le lieutenant indigène Kaled, (Khaled) petit-fils d'Abdelkader, qui était placé en soutien, a, de sa propre initiative, chargé l'ennemi avec impétuosité.
Un trompette voulant sabrer un Marocain est tombé.
Le Marocain l'a pris à la gorge et a saisi son sabre.
Le trompette a tiré son revolver et brûlé la cervelle du Marocain, puis il a repris son sabre, remonté à cheval et est reparti.
Le lieutenant du Boucheron (c'est son nom qui sera attribué à El Gara) qui était isolé a fait des prodiges.
Il était déjà pris par les Marocains qui l'entraînaient, lorsque les cavaliers, conduits par le lieutenant Kaled, l'ont dégagé."
Les légionnaires ont combattu vaillamment.
Quatre ont été pris, ils se sont défendus avant d'être tués.
Les engagements qui durent depuis le 4 août 1907, ne sont pas le fruit du hasard, ni des actes improvisés.
Les Chaouia ne sont pas dupes, ils ont engagés les divers combats contre les troupes d'occupation avec la certitude qu'ils accomplissaient là leur devoir.
Ce ne sont pas, loin s'en faut, des pillards venus détrousser les habitants de Casablanca !
Martin, cet ancien officier interprète de l'armée d'Afrique, officier de la légion d'honneur, lauréat de la société de géographie de Paris, etc. confirme les informations des tribus qui participent avec des contingents aux combats :
"Les troupes françaises sont littéralement bloquées dans leur camp par de petits groupes de bédouins qui viennent jour et nuit faire le coup de feu sur le front de bandière et dont les trois campements principaux sont installés à l'abri du tir des canons de l'escadre, à Taddert, à Merchich et à Tit Mellil, de 10 à 15 kilomètres de la ville".
Au camp de Taddert, a lieu un grand conseil de guerre : tous les caïds, mokaddems de (siba) et principaux notables de toutes les tribus des chaouia se réunissent pour délibérer sur la situation.
Ils décident d'invoquer l'aide de Moulay Hafid (pour combler leur point faible, à savoir l'artillerie) devenu le champion avéré de la résistance aux étrangers.
L'assemblée charge deux oulémas, Sidi Bejaj el Mezmzi et Si Bouchaib ben Azzouz, de rédiger une requête dans ce sens.
Sur les traces glorieuses des pacificateurs du Maroc
Colonel L.Voinot – Préface du Général Noguès
"Pourtant, ce calme n'implique pas que le pays soit sûr.
Ainsi, un compatriote nouveau venu, M. Kunzer, est enlevé au cours d'une promenade aux abords de Casablanca, le 18 octobre; les ravisseurs l'assassinent peu après.
Le lendemain, 19, le lieutenant-colonel du Fretay va à sa recherche; par des escarmouches successives, les dissidents l'entraînent jusqu'à Taddert.
Là, le détachement français se trouve très en l'air et les Marocains accourent; vers midi, 5.000 cavaliers sont sur le point de l'envelopper, malgré des charges audacieuses; il faut que le général amène des renforts d'infanterie et d'artillerie pour le dégager.
Nous perdons le capitaine de chasseurs d'Afrique Ihler et deux hommes tués avec plusieurs blessés.
L'ILLUSTRATION
Samedi 9 Novembre 1907
"AU MAROC"
L'assassinat du français M. Kunzer dans les environs de Casablanca
Découverte du corps de M. Kunzer, derrière une haie de cactus,
près de la ferme Alvarez, le 24 octobre
Le corps de M. Kunzer ramené à Casablanca
Abdellah Naguib – Auteur associé MarocAntan.com
Le Combat de Sidi Messaoud, du 19 Octobre 1907.
Connu aussi sous le nom de Combat des Trois Marabouts
Ce combat, qui se déroulera entre le Bd Panoramique et Sidi Messaoud, regroupera pour la première fois des forces venues des Chaouia, des Zayans et une partie de la Mehalla Hafidienne, avec ses hommes du Tafilalet et d’autres régions du pays.
C’est la plus dangereuse des batailles que livrèrent les résistants, au terme de laquelle il y eu trois morts du côté français, dont le capitaine Ihler et dix blessés.
Quelques jours après cet affrontement, les français ont été forcés à fortifier leurs positions à Casablanca par la construction de deux Forts, dédiés à Provost et Ihler pour contrôler l’accès de la ville.
Le capitaine Ihler, dont le corps à été rapatrié en France, s’est vu attribuer un mausolée en plein centre du quartier Californie, en souvenir du combat qualifié de sauvage engagement par le Capitaine du génie Bienvenue :
« …jour du sauvage engagement des Koubbas de Taddert (1) où le capitaine Ihler fut mortellement frappé.
Si le ballon (d’observation) avait pu, ce jour-là, assurer sa fonction habituelle, nous aurions sans doute donné l’alarme en temps opportun.
Tel était du moins le sentiment des officiers de chasseurs présents à cette sanglante affaire, qui nous ont avoué s’être retournés maintes fois vers le camp, épiant le moment ou le ballon allait enfin surgir… »
Le Capitaine Grasset note dans son journal :
« Notre cavalerie, dégagée, se replia sur notre infanterie et bientôt 4 à 5.000 Marocains entourèrent la petite colonne.
Soudain le général Drude, averti par la fusillade, apparut sur les crêtes (Bd des Crêtes) voisines avec deux bataillons et deux batteries amenés à toute allure.
Les Marocains, surpris par cette arrivée subite, et criblé de projectiles, se replièrent vers le sud…
La lutte avait été opiniâtre ; de nombreux cadavres ennemis restaient sur le terrain… »
- (1) Les Koubbas de Taddert, ce sont en fait les Trois Marabouts : Sidi Messaoud, Sidi Ali El Hajjam et Sidi M’hamed el Harti El Baamri El Idrissi, ce dernier à été inhumé en l’An 719 de l’Hégire.
Ces Moujahidines, sont inhumés dans les Ouled Haddou.
Les tribus Chaouia et les habitants de Casablanca, font de cet endroit hautement symbolique, un lieu de pèlerinage et de recueillement en souvenir de ces hommes, qui assurèrent en leur temps la défense de leur pays.
Les combats qui eurent lieu en 1907, nous rappellent au bon souvenir de ces hommes qui n’ont pas reculés devant :
6 bataillons d’infanterie à 800 hommes avec 6 sections de mitrailleuses, organisés en 3 régiments de marche sous les ordres d’un lieutenant-colonel ; 2 batteries de 75 ; 1 batterie de montagne, 2 escadrons de cavalerie à 150 sabres, un goum algérien ; 1 compagnie de génie avec 1 section de télégraphistes et 1 section d’aérostiers, 1 détachement d’ouvriers d’artillerie, du train des équipages avec 60 arabas et leurs mulets.
Revue des Deux Mondes, 5e période, tome 42, 1907
Chronique de la quinzaine, histoire politique - 31 octobre 1907
Francis Charmes
Pour le moment, et à en juger par les seules apparences, tout est confusion dans notre attitude au Maroc.
Ce qui vient de se passer au sujet du lieutenant-colonel du Frétay est fâcheux en soi, mais singulièrement révélateur comme symptôme.
Un négociant français, M. Kuntzer, ayant disparu à Casablanca, on a cru, et malheureusement on ne se trompait pas, qu’il avait dû être surpris et tué dans une excursion hors de la ville.
Cela prouve, soit dit en passant, à quel point la sécurité est mal assurée à deux pas de notre camp ; mais il n’y a pas lieu d’en être surpris, et notre infortuné compatriote avait commis une grande imprudence ; il l’a payée de sa vie.
Le général Drude a ordonné une reconnaissance dans un rayon étroitement limité, qui a été dépassé par le colonel du Frétay ; mais il y avait, au profit de cet officier, des circonstances singulièrement atténuantes.
Le cadavre de M. Kuntzer, odieusement mutilé, a été trouvé à deux kilomètres de la ville, où il paraissait avoir été rapporté : le meurtre avait été commis plus loin.
Le colonel du Frétay s’est mis à la poursuite des meurtriers : c’est dans cette poursuite qu’il a dépassé la limite qui lui avait été fixée.
A un certain moment, les crêtes environnantes se sont garnies de Marocains et notre petite troupe a été attaquée dans des conditions dangereuses pour elle.
Elle a fait face à l’ennemi avec beaucoup de courage : on ne sait cependant ce qui serait arrivé,
si le général Drude, averti, n’était venu la dégager.
Nous avons perdu là un capitaine et un soldat, et nous avons eu une demi-douzaine de blessés.
Francis Charmes
Général Drude
Le colonel du Frétay a été frappé de trente jours d’arrêt pour ne s’être pas conformé strictement aux instructions qu’il avait reçues.
Lorsque cette sévérité y a été connue, la nouvelle n’en a pas produit à Paris une impression bien bonne : elle a été généralement blâmée.
Quant à nous, nous y avons vu surtout une preuve nouvelle de la volonté très ferme où était le gouvernement de ne pas se laisser engager à l’intérieur du Maroc sous prétexte, tantôt de poursuivre des assassins, tantôt de protéger une tribu qui s’est soumise, et toujours de faire de l’ordre.
Mais presque aussitôt nous avons appris que le gouvernement avait d’autorité relevé le colonel du Frétay de la punition qui lui avait été infligée, et alors nous avons commencé à éprouver de l’embarras pour comprendre.
Peut-être le général Drude était-il allé un peu loin en frappant le colonel du Frétay comme il l’avait fait ; mais il n’était pas sans inconvénient de le désavouer publiquement, et nous nous sommes demandé ce que cela voulait dire.
Les mauvaises langues, — il y en a toujours, — ont prétendu que la punition et la levée de la punition étaient également parties de Paris ; mais sans doute elles ont tort.
Abdellah Naguib – Auteur associé MarocAntan.com
Le capitaine Grasset, écrira dans son Journal du corps de débarquement :
"Le général Drude, sujet à de fréquents accès de paludisme, tomba malade.
Sa santé étant très ébranlée, il sollicita un congé de trente jours".
La disgrâce du général Drude ne s’est pas fait attendre, il a été brusquement rappelé à Paris…
Une première fois, on lui a imputé une punition infligée de Paris au lieutenant-colonel du Fretay, qui avait brillamment commandé une reconnaissance avant le combat de Sidi Messaoud.
On le rendit responsable d’une inaction incompréhensible, néfaste, en bloquant le corps d’occupation dans Casablanca, menacée par des tribus en guenilles et mal armées…
Pourtant le malheureux général avait reçu l’ordre formel de ne pas bouger.
Il fut remplacé par le général d’Amade, et pour étouffer les cris de la victime,
on lui a passé autour du cou une cravate de commandeur de la légion d’honneur.
Le Petit Parisien du 17 octobre 1907, dans son supplément littéraire illustré, consacre sa première page au général Drude accompagné de notables libérés par les tribus, à la suite des négociations qu’il avait indirectement engagées avec les résistants.
Le même journal du 27 octobre 1907 nous montre le général en compagnie de notables marocains, assistant à une représentation théâtrale.
Manifestement, le général est arrivé à créer un climat de confiance, il n’hésitait pas à répéter que l’objectif de l’opération conjointe menée par les troupes franco -espagnoles ne dépasserait pas les limites fixées par l’acte d’Algésiras.
En effet, c’est dans cette ville espagnole qu’un Acte général a été signé en mars 1906, par les plénipotentiaires; il constate que les puissances participantes ont successivement discuté et adopté essentiellement: une déclaration à l’organisation de la police, etc.
Pour la ville de Casablanca l’organisation d’une police mixte incombe aux Français et aux Espagnols.
La durée de l’arrangement sur la police a été fixée à cinq ans à partir de la date de la ratification.
Dans un courrier du 4 août 1907 destiné aux puissances signataires de l’acte d’Algésiras, M. Pichon, ministre des Affaires étrangères indique les effectifs qu’il envoie à Casablanca.
M. Pichon a soin d’y dire : "Nous avons demandé à l’Espagne qui a pour mission d’exercer avec nous la police à Casablanca d’y envoyer un contingent. Nous voulons avant tout nous inspirer des droits de police que nous confère l’Acte d’Algésiras et agir en parfait accord avec l’Espagne."
De son coté, le ministre de la Guerre M. le général Picquart adresse le câblogramme suivant au général Drude le 4 août 1907 :
"Vous êtes chargé du commandement des troupes françaises envoyées à Casablanca pour infliger châtiment sévère aux tribus responsables des massacres du 30 juillet et pour faciliter l’organisation de la police prévue par Acte d’Algésiras.
Un contingent espagnol sera sans doute envoyé à Casablanca avec le même objectif que vous etc.
Vous agirez autant que possible de concert avec Commandant espagnol.
Ne perdez jamais de vue que l’action actuelle au Maroc est exercée par le concours de la France et de l’Espagne etc.
La police prévue par Acte d’Algésiras devra être organisée le plus tôt possible avec concours des contingents français et espagnol…
M. Malpertuy, notre consul à Casablanca, connaît parfaitement la région …
Etudiez de concert avec lui organisation municipale avec concours indigènes pour assurer salubrité et aussitôt que possible reprise des transactions commerciales, etc."
En dépit des déclarations diplomatiques et des instructions du ministère de la guerre, sur l’objectif final des opérations engagées conjointement avec l’Espagne depuis août 1907, les événements vont prendre une allure délibérément hostile, ayant pour objectif, non plus la sempiternelle mesure d’assurer la sécurité et encore moins d’organiser la police, mais l’occupation du pays, au motif de rétablir l’ordre en lieu et place de la…Siba* !
* Siba, en arabe : السيبة, est un terme typiquement marocain qui signifie « anarchie », c'est une forme de contestation politique et sociale.
Général Amade et son Etat Major