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Épidémie de typhoïde à un mariage

1938

27 personnes ayant assisté à un mariage souffrent d'une affection para-typhoïdique

La Dépêche de Brest

Septembre 1938

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Mercredi 14 Septembre 1938

Intoxication à un mariage

27 PERSONNES AYANT ASSISTÉ A UN MARIAGE SOUFFRENT D'UNE AFFECTION PARA-TYPHOIDIQUE 
UNE JEUNE FILLE DE 20~ANS, DE~ COAT-MÉAL, A SUCCOMBÉ 


Le parquet a commis M. le docteur Mignard, médecin légiste, qui examinera les malades 
Le parquet était avisé, hier après-midi, du décès d'une jeune fille de 20 ans, Mlle Marianne Buors, habitant chez ses parents au village de Questel
en Coatméal, qui avait succombé lundi matin, à 5 heures, à une affection para-typhoïdique. 


Le docteur Furie, de Lannilis, avait délivré le permis d'inhumer et les obsèques avaient eu lieu hier matin, à 10 heures. 


Or, à Questel, la sœur de la défunte, âgée de 22 ans, et son jeune frère, âgé de 17 ans, bien que moins gravement atteints, souffraient de la même

affection. 
Dans une ferme voisine, habitée par la famille Cloarec, les deux filles, Louise et Marie, et le fils Guillaume étaient également malades. 


A Coatméal, Anna Le Dins, Jean Le Coz, Mme Guillaume Floch et sa fille Philomène, 18 ans; Mme Jean-Louis Floch, née Kéromnès, 26 ans, étaient soignés pour la même affection par le docteur Furie et Mlle Marie-Yvonne Jaouen, 20 ans, fille du maire, par le docteur Caraës. 


Au Bourg-Blanc, le docteur Caraës soignait aussi: dans la famille Tournellec, deux jeunes filles de 20 et 22 ans et un jeune garçon de 14 ans;

à Plouguin, un jeune homme de 17 ans, le fils Quivoron, dont l'état est alarmant, et Mme Vaillant et ses deux filles. 


A Landunvez, on compte quatre autres malades et à la ferme de Bararlan, en Ploudalmézeau, Mme Lemoigne et deux jeunes filles,

 

soit en tout 27 personnes, qui sont alitées. 


M. le docteur Caraës avait adressé, il y a quelques jours, un rapport au service départemental d'hygiène, à Quimper, signalant que la maladie sévissant dans la région n'avait pas de caractère contagieux, mais semblait avoir été provoquée par intoxication alimentaire. 


M. Jaouen, maire de Coatméal, avait également rendu compte au service d'hygiène de la situation sanitaire de sa commune. 


On fit courir le bruit que toutes les personnes malades avaient assisté au mariage de Mlle Cloarec, de Coatméal, avec le second-maître Vaillant.

Les nouveaux mariés étaient partis â Toulon et on apprenait que la jeune Mme Vaillant avait dû être hospitalisée le 31 août dans cette ville. 


LA GENDARMERIE EST ALERTÉE 


Ce ne fut que dimanche, dans la soirée, que le maréchal des logis Creff, chef de brigade de Ploudalmézeau, apprit ces détails.

Il s'empressa, dès lundi matin, de transmettre un rapport au service d'hygiène à la préfecture, en même temps qu'il prévenait ses chefs. 

De son côté, le gendarme Coatalen, chef de brigade par intérim de Plabennec, chargeait deux de ses collègues, les gendarmes Auffret et L'Haridon, de 
se rendre à Coat-Méal pour procéder à une enquête.

 

Ils prévinrent, hier matin, le capitaine Meinier, commandant la gendarmerie de l'arrondissement, qui alerta le parquet. 


Les gendarmes Auffret et L'Haridon arrivèrent à Coat-Méal au moment où le convoi funèbre de Mlle Marianne Buors pénétrait dans le cimetière. 

Après le départ du deuil, ils demandèrent au fossoyeur de ne pas combler la fosse jusqu'à l'arrivée du parquet, en cas d'autopsie. 

M. Tuset, inspecteur départemental d'hygiène, accompagné de M. Le Gall, de Brest, venait peu après de Ploudalmézeau et se rendait à la mairie de 
Coat-Méal.

Il prescrivait de prévenir les habitants d'avoir à prendre des mesures de désinfection et de ne boire l'eau des puits qu'après y avoir ajouté quelques gouttes d'eau de Javel. 

A 12 h. 30, il quittait Coat-Méal pour Quimper et le parquet ne put l'atteindre. 
M. Donnard, procureur de la République, décida alors de commettre M. le docteur Mignard, médecin légiste pour examiner les malades avant de 
poursuivre l'information. 


CE QUE DISENT LES MALADES 


Tous les malades sont d'accord pour déclarer que le soir du mariage du second-maître Vaillant avec Mlle Cloarec, ils avaient en rentrant chez eux, 
été pris de vomissements.

Ils s'étaient, les jours suivants, sentis indisposés.

La fièvre avait augmenté pour atteindre une température de 40°.

Ils s'étaient alités six ou huit jours après le mariage et avaient appelé le médecin. 


A LA FERME DE QUESTEL 


Dans la ferme de Questel, Mme Buors, qui pleure sa fille Marianne, donne ses soins à son aînée, Anne-Marie et à son fils Jean. 
Le père nous dit: 

Ma pauvre enfant était partie joyeuse le matin du 10 août pour assister au mariage de sa cousine.

Quand elle revint, dans la nuit, elle fut prise de vomissements.

Le lendemain, elle reprit son travail.

Bien que souffrante, elle le poursuivit courageusement jusqu'au 25 août, où une forte fièvre l'obligea à garder le lit.

Le 26, on appela le docteur Furie, de Lannilis, qui diagnostiqua une affection para-typhoïdique et lui donna ses soins. 
Dimanche, il prit sa température: 40° 4. 
Marianne se plaignait de douleurs à la nuque, au ventre et aux reins, mais avait toute sa lucidité. 
Dans la nuit, ses souffrances augmentèrent et, lundi, à 5 heures, ma pauvre enfant rendait le dernier soupir.

Jusqu'au dernier moment, elle avait gardé toute sa connaissance. 
Quel coup pour mes deux autres enfants malades, heureusement moins gravement, nous affirme le médecin... 
Et le pauvre père essuie les larmes qu'il ne parvient pas à retenir... 


A COAT-MÉAL 


A quelque distance du bourg, trois fermes sont groupées.

Dans chacune d'elles des malades sont alités. 
Dans la grande pièce sombre, éclairée par une minuscule fenêtre, dans deux lits-clos, la mère et la fille reposent. 
La jeune fille, qui n'a que 19 ans, répond à nos questions : 
— Qu'avez-vous mangé ? 
— De tout: du poisson sauce mayonnaise, du pâté très épicé, de la viande, du rôti.

Le soir, j'ai vomi, mais je ne me suis trouvée vraiment malade qu'une huitaine de jours après la noce. 


Dans une autre ferme de Coat-Méal, c'est un jeune homme de 17 ans qui garde le lit.

Son père nous dit : 
— Mon fils s'est senti indisposé en revenant de la noce.

C'était l'époque des moissons; il y a participé courageusement; mais, abattu par une forte fièvre, il a dû se mettre au lit et ne s'est pas relevé depuis. 

 

Le docteur Mignard examinera jeudi tous les malades. 
Ce matin, les gendarmes de la brigade de Ploudalmézeau, poursuivant l'enquête, se procureront le menu du repas auquel on impute les causes des intoxications et interrogeront les malades qui n'ont pu l'être hier. 

Vendredi 16 Septembre 1938

Les intoxications de Ploudalmézeau 


Les médecins experts déclarent qu'il ne s'agit pas d'intoxication alimentaire mais de fièvre typhoïde 
Le parquet s'est rendu hier dans la région contaminée 


Nous avons dit avant-hier que 27 personnes ayant assisté à un mariage, le 10 août, avaient été atteintes d'une affection para typhoïdique et qu'une 
jeune fille de 20 ans, Mlle Marianne Buors, habitant chez ses parents au village de Questel, en Coat-Méal, avait succombé lundi, ce qui avait déclenché l'action de la justice. 

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Bien qu'aucune plainte n'eût encore été portée, M. Donnard, procureur de la République, chargea M. Lautier, juge d'instruction, d'ouvrir une information 
contre inconnu. 
Les causes de la maladie remontant à un mois, les médecins jugèrent immédiatement inutile de pratiquer l'autopsie du corps de Mlle Buors,

cette opération ne pouvant donner de résultats probants.

Ils préférèrent faire sur les malades des prélèvements de sang. 


M. Parcy, directeur du laboratoire municipal et M. Allante, pharmacien, furent chargés de l'analyse, dont ils purent donner, dès hier matin, à 11 heures, les résultats. I

ls avaient découvert dans le sang prélevé le bacille de Berth (fièvre typhoïde) et le bacille para-typhoïdique A, ce qui permit aux médecins-experts de 
déclarer qu'il ne s'agissait pas d'une intoxication alimentaire, mais d'une atteinte de fièvre typhoïde dont il convenait de rechercher l'origine. 


Descente du parquet 
Le parquet, composé de MM. Donnard, procureur de la République; Lautier, juge d'instruction; Kerdraon, greffier, accompagné des docteurs Mignard et 
Salaûn et de M. Parcy, directeur du laboratoire municipal, s'est rendu hier après-midi dans la région contaminée. 


Les malades de Portsall, PlouguinKersaint, Plourin, Bourg-Blanc et Coat-Méal furent visités. 


M. Parcy fit dans le restaurant où eut lieu le repas de noces des prélèvements d'eau, vin blanc et rouge, limonade et soda dont il va procéder à l'analyse. 


Les signes cliniques relevés par les médecins confirmèrent l'examen bactériologique.

Il s'agit bien d'une épidémie de fièvre typhoïde qui s'est déclarée chez les malades après une période d'incubation qui peut atteindre 21 jours. 


Parviendra-t-on à déceler l'origine de cette épidémie ? 


M. Lautier, juge d'instruction, a commis les docteurs Mignard, Philippon et Salaûn pour tenter de la découvrir. 
Il est assez troublant de constater que, seules, les personnes ayant assisté à ce repas de noces aient été atteintes, alors que, dans le même restaurant,

d'autres personnes ayant mangé les mêmes mets, à une heure d'intervalle, pour un retour de noces, n'aient pas eu à en souffrir. 
Les analyses faites par M. Parcy permettront peut-être de découvrir les causes du mal.

On en connaîtra leur résultat que dans quelques jours. 


En attendant, l'enquête se poursuit. 

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