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Maurice Polin

Éleveur de chevaux - Étalonnier

L’effervescence de la période de monte

A Plouguin, Maurice Polin entretenait, jusqu’aux années 1960,

deux étalons approuvés âgés, et de cinq à huit jeunes destinés

à être vendus aux Haras, aux commissions étrangères ou aux étalonniers privés d’Ille-et-Vilaine, de Loire Atlantique

ou du Sud-Ouest.

Il se souvient avec émotion de l’étonnante animation que connaissait la ferme pendant la saison de monte, de février à juillet :

un seul étalon pouvait en effet saillir de deux à trois cents juments.

 

La journée du Mardi-Gras était traditionnellement réservée

aux pouliches de trois ans qui étaient amenées à l’étalon

pour la première fois.

Au début de la saison, l’étalonnier était occupé en permanence.

Il lui fallait préparer et dresser les jeunes étalons à leurs nouvelles fonctions : compétence et patience étaient nécessaires

pour qu’ils ne prennent pas de mauvaises habitudes

et qu’ils saillissent rapidement,

car les juments attendaient, nombreuses, dans la cour.

 

Chez les rares étalons qui n’y parvenaient pas, le changement de jument, le fait de la faire marcher devant eux,

les tapotements sur le bas-ventre ou les sifflets d’encouragement venaient finalement à bout des hésitations et des maladresses.

 

L’étalonnier devait également accueillir leurs clients, leur conseiller

tel ou tel étalon en fonction du format de la jument ou du nombre de saillies déjà effectuées par les différents mâles, qu’il s'agissait

de ne pas user prématurément.

 

Offrir un pot au client fidèle était une obligation : tout en triquant

à la réussite de la saillie et en remplissant les formulaires,

on laissait le temps aux étalons de récupérer, avant de recommencer car la cour ne désemplissait pas.

 

La journée était ponctuée par deux temps forts : le matin et le soir, avant et après les travaux des champs.

« Chaque matin, raconte Maurice Polin, les étalons me réveillaient par leurs hennissements et leurs ruades, contre les cloisons ;

ils sentaient les juments arriver avant qu’elles ne soient dans la cour.

Le temps de me lever et de me préparer et la première jument attendait, entravée, que je sorte un étalon ».

 

Certains agriculteurs préféraient faire saillir leurs juments le matin, estimant que des étalons frais étaient plus performants ; d’autres,

au contraire, jugeaient qu’après une journée de travail,

elles accepteraient et « retiendraient » plus facilement.

 

Le contraste était grand entre l’activité qui régnait dans la cour et le calme de l’endroit où s’effectuait la monte.

En effet les juments étaient entravées et saillies à l’arrière

des bâtiments de la ferme, dans un lieu abrité par des arbres, à l’écart des bruits susceptibles de distraire l’étalon et des regards indiscrets.

 

Dans un rayon de quinze kilomètres autour de l’exploitation de Maurice Polin on recensait une bonne dizaine d’étalonnier,

auxquels il convenait d’adjoindre les deux stations

de Haras nationaux de Lannilis et de Ploudalmézeau.

 

Si une partie de la clientèle était fixe et restait fidèle, l’autre était fluctuante, allant d’une station à l’autre au gré des rumeurs insinuant qu’ici ou là les étalons ne « remplissaient » pas bien ou en fonction des classements des concours.

 

Le fait de posséder dans son écurie un jeune étalon classé premier dans les concours importants (tel le départemental de Landivisiau ou le régional, itinérant à l’époque) attirait bien sûr les éleveurs.

Bien souvent ils passaient à la ferme le dimanche après-midi

pour payer les saillies et prendre les feuilles de déclarations,

roses pour les étalons approuvés, vertes pour les autorisés.

 

Toute visite commençait ou se terminait par un coup d’œil

aux chevaux, dans les écuries,

entraînant bien entendu de nombreux commentaires.

Lorsque le visiteur était un bon connaisseur, ou quand il venait de loin, l’éleveur sortait dans la cour ses meilleurs sujets après avoir, quand il s’agissait d’étalon de trait, troussé leur queue avec du foin

ou de la paille pour mieux faire ressortir les arrière-trains.

Kerbérec maurice polin plouguin etalonnier cheval breton postier patrimoine histoire
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Ferrage de Farcou étalon de 2 ans

chez Maurice Polin.

Photo H.Thépaut

Contributeur : Jean Jacques Le Lez

 

Sources : 

Le Télégramme

Ouest France

Armen

Club des Cartophiles du Finistère

Des chevaux et des hommes bretons. JM Colombel, F. Simon

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Jusqu'aux années 1950, la vente d'étalons

aux Haras n'était pas comme aujourd'hui

l'activité essentielle des étalonniers 

car garder un bon étalon assurait,

grâce au prix des saillies,

une belle source de revenus.

Chez Maurice Polin, la monte s'effectue

derrière l'écurie, en dehors de la cours,

à l'abri des bruits ou des regards indiscrets

qui pourraient gêner Sultan,

un beau postier de trois ans.

Les concours : une grande fête populaire

Les étalonniers constituent une caste, enviée et parfois jalousée.

Il n’est alors pas facile pour un agriculteur de se lancer dans cette activité car, dans les jurys de concours, se trouvent souvent des éleveurs qui n’hésitent pas à sous-noter les chevaux des nouveaux venus de façon à les décourager.

« J’avais quatorze ans à l’époque, témoigne Maurice Polin,

éleveur à Plouguin.

Mon père était mort depuis plusieurs années et je désirais, avec l’aide de mes oncles de reprendre le métier d’étalonnier.

Lors de la marque à Saint Renan, qui regroupait une soixantaine d’étalons, nous avions amené six chevaux en vue d’être approuvés ou autorisés, le meilleur d’entre eux étant un aubère du nom de Gouesnou.

 

« Sur la place, avant le concours de modèle et l’épreuve de cornage,

qui consiste à faire gravir au trot ou au galop une rue à forte pente

à des étalons montés à cru par leur propriétaires ou des jockeys d’occasion, de nombreux connaisseurs me font l’éloge du cheval et m’assurent qu’il sera parmi les trois premiers.

Lors de la proclamation des résultats, quelle n’est pas ma surprise d’entendre mon étalon classé parmi les derniers !

J’étais « coupé »

 

« Tout au long du chemin du chemin du retour, effectué à pied

avec les chevaux, j’ai du mal à retenir mes larmes :

que vais-je faire de cet étalon qui n’a même pas été autorisé

et ne peut donc pas saillir de juments pendant la saison de monte ?

« Nous sommes rattrapés par un étalonnier connu dans la région pour la qualité de son élevage.

Il arrête sa voiture et vient me demander si je suis vendeur de Gouesnou qui, à ses dire, ne vaut pas grand-chose sur son classement et qui ne fera qu’encombrer mon écurie.

 

« Par fierté et comprenant ce qui s’est passé à la marque, je refuse

et lui annonce que je garde l’étalon pendant encore une année.

« Pendant tout l’hiver et une bonne partie du printemps,

j’ai travaillé au champ avec Gouesnou, et je me rappelle encore

le plaisir que j’ai eu à le dresser.

A partir de mai, je l’ai fait moins travailler pour le « fleurir »,

de façon à avoir une chance de le vendre soit à une commission étrangère, soit aux Haras.

« Finalement Gouesnou, jugé indigne l’année précédente, a été classé troisième à Landerneau et est parti faire carrière d’étalon aux Haras. »

 

Devant l’importance du classement lors des concours, certains nouveaux éleveurs n’hésitaient pas à demander à des étalonniers en vue, moyennant finance, de présenter leurs étalons devant le jury, espérant ainsi avoir plus de chances de vendre leurs sujets.

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Octobre 1989, Lamballe,

Journées achats des étalons bretons  par les Haras nationaux.

Maurice Polin présente un étalon au trot.

Septembre 1994, Gourin, concours régional

Après la nuit passée près des étalons,

Maurice Polin et Yvon Leberre à la toilette

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Concours de Landivisiau, à la Pentecôte 1989, Maurice Polin présente Vivaldi,

un superbe trait alezan se deux ans,

lors du défilé de rappel :

l'allure de l'homme est calquée

sur celle de l'animal, ici au trop.

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