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Auguste Conq - Paotr Tréouré

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Né le 16‐10‐1874 à Plouguin ;

1898, prêtre ;

1899, vicaire à Saint‐Pol‐de‐Léon ;

1920, recteur de Locquénolé ;

1930, recteur de Plounéour‐Trez ;

1952, maison Saint‐Joseph ;

Décédé le 26‐12‐1952.

Études :

La Bretagne, dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, Beauchesne, 1990, 418 p.

Semaine religieuse de Quimper et Léon, 1953 p. 148‐151, 166‐168, 194‐197, 221‐223 ; Bleun‐Brug 201, juil‐sept. 197p. 16‐17.

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1 Mars 1941

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Sources: DIOCESE DE QUIMPER ET LEON​

M. l'Abbé Auguste Conq ‐ Prêtre et poète breton.

Le 26 décembre dernier, expirait doucement, dans la Maison Saint‐Joseph, à Saint‐Pol‐de‐Léon, l'abbé Auguste Conq, ancien recteur de Plonéour‐Trez. Ainsi achevait sa carrière terrestre une figure de prêtre originale, très attachante et très populaire.

Paotr Tréouré.

 Il était né à Plouguin, le 16 octobre 1874, d'une de ces familles du Bas‐Léon, où la foi et les traditions chrétiennes étaient aussi profondément enracinées que les chênes séculaires dans le vieux sol de l'Armorique, où les pères, véritables patriarches et les mères, des saintes, n'étaient parcimonieux ni de leur peine ni de la vie, et qui constituaient des pépinières de vocations sacerdotales et religieuses.

Le nouveau‐né était le cinquième enfant le cinquième garçon, que recevaient de Dieu Claude Conq et Marie Fourn.

Dans la suite il leur naîtrait encore deux filles.

Ils exploitaient à une demi‐lieue du bourg la ferme de Tréouré, que le petit Auguste, baptisé ce 16 octobre 1874 dans l‘église paroissiale par le recteur, M. Tréguer, et tenu sur les fonts baptismaux par Gabriel Conq et Marie‐Jeanne Morel, devait immortaliser en signant ses productions littéraires du nom de sa maison natale : PAOTR TRÉOURÉ. 

C’est sur ce territoire qu’il grandit formé à la vie chrétienne par les leçons et les exemples de ses parents, tandis que les dispositions de son âme d'artiste s'éveillaient et se fortifiaient peu à peu.

Durant ses plus jeunes années il s'attardait à écouter avec ravissement le carillon de l'église de Plouguin et ceux des clochers d’alentour que le vent lui apportait, et il se plaisait à en imiter la mélodie : première manifestation de ce goût passionné pour la musique, qu'il sera si heureux plus tard de pouvoir satisfaire.

Dans son âge mûr il évoquait parfois l'atmosphère de gaîté qui présidait aux repas et aux veillées de la famille.

Lorsque ces cinq jeunes gens et leurs sœurs étaient groupés autour de la table ou du foyer, avec leur père et leur mère, les propos joyeux jaillissaient, fusaient, intarissables, chacun y allant de sa remarque plaisante, de son histoire drôle, mimant tel travers, telle manie, qu’une observation perspicace avait saisis. L’humeur joviale de l’abbé Auguste Conq, qui fut un de ses traits les plus caractéristiques et qui lui attirait tant de sympathie était un bien commun, un héritage de famille.

Et ces conversations se faisaient dans une langue de la plus pure veine celtique, pittoresque et savoureuse, dont le futur émule de La Fontaine nous laissera d'inappréciables monuments.

Quand il eut l'âge de fréquenter l'école, il fut mis en pension à l'Institution que les Frères de Ploërmel venaient de fonder à

Saint‐Renan et dont il serait le premier prêtre. Ses classes primaires achevées, il entra au Collège Saint‐François de Lesneven.

Il a raconté souvent combien sa joie fut vive quand il fut admis à faire partie de la musique instrumentale, dirigée par

M. Huntziger, et qu'il fut en possession de sa clarinette.

Cet amour de la musique ne l'empêcha d'ailleurs pas de faire de solides études secondaires ni de conquérir ses deux diplômes de bachelier.

C'est au Collège aussi qu'il s'entraîna à manier la langue française avec une grande aisance, à trouver ce tour heureux qui donne une si grande saveur particulièrement à ses lettres, jamais banales par les idées ni par leur expression.

Vicaire à Saint‐Pol de Léon.

L'heure était venue d'orienter définitivement sa vie.

Suivant l'exemple de René, son frère aîné, Auguste choisit lui aussi la voie sacerdotale et entra au Grand Séminaire de Quimper. En décembre 1898 il recevait la prêtrise.

Après quelques mois passés au Collège de Lesneven comme surveillant et qui constituèrent pour lui, déclarait il plus tard, une première et précieuse expérience dans le maniement des hommes, il fut nommé à Saint‐Pol‐de‐Léon, comme cinquième vicaire, chargé spécialement du chant.

Mais le jeune vicaire, qui était d'une complexion délicate, fut atteint bientôt d'une affection gastrique persistante, et dut, sur la prescription de son médecin, prendre un long repos. Il se retira donc à Plouguin et fut hébergé au presbytère par le vieux recteur, M. Le Sann, qu'on appelait familièrement « Tonton Lomm ».

Le bon recteur avait un petit chien, « Tout‐Petit », qui accompagnait régulièrement notre malade dans ses promenades et dans ses fréquentes visites à la maison paternelle.

La mort de la bonne bête servira plus tard, vers 1905, d'occasion au premier essai poétique de Paotr Tréouré, qui en fit le sujet d'une plaisante complainte héroï‐comique‐: « Maro ar c’hi rouz e presbytal Plouguin ».

Le barde y évoque notamment ces mois de convalescence pendants lesquels Da gonsoli ar c'hlanvour en e bourmenaden « Tout‐Petit », d'ar pildrotik a gerze 'n e gichen.

Cependant, grâce au repos, à l'atmosphère du pays natal et aux bons soins du vieux pasteur, l'abbé Conq finit par recouvrer la santé, et au bout de quelques mois il put retourner à Saint‐Pol et reprendre son ministère.

Il s'y adonna de tout son cœur.

Tout en travaillant méthodiquement à se perfectionner lui‐même dans l'harmonium et dans l'orgue, au point d'y acquérir une véritable virtuosité, il s’employa à imprimer un nouvel essor au chant paroissial.

Son premier soin fut de former ses enfants de chœur par des répétitions régulières, collectives et individuelles.

Il les voulait débordantes de vie et prenait grand plaisir à les voir se livrer avec entrain à leurs jeux dans la cour du presbytère en attendant l'heure de la répétition ou de l'office. Tous lui demeurèrent indéfectiblement attachés.

Quand ils avaient fini leurs classes et quitté la schola, il les suivait dans la vie. Il se préoccupa d’assurer à plusieurs leur formation professionnelle, et aida même de ses propres deniers l’un ou l’autre à établir une petite entreprise, qui depuis s’est développée et connaît une large prospérité.

L’un d’eux acquit une grande notoriété, Emile Cueff, l’interprète des chansons de Théodore Botrel et des chants bretons de

M. Conq.

A 17 ans, stylé par l’auteur lui‐même, il créait avec brio le rôle de «Yann ar Potr Mad », et il l’a popularisé en le jouant sur la plupart des scènes de Bretagne et même bien au‐delà.

Sous l’impulsion du jeune vicaire la chorale des hommes, elle aussi, acquérait puissance et ampleur, et aux grandes fêtes elle faisait retentir les voûtes de la cathédrale d’un chant vraiment triomphal.

A ses yeux cependant rien n’était plus émouvant ni plus beau que d’entendre chanter toute l’assistance qui remplissait l’église ; et il eut particulièrement à cœur d’entretenir et d’intensifier le chant du peuple chrétien.

A cet effet, sachant bien que beaucoup de fidèles, les hommes surtout, n’aiment pas s’encombrer d’un gros paroissien, il édita un petit manuel, solidement cartonné, qui pouvait se glisser facilement dans la poche.

Il y avait recueilli l’essentiel des chants de la grand’messe et des vêpres, ainsi que les cantiques bretons et français les plus usuels.

Quand fut réalisée la réforme du plain‐chant, il institua des répétitions où les fidèles bénévoles pouvaient s’initier au nouveau grégorien ; et pendant plusieurs mois il vint lui‐même dans les écoles libres apprendre aux enfants les Kyrie, Gloria et Credo.

Ce souci de former les jeunes au chant le poursuivait jusque dans ses cours de catéchismes ; il en consacrait quelques minutes à faire répéter un cantique breton.

Le résultat de tant d’efforts fut un chant plus nourri de la part des fidèles, durant les offices rendus plus attrayants.  

A ce sujet, il aimait à évoquer le souvenir suivant : c’était en 1908, le jour où Monseigneur Duparc vint à Saint‐Pol prendre possession de sa seconde cathédrale ; M. Conq avait composé un chant pour la réception du nouvel Evêque.

Quand le Prélat entra dans l’église et pendant qu’il montait vers le chœur, la foule entassée dans le vaste édifice entonna et chanta le cantique avec une telle ardeur, submergeant les accords des grandes orgues, que le Pontife, déjà ému par le cortège triomphal qui l’avait accueilli à l’extérieur, en fut comme bouleversé, et traduisait, l’instant d’après, son enthousiasme dans sa vibrante allocution qui débutait par de cri : « Peuple du Léon, je suis fier de toi ».

Si M. Conq prélevait pour le chant sur son heure de catéchisme, ce n’est point qu’il sous‐estimât l’importance de l’instruction religieuse.

Il y apportait le plus grand soin, et ses catéchismes étaient très goûtés des enfants, parce que toujours vivants, concrets, illustrés d’exemples, d’histoires souvent amusantes.

Nombreux étaient les adolescents et les adolescentes, âgés de 14 ans, ayant même cessé de fréquenter les écoles, qui venaient, le dimanche après‐midi, suivre son catéchisme préparatoire à la quatrième communion.

S’il exigeait que l’on sût le manuel, il tenait aussi à s’assurer qu’on l’avait compris, et retenu les explications. Il fut parmi les premiers prêtres à doubler ou à remplacer les compositions orales par des compétitions écrites.

C’était un spectacle assez pittoresque que ces garçons et ces filles à genoux sur le pavé de l’église, courbés sur leurs bancs, qui leur servaient de tables, et rédigeant, au crayon, en breton, sur un modeste calepin, leurs réponses aux questions posées.

Cette méthode, qui s’adressait à l’intelligence autant qu’à la mémoire, permettait encore au catéchiste de déceler les enfants qui avaient des aptitudes pour les études secondaires et qui pourraient être des vocations sacerdotales.

Ses connaissances musicales et son allant le désignaient particulièrement pour s'occuper du patronage des jeunes gens.

Il en prit la direction au départ de M. l'abbé Léon Pichon ; et l’œuvre continua à se développer et connut une riche activité dans ses différentes branches : causeries spirituelles, cercles d’étude, gymnastique, musique, séances théâtrales.

Ces huit ou neuf années qui ont précédé la Grande Guerre furent pour la phalange Notre Dame du Creisker une période de gloire.

Les Saint‐Politains ne se lassaient pas de voir ces gymnastes, d’une allure si fière, défiler au rythme entraînant d’une éclatante fanfare, derrière leur drapeau à la hampe duquel tintaient des grappes de médailles remportées des différents concours; et à leur côté marchait, svelte et aussi martial, leur sympathique directeur.

Pareil était le succès des séances théâtrales avec leur répertoire varié, depuis les drames les plus émouvants qui arrachaient des flots de larmes, jusqu'aux comédies les plus désopilantes et aux intermèdes, souvent composés par Paotr Tréouré et qui faisaient pleurer de rire.

De tout cela résultait pour les âmes, outre le bien produit par l'œuvre même du patronage l’heureuse influence exercée par le contact personnel entre chacun des jeunes gens et ce prêtre, avec lequel ils étaient très à l’aise et auquel les attachait une affection vive et durable.

  

Cette influence personnelle de l'abbé Conq s'étendait aux familles des patronnés, à celles des malades qu'il avait occasion de visiter à travers toute la paroisse, et, en particulier, au Quartier de la campagne qui lui était spécialement assigné. Bien rares devaient être les maisons où sa venue ne fût pas accueillie avec joie.

Sa belle humeur, son affabilité, sa profonde connaissance de la mentalité du paysan léonard mettaient d'emblée tout ce monde de plain‐pied avec lui, et bien vite s'amorçait le courant de sympathie qui gagne la confiance et ouvre les âmes.

  

Or ce sont là des conditions très propices à un fécond ministère.

Un séminariste avait pris part à une réunion d’ecclésiastiques où le vicaire de Saint‐Pol, particulièrement en verve ce jour‐là, y était allé, pour la joie générale, de ses anecdotes, de ses chansons, de ses monologues.

Le jeune abbé en fut ravi et conquis. Puis, pris d’une sorte de scrupule, il demanda à un confrère si un tempérament aussi rieur pouvait s'accorder avec le sérieux que comporte la vocation sacerdotale.

Il fut facile de dissiper ce doute, en affirmant, avec une pleine vérité, que M. Conq était prêtre avant tout. Son œuvre poétique ne constituait pour lui qu’une occupation accessoire et occasionnelle ; sa véritable besogne était de travailler à l’œuvre de Dieu. Dans ses relations il savait, quand il le fallait, rappeler le devoir religieux.

Comme vicaire, dans ses œuvres, et plus tard comme chef de paroisse, il aura la fermeté requise pour s’opposer au désordre. Sans doute son bon sens réaliste lui faisait apprécier ce qu'il était possible de demander, suivant le milieu et les circonstances, et ce qu'il serait dangereux d'exiger sous peine d'aller au‐devant d'un échec complet.

  

Néanmoins sa meilleure carte pour son apostolat résidait dans sa simplicité familière avec tous.

Elle attirait à son confessionnal bien des âmes qui s'ouvraient plus volontiers à lui.

Elle faisait accepter de préférence son ministère, pour les préparer au grand départ, par des malades qui avaient depuis longtemps délaissé leurs devoirs chrétiens. Naguère encore quelques semaines avant qu'il ne quittât Plounéour, il était appelé à Saint‐Pol auprès d'un moribond qui refusait obstinément les services de tout autre prêtre. M. Conq accourt, est bien accueilli, décide le récalcitrant à recevoir les derniers sacrements, puis repart comblé des témoignages de gratitude du malade et de ses parents.

Combien d'autres chrétiens négligents ne furent pas, eux aussi, au cours d'une conversation aimable et enjouée, délicatement mais franchement invités par lui à reprendre leurs pratiques religieuses, et se rendirent à son appel.

Enfin, il eut la joie d'amener une âme à passer du protestantisme à la religion catholique.

Depuis lors ce converti est demeuré attaché par une grande affection, et, il y a quelques semaines, venu s'agenouiller devant le lit funèbre où reposait son père spirituel, il ne put s'empêcher d'éclater en sanglots.

Prêtre, M. Conq l'était encore par son souci constant de favoriser les vocations religieuses et sacerdotales.

Plus d'une jeune fille doit à sa direction d'avoir choisi « la meilleure part » et de s’être totalement vouée à Dieu dans la vie religieuse

Au cours de sa carrière sacerdotale ce fut chez lui comme une obsession, que n'ébranleront ni les insuccès, ni les déceptions de susciter et de discerner des vocations parmi ses pénitents, ses enfants de chœur, les enfants de son catéchisme.

Il éveillait en eux la perspective et le désir d'être prêtres, donnait à leurs parents l’idée de les mettre au collège, triomphait de leurs hésitations et parfois les aidait pécuniairement à couvrir les frais des études.

Au cours du mois de septembre on pouvait voir à peu près chaque année, réunis chez lui deux, trois, jusqu'à six petits garçons qu'il initiait au latin.

Même au cours de l’année scolaire il donnait encore des leçons particulières à l'un ou à l’autre dans telle ou telle discipline, où l’enfant avait besoin d’être remis à flot.

  

La prédication, ministerium verbi, est une des fonctions essentielles du prêtre. M. Conq ne faillit pas à ce devoir.

Il travaillait ses sermons, les rédigeait avec soin, les remaniait pour les adapter à des auditoires nouveaux.

Très souvent il fut appelé à prendre part à des missions paroissiales.

Sans doute l’y invitait‐on, parfois, pour diriger le chant et parce que sa présence assurerait aux missionnaires une joyeuse détente dans les moments de récréation. Mais on appréciait aussi et hautement ses sermons et ses conférences.

Il fut d'ailleurs nommé président de missions.

Sa prédication ne contenait pas beaucoup d’envolées pathétiques ; mais, fidèle au principe qui animait, comme un mot d'ordre, les missions prêchées par les prêtres diocésains, « instruire d'abord, surtout instruire», elle était remplie d’une doctrine solide, exposée simplement et fortement, comme dans un colloque direct entre le prédicateur et chaque auditeur, et, de plus, présentée d'une manière concrète illustrée à chaque instant d'exemples.

C'était une conviction profonde chez lui et qu'il exprimait souvent : la doctrine abstraite lasse vite l'attention et glisse sur l'esprit du commun des auditeurs ; mais, si on l'incarne dans un fait, dans un récit, la doctrine ou la leçon sera comprise et retenue avec l'exemple.

Dès lors on n'est pas surpris, en feuilletant ses cahiers de sermons, d'y voir revenir à intervalles réguliers, deux ou trois fois par page, et écrit en gros caractères dans la marge, le mot « trait », souligné deux ou trois fois, comme pour marquer l'importance qu'il attachait à cette prédication concrète.

Évoquer la physionomie sacerdotale de M. Conq sans signaler sa charité à l'égard des pauvres constituerait une grave lacune. Il était foncièrement bon.

Durant ses vingt‐deux ans de vicariat à Saint‐Pol il ne fit guère de dépenses somptuaires pour lui‐même, guère de ces longs voyages, qui sont bien tentants mais coûteux ; et cependant en 1920, lorsqu'il fut nommé recteur, il n'avait pas le sou pour s'installer.

C’est qu'il donnait libéralement aux pauvres ; et, comme le pauvre revient volontiers où il trouve bon accueil, les indigents défilaient au presbytère pour solliciter des bons de pain, des bons de sabots et autres secours, sans compter ce qu'il distribuait par ailleurs, particulièrement dans ses visites aux malades.

Un jour, une mère de famille nombreuse vint lui annoncer que ses garçons n'avaient pas de chemise à se mettre. M. Conq remonte dans sa chambre, en redescend avec, entre les bras, un gros paquet qu'il tend à la pauvresse et qu'elle emporte toute joyeuse ; c'était une demi‐douzaine de bonnes chemises toutes neuves qu'il s'était fait faire récemment.

Quelques jours après, il apprend que cette femme avait vendu les chemises dans une maison de la campagne.

Sans hésiter il s'y rend, tance vertement l'acheteuse et exige qu'on lui remette sur le champ la marchandise.

Pour se garantir par des versements annuels de quoi s'installer au moment du rectorat, il avait souscrit un titre dans une Société de capitalisation.

En 1917 il toucha son capital.

Mais au bout de quelques mois le tout fut épuisé au secours des détresses alors particulièrement nombreuses, en libéralités aux soldats et à subvenir aux frais du bulletin qu'il rédigeait durant la guerre.  

Pendant la guerre.  

En effet, le samedi 1er août 1914, dans l’après‐midi, le tocsin avait sonné dans tous les clochers de France pour annoncer la mobilisation générale.

A Saint‐Pol, dans la soirée, la grande masse de la population était accourue en ville. Instinctivement, « l’union sacrée » se fit.

Les deux musiques, celle du patronage et la musique laïque, se réunirent, et M. l’abbé Conq fut prié d’en prendre la direction commune.

Elles défilèrent à travers les rues en jouant des airs patriotiques, pour finir sur la Grande Place par une vibrante Marseillaise.

Les jours suivants c’était le départ des hommes pour l’armée.

A ses vingt et un ans, M. Conq, à cause de sa faible constitution, avait été exempté du service militaire, et, maintenant il était fort humilié de rester à Saint‐Pol, alors que la plupart des autres étaient mobilisés.

Il était persuadé que ceux‐ci seuls auraient droit à la parole après la victoire qui auraient participé au combat.

Aussi, quelques semaines plus tard, lorsqu’il fut convoqué devant le conseil de révision des exemptés, demanda‐t‐il avec force, supplia‐t‐il même, qu’on voulût le prendre pour la guerre.

Son insistance fut vaine. Le dimanche suivant, du haut de la chaire, il exprima aux paroissiens sa déception de n’avoir été trouvé bon par le Sous‐Préfet qu’à rester à Saint‐Pol administrer leurs malades et enterrer leurs morts. 

Les autres vicaires avaient été mobilisés, il restait seul avec le curé, M. Treussier.

Pendant quatre longues années ils durent, à eux deux, assurer un lourd ministère paroissial, avec une pratique religieuse plus intense, tant de courages à soutenir, faire pour annoncer à telle, puis à telle autre famille la mort d’un être cher.

Pratiquement, M. Conq eut à sa charge toute la campagne, M. le Curé ayant assez à faire en ville.

Ce que le vicaire avait été jusque‐là dans son quartier, il le fut désormais pour toute la paroisse.

Il a souvent dit depuis : « C’est pendant la guerre surtout que Saint‐Pol a appris à vous connaître et à vous aimer ».

Le soir, après une journée bien remplie, il lui restait encore à répondre aux lettres des soldats ; car beaucoup de ses patronés et d’autres paroissiens lui écrivaient.

Une bonne partie de sa nuit y passait.

L’idée lui vint de remplacer ces réponses individuelles par une lettre circulaire, qu’il intitula « Le Canard », et qu’il adressa à tous les mobilisés.

Ce bulletin était formé, en très grande partie, d’extraits des lettres des poilus, accompagnés de commentaires souvent drôles, et de nouvelles des permissionnaires, dont un grand nombre ne manquaient pas de faire une visite au presbytère.

Dans la première page un article de fond présentait, avec des conseils religieux aux soldats, un exposé de la situation politique et militaire, dont les éléments étaient puisés dans différents journaux et revues, et qui était animé d’un ardent optimisme et d'une confiance opiniâtre dans la victoire.

Le bulletin rédigé, il fallait encore le tirer, puis l'expédier ; et très souvent minuit avait sonné alors que le vicaire travaillait toujours. Un de ses hommes, un marin, avait accumulé les citations les plus brillantes. M. Conq, dans l'espoir de lui obtenir la Légion d'Honneur, demanda d'intervenir en sa faveur à l’écrivain qui rédigeait les « Propos maritimes » dans La Dépêche de Brest : et il lui communiqua la collection de ses bulletins, où étaient consignées ces citations.

Le journaliste, après l’avoir parcourue, écrivait un article enthousiaste, où il proclame que le jeune guerrier méritait certes le ruban rouge, mais que l'abbé ne le méritait pas moins pour avoir si magnifiquement soutenu l'ardeur des soldats.  

Le 11 novembre 1918 un carillon joyeux annonçait enfin l'armistice et la victoire.

Comme par enchantement la cathédrale se trouva en quelques instants remplie de monde, et, devant les autels et les statues, grésillaient à foison les cierges de la reconnaissance.

M. le Curé improvisa une allocution, puis on chanta le Te Deum.

Dans l'après‐midi, M. Conq, vaincu par la grippe, venait, de s'aliter, quand une délégation de personnages de toutes nuances politiques se présenta au presbytère pour lui demander de former une fanfare en vue du défilé que l’on avait projeté pour la soirée.

Brûlant de fièvre et vacillant sur ses jambes, le vicaire rassemble quelques débris des anciennes musiques et, soufflant lui‐même dans un instrument, il entraîne la foule joyeuse à travers les rues.  

Recteur de Locquénolé.

Les soldats étaient rentrés dans leurs foyers, les vicaires avaient rejoint leur presbytère et la vie normale avait repris son train. Voici qu'en décembre 1920, M. Conq recevait sa nomination comme recteur de Locquénolé.

Le choc fut rude et le départ douloureux.

Au moment de briser les liens, il sentit à quel point il s'était attaché à Saint‐Pol, et les témoignages de sympathie qu'il recevait lui prouvaient combien était profonde l'affection des Saint‐Politains pour leur vicaire.

Aussi les premières semaines vécues dans la solitude du vieux presbytère de Locquénolé furent‐elles très sombres, hanté qu’il était par la nostalgie de son ancienne paroisse.

Ce ne fut là qu’une dépression passagère. Bientôt il se donnait de tout son cœur à cette population mi‐paysanne, mi‐maritime, qui habite un site enchanteur ; et il s’en faisait apprécier et aimer.

Tandis qu’il se consacrait, avec un sens très averti des réalités concrètes, à l’administration temporelle de sa paroisse, le nouveau pasteur pourvoyait à ses besoins spirituels, et il déployait dans les différentes branches de son ministère le zèle et les qualités que nous lui avons vus, gagnait par sa cordialité la sympathie de tous ses paroissiens, amenait un bon nombre de ses vieux marins retraités à reprendre la vie chrétienne.

Un de ces derniers, dans l'allégresse d'une conscience réconciliée avec Dieu, déclarait qu'une de ses grandes joies était d'assister tous les dimanches à la grand'messe, et qu'il ne se lassait pas d’écouter les sermons de M. le Recteur.

 

Recteur de Plounéour‐Trez.

L’année 1930 touchait à sa fin et M. Conq était depuis dix ans déjà recteur de Locquénolé, quand il trouva dans son courrier sa nomination pour Plounéour‐Trez.

Il devait cette promotion particulièrement à l'appui de M. Messager.

Le Vicaire Général, en effet, qui avait été lui aussi jadis vicaire à Saint‐Pol et y avait exercé un brillant et fécond apostolat, savait tout le bien que M. Conq y avait fait, comme d’ailleurs le bon travail qu’il avait fourni à Locquénolé.

Il l’aimait et appréciait hautement ses qualités et il désirait en faire bénéficier sa paroisse natale, à laquelle il resta très attaché toute sa vie.

Il tint à installer lui‐même et à présenter aux habitants de Plounéour leur nouveau pasteur, à leur dire le bien qu’il en pensait et qu’ils pouvaient en espérer pour eux‐mêmes.  

M. Conq n’avait pas quitté sans mélancolie Locquénolé, sa population très attachante, ses délicieux paysages de mer et de bois et son antique petite église romane si intime.

Mais il connaissait la foi robuste et la vie chrétienne profonde de ses nouveaux paroissiens. Il aurait désormais une belle église neuve, spacieuse, si bien disposée pour le culte, avec la merveille de ses vitraux.

« Non est hic aliud nisi domus Dei et porta caeli », se répétait‐il avec enchantement, pendant qu’il y faisait son entrée solennelle. Durant vingt et une belles années il travailla cette population qu’il avait tout pour comprendre et s’attacher.

Plus d’une fois, au sortir de la grand’messe, montrant la foule des hommes qui stationnaient auprès de l’église, il s’est complu à faire admirer à ses hôtes la prestance de ces vigoureux paysans léonards, si énergiques dans leur travail, si entendus dans leurs cultures, et dont bon nombre avaient fait leurs études au collège de Lesneven et étaient aptes à conduire avec maîtrise les affaires de la cité.  

 

Sa fierté n’était pas moins grande quand il leur énumérait l’impressionnante série des prêtres et des séminaristes que fournissait Plounéour grâce, en bonne partie, à son école libre de garçons.

Durant son rectorat il eut encore à agrandir cette école ; il fit construire deux écoles libres de filles, l’une à Plounéour, l’autre à Brignogan ; il refit la tribune de l’église ; et il bâtit un patronage.

Avec le concours de ses vicaires et particulièrement de son chef de musique, M. Job Leyer, à la compétence et au dévouement duquel, quelques semaines avant sa mort, il rendait un fois de plus un chaleureux hommage, il monta une fanfare, « Les Mouettes ».

Plusieurs fois il la conduisit lui‐même à des fêtes et à des concours, où elle produit toujours une vive sensation.

Lors d’une fête jaciste, en 1949, à l’âge de 75 ans, il défilait avec elle dans les rues de Sain‐Pol, devant les Saint‐Politains émerveillés, aussi jeune et alerte que lorsqu’il défilait quarante auparavant aux côtés de la Phalange N.‐D. du Creisker.

Cependant, quinze mois plus tard il tombait malade d’une paratyphoïde, qui le maintint alité de longues semaines.

Il ne s’en remit qu’imparfaitement. Une de ses jambes affaiblie se refusait désormais aux marches un peu longues.

Se rendant compte qu’il ne pouvait plus assurer convenablement son ministère pastoral, en décembre 1951 il pria Monseigneur l’Evêque d’accepter sa démission, ce qui lui fut accordé. Il se prépare donc au départ.

Ce fut une épreuve douloureuse : il aimait Plounéour et, même après l’érection de Brignogan en paroisse, qui réduisait le nombre de ses fidèles de 3200 à 1900, il s’estimait encore aussi bien, sinon mieux partagé que les prêtres qui étaient à la tête des plus belles cures. Il avait rêvé d’y mourir à la tâche et voilà qu’il fallait quitter.

Le dimanche 30 décembre il prenait congé de ses paroissiens, leur déclarant que ces vingt et un ans passés avec eux lui avaient paru bien courts ; il s’était trouvé parmi eux comme au milieu d’une grande famille, à laquelle l’avait vite attaché une grande affection.

Le lundi 7 janvier 1952 il prenait la route de Saint‐Pol pour finir ses jours à la Maison Saint‐Joseph.

Les réunions ecclésiastiques du doyenné de Lesneven ne verraient donc plus ce confrère, qui y faisait régner la joie, dont la haute stature élancée restait encore droite sous ses trois quarts de siècle, qui avait conservé l’abondante chevelure de ses vingt ans, devenue seulement un peu grisonnante, et dont les yeux doux et rieurs éclairaient le long visage au profil si caractérisé.  

Sa bonté foncière rendait son commerce attrayant.

Au cours de sa longue carrière ses relations avec son curé et ses collègues au presbytère de Saint‐Pol, avec ses vicaires à Plounéour, comme avec le personnel de sa maison et de son église, furent toujours empreintes de cordialité et d’affection. Il y était d’ailleurs aidé par un solide bon sens, qui le gardait de rien dramatiser, par un jugement équilibré et sûr, qui lui donnait la juste notion des réalités.

Sa conversation était celle d’un esprit très ouvert, qui aimait les lectures sérieuses, et qui était servi par un précieux don d’observation et une heureuse mémoire.

Dans ce riche fonds d’expérience il puisait à tout propos les souvenirs les plus variés, qui rendaient son entretien intéressant et instructif en même temps que très plaisant. Sa tournure d’esprit, en effet, le portait à saisir et à noter, dans une physionomie, dans un comportement, les particularités originales ou cocasses, et à retenir les faits amusants.

Mais le rire qu’il provoquait et auquel il se livrait lui‐même en décrivant ou en racontant ces drôleries restait très sain : car il n’y avait là aucune méchanceté.

La joie de l'assemblée était à son comble lorsque M. Conq se levait pour débiter ou chanter un toast en vers qu'il avait préparé en l'honneur d’un jubilaire, pour une réunion d'anciens élèves, ou pour quelqu'autre circonstance particulière. Il en était de même quand il reprenait 1’une ou l'autre de ses compositions, chanson, monologue, fable, ou qu'il rapportait mise en vers bretons une anecdote amusante, qu'il avait entendue la fois précédente.

Tout cela était semé, tissé de détails si pittoresques, si impayables, 1’expression en était souvent si inattendue, si juste cependant, si parlante et si foncièrement bretonne, que les auditeurs riaient jusqu’aux larmes.

Ce n'était d'ailleurs pas sa voix seule qui parlait, mais aussi sa physionomie, ses gestes, son attitude : toute sa personne suggérait, reconstituait, revivait la scène évoquée. Aussi, interprétées par lui ses œuvres avaient un cachet une allure qu'on n'y retrouve plus au même degré rendues par d’autres. Il fut invité à donner une séance au Grand Séminaire ; plus récemment il en donna une autre au patronage Sainte Barbe, devant la foule des Roscovites éblouis et enthousiasmés.

Enfin il se prêta à faire enregistrer quelques‐uns de ses chants pour la Radio ; et on éprouve une impression quelque peu étrange à entendre sur les ondes la voix jeune et claire du grand barde, alors qu'il gît muet dans la tombe.

L'année 1952, en effet, ne devait pas être totalement écoulée que le corps de M. Conq reposerait dans la terre de ses pères, au cimetière de Plouguin. Dans les tout premiers temps de son séjour à Saint‐Joseph il se trouva désemparé, comme il arrive d'ailleurs à tous ceux qui passent d'une vie active au désœuvrement de la retraite.

Mais il s'y accoutuma rapidement, et, quelques semaines plus tard, répondant à un confrère qui l'avait questionné sur sa nouvelle résidence, il écrivait : « La nourriture y est abondante et variée, le règlement large et le Supérieur très compréhensif ; je me serais trouvé le plus heureux du monde si j'avais pu circuler. »

Il se fit d'autant plus vite à son nouveau sort qu'il était bercé par l'espérance de distinctions honorifiques.

Il avait été informé, en effet, que des démarches étaient en cours pour lui obtenir la croix de la Légion d'honneur et les palmes académiques au titre de services rendus aux lettres bretonnes.

II en éprouvait une joie d'enfant et en parlait à tout le monde ; la cérémonie se ferait à Plounéour, un dimanche, au milieu de ses chers paroissiens assemblés...

Les semaines, les mois passèrent et rien ne vint ; et il se rendit compte, sans amertume et en riant, que rien ne viendrait.

A défaut de croix d'honneur décernées par les autorités humaines, la Providence lui en avait ménagé une autre, plus lourde et plus méritoire à porter : la souffrance. Dès son arrivée à Saint‐ Pol l'état de sa jambe empira.  

A peine put‐il faire deux ou trois sorties.

Le médecin lui prescrivit un repos complet, étendu sur son lit.

Mais le genou continuait à l’enfler, si bien qu’on lui interdit même de célébrer la messe.

Les réponses évasives des docteurs sur la nature de son mal et les probabilités de guérison lui firent comprendre qu’il était sans remède.  

Dans un vieux livre de médecine, il étudia ce qu’était cette tumeur blanche qu'il avait au genou et qui y entretenait un feu brûlant et une douleur lancinante.

Il en suivait les progrès et arriva à la certitude qu'elle le mènerait à la tombe au bout de quelques mois.

Il envisageait d'ailleurs ce dénouement avec la plus grande sérénité. Il plaisantait avec ses visiteurs, leur lisait ou leur chantait les compositions nouvelles, chansons et cantiques, que l’on continuait à lui commander et auxquelles il continuait à travailler sur son lit.

De temps en temps cependant les crispations subites de son visage leur révélait l’acuité plus vive des élancements de la douleur. La lecture l’aidait à oublier un peu sa souffrance ; il lisait beaucoup, de préférence avec les œuvres de Mgr Gray, des ouvrages d'histoire.

Les visites ne lui manquaient pas, de Saint‐Pol, de Locquénolé, de Plounéour.

Par deux fois, en été, « Les Mouettes », ayant eu l'occasion de venir dans la région, s'arrêtèrent à Saint‐Joseph et jouèrent une sérénade devant la chambre de leur ancien recteur ; celui‐ci vint à la fenêtre les écouter, tout ému, et les saluer.  

Son genou était devenu énorme, sa jambe tout entière enflée Dans les premiers jours de décembre il se sentit l'esprit brouillé et la vue troublée ; il y reconnut les symptômes de sa fin prochaine. Il se déclarait d'ailleurs fatigué de vivre. Il recommanda fortement à M. le Supérieur de ne pas hésiter dès que le moment lui paraîtrait venu, à lui administrer les derniers sacrements.

Le lundi 22 décembre, en présence de sa plus jeune sœur, qui l'avait servi pendant plus de vingt‐cinq ans, de Claude, son fidèle domestique, de MM. les Recteurs de Plounéour et de Brignogan et de ses confrères de Saint‐ Joseph, il reçut avec calme et piété l'extrême‐onction.

Il garda sa lucidité jusqu’à ses dernières minutes.

Ne pouvant plus parler, il griffonna encore sur un billet pour un visiteur ces quelques mots : « Ai reçu les derniers sacrements... Ai hâte de quitter... Ai déjà fait deux années de purgatoire... A. Conq... Ai confiance ».

Et le vendredi 26, à la fête de Saint‐Etienne, vers quatre heures et demie de L’après‐midi, il s'endormit dans la paix du Seigneur.

Le lendemain, dès que la nouvelle de sa mort se fut répandue, les Saint‐Politains se relayèrent toute la journée dans la chambre d'infirmerie où son corps avait été exposé. Le dimanche, de sept heures à midi, le défilé reprit, beaucoup plus dense, surtout à la sortie des messes. Ce n'est pas sans émotion qu’ils contemplaient le visage émacié du prêtre qui reposait, revêtu des ornements sacerdotaux, sur ce lit funèbre, et qu'ils y retrouvaient les traits du frêle vicaire qu'ils avaient connu jadis et qui leur avait inspiré une si profonde sympathie.

L'après‐midi furent célébrées les funérailles.

Une première cérémonie se déroula dans la cathédrale de Saint‐Pol.

Une soixantaine de prêtres s'y pressaient avec une foule considérable de fidèles, dans laquelle se coudoyaient des Saint‐Politams, des Santécois, des Roscovites, des paroissiens de Locquénolé et de Plounéour. M. le chanoine Cotten, supérieur du Grand Séminaire, rappela, en termes émouvants, à la population de Saint‐Pol, à quel point la vie de ce prêtre avait été toute vouée à son service pendant vingt‐deux ans.

Puis le cercueil prit la route de Plouguin, la paroisse natale.

Là un deuxième office funèbre fut célébré devant une cinquantaine de prêtres et dans une église pleine de fidèles.

Avant l'absoute, M. le chanoine Cadiou, vicaire général, retraça brièvement et avec un rare bonheur d'expression les différents aspects du caractère, du talent et de l'apostolat du défunt.

Alors retentit sous la voûte de la petite église un puissant et majestueux Libera solennel, ce chant que M. Conq avait exécuté tant de fois et pour lequel il semblait avoir une prédilection.

Durant la Grande‐Guerre, un de ses jeunes gens préférés, un instituteur libre, âgé de vingt ans, lui faisait part, durant une permission, du pressentiment qu'il serait tué au combat, et il ajouta en riant : « Alors, M. Conq, je veux que vous chantiez pour moi le grand Libera. — Oui, Jean, je te le promets ».

Quelques mois plus tard, en décembre 1916, Jean Trividic tombait sur les champs de bataille de la Somme.

Le jour du service funèbre, M. Conq, fidèle à sa promesse, chanta le grand Libera avec plus d'âme que jamais. Il avouait après qu'à plusieurs reprises sa voix avait failli se briser d'émotion.  

Nous pouvons espérer que par la Miséricorde divine et grâce aux prières de tous ceux qui l'ont connu, l'abbé Auguste Conq ne tardera pas à retrouver son cher Jean et tous ceux qu'il a aidés à faire leur salut, venus au‐devant de lui pour l'introduire dans la Maison du Père.

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