Dimanche 17 Avril 1785
Réunion des membres de la Fabrique de Plouguin
Sœur Gabrielle
Marie Jeanne Quivouron
43 ans en Amérique
Contributeurs :
Gilbert Quivouron
Jean Jacques Le Lez
Photos :
Collection Gilbert Quivouron
Ouest France 1973
Sœur Gabrielle, de Plouguin : Quelques souvenirs de 43 ans d’Amérique
Si André Voisin l’avait connue, il l’eût sans nul doute retenue pour son émission « Les Conteurs ».
Aujourd’hui retirée à l’école Saint Joseph à Saint Pierre, sœur Gabrielle, de la Congrégation des filles du Saint Esprit, est bien capable de charmer toute une soirée en racontant les souvenirs de ses 43 années passées en Amérique.
Elle parle avec tant de chaleur des États-Unis et leurs habitants qu’il n’est pas difficile de deviner que malgré la grande affection qu’elle porte
à la Bretagne, l’Amérique reste pour elle la terre d’élection.
Jusque dans la façon de s’exprimer, Sœur Gabrielle porte la marque de l’Amérique.
C’est normal après tant d’années vécues là-bas.
Les vacances même étaient rares pour les religieuses.
Ainsi Sœur Gabrielle ne pouvait se rendre en France que tous les 8 ans.
Encore resta-t-elle une fois 15 ans sans y revenir.
A cause de la guerre.
« Quand on a la foi »
1924 …
Elle était bien jeune et bien timide la petite religieuse bretonne (native de Plouguin), qui s’embarquait pour le Nouveau-Monde.
C’est à New York qu’elle prit contact pour la première fois avec la terre Américaine.
Ce fut réellement la découverte d’un nouveau monde.
Tout y était déjà gigantesque et fabuleux pour l’Européen.
Des millions de lumières et de néons alors que l’électricité dans beaucoup de petites villes françaises n’en était qu’à ses premières ampoules.
Et puis ces fameux shopping-centers, véritables villes sous la ville, auprès desquels nos supermarchés d'aujourd’hui
font figure de petites épiceries de village.
Et il y a cinquante ans de cela !
Mais Sœur Gabrielle n’a pas été envoyée en Amérique pour faire du lèche-vitrines.
Sa mission était d’aider les religieuses américaines dans leurs communautés en instruisant les petits Américains.
Plus d’une fois elle a soupiré et pleuré, la petite sœur, sur les difficultés de la langue américaine, « Mais quand on en veut et que l’on a la foi » …
Aujourd’hui, ce sont les bons souvenirs qui restent, les anecdotes amusantes, les quiproquos savoureux.
Ainsi ce brave Irlandais nommé Tom allait mourir.
Tout le monde le savait, sauf le malade lui-même.
Que faire ? se disait Sœur Gabrielle, tout en essayant de rassembler les quelques mots d’anglais dont elle disposait
pour réconforter le moribond.
Finalement, elle trouva la phrase.
« You are dead ! » (Vous êtes mort !) dit-elle au malade avec conviction.
Mais le brave Irlandais, pas tellement pressé de connaître les joies célestes, ouvrit un œil, esquissa un sourire et murmura :
« Not yet, sister, not yet ! » (pas encore ma Sœur, pas encore).
Putnam* … Pourquoi pas ?
« OK » dit l’ange
Ainsi encore, cette petite Canadienne que sa maîtresse avait exercée à raconter la scène de l’Annonciation.
La fin de l’histoire donnait ceci :
« L’ange demande :
« Marie, veux-tu être la maman de Jésus ? »
« Ben oui, je veux bien » dit Marie.
« OK » dis l’ange et il s’envole vers le ciel »
Très américain en effet.
Certes, les débuts ne furent pas aisés.
« Mais, dit Gabrielle, je n’ai jamais vu un de mes petits élèves sourire des imperfections de mon langage,
alors qu’il est à parier que des écoliers français se seraient esclaffés devant une étrangère écorchant leur langue.
Durant ses 43 ans d’Amérique, Sœur Gabrielle connut particulièrement les États du Connecticut, du Vermont et du Massachusetts.
En fait, toute l’Amérique lui plut.
« Elle me plut dès le premier abord, dit-elle, j’aimais la généreuse spontanéité du peuple américain.
C’est un peuple jeune, ayant de la jeunesse physique et morale, toutes les belles audaces, un peuple qui ne marche pas,
qui court à perdre haleine sans jamais paraître essoufflé, un peuple qui pense et qui réalise simultanément.»
L’Amérique, elle y songe encore.
Peut-être y retournera-t-elle un jour.
Il n’est pas trop tard.
Et après tout, l’Amérique n’est plus qu’à 3 heures de la France … avec un certain Jet.
Revoir New York, New Haven*.
* Putnam : Ville du Connecticut
* New Haven : Ville portuaire du Connecticut
Waterbury - Connecticut
Soeur Gabrielle dans sa classe à l'école Sainte Anne
de Waterbury - Connecticut - USA
Waterbury - Connecticut
1913
Waterbury - Connecticut
1940
Panorama of Waterbury, Conn.
Haines Photo Co. (Conneaut, Ohio), copyright claimant
Library of Congress Prints and Photographs
Division Washington, D.C
1945
Pont de Tréglonou
1969
Obsèques de Sœur Gabrielle Quivouron
4 Novembre 1992
M. Heurtel – Aumônier de la Maison Mère des Filles du Saint Esprit.
Sœur Gabrielle, Marie-Jeanne Quivouron, est née le 18 décembre 1900 à Plouguin.
Sa famille était très chrétienne.
De bonne heure, elle allait tous les dimanches à la Messe à la Paroisse avec ses parents.
Elle nous parlait souvent du mois de Marie : dans la soirée, elle allait avec ses voisines, aux prières, à l’église de Plouguin.
Sa tante Sœur, Mademoiselle Augustine, était directrice à Saint Meen.
Elle avait la réputation d’être la meilleure institutrice du Nord Finistère.
Sœur Gabrielle passa des années en pension à l’École Sainte Anne de Saint Meen
où elle fut reçue avec une mention « très bien » au certificat d’études.
A 24 ans, le 26 Août 1924, elle faisait Profession Perpétuelle chez les Filles du Saint Esprit.
Après avoir enseigné à Plussulien de 1921 à 1925, elle fut envoyée aux USA où elle a enseigné dans nos écoles,
surtout à Sainte Anne de Waterbury dans le Connecticut : elle y resta jusqu’en 1968 – 43 ans d’enseignement ou presque …
En quelques mots, vous avez rassemblé sa longue vie d’enseignante et de Religieuse.
« Elle était très aimée de ses élèves et très appréciée par les parents qui aimaient beaucoup lui parler car Sœur Gabrielle était aimable, charitable, joyeuse, dévouée …
Elle avait toujours des histoires à raconter pour faire rire.
Elle avait le don de nous amuser »…
Voilà un charisme à demander et à exercer !
Après son retour des USA, il lui fut demandé d’exercer quelques humbles services essentiels à la marche des communautés :
l’accueil, le réfectoire.
Elle exerça à Roscoff, à la Maison Mère et à Saint Pierre Quilbignon, avant de revenir définitivement ici,
dans la communauté Saint Jean, en 1979.
C’est dans la nuit de lundi à mardi que Sœur Gabrielle s’en est allée, tranquillement, rencontrer Dieu « tel qu’Il est », en « face à face ».
Qu’elle repose dans la paix ! …