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La triste mort d'Yves François Le Bouva

Recteur de Plouguin pendant la Révolution

le 9 Novembre 1794

Sources :

Le Courrier du Finistère du Samedi 1er Février 1941

Travaux de Daniel Bernard

La triste mort d’Yves-François Le Bourva, Recteur de Plouguin, pendant la Révolution.

Nommé recteur de Plouguin le 10 octobre 1774, après avoir rempli pendant deux ans les fonctions de secrétaire de Léon,

Yves-François Le Bourva né à Lannion, le 13 juillet avait été ordonné prêtre en 1762

N'ayant pas prêté le serment à la République, il avait dû évacuer le presbytère, qui fut occupé par le curé constitutionnel, Yves Marie Bazil,

prêtre habitué de la Paroisse, élu en mars 1791.

Mais, ni le recteur, ni le vicaire Jacques Le Guen, ne quittèrent la paroisse.

Ils continuèrent à administrer les secours spirituels aux habitants, à la grande déception du curé, qui se plaignait amèrement des avanies et des tribulations qui lui étaient suscitées.

On essaya, à différentes reprises, de s'emparer des deux prêtres courageux, mais vainement.

Ce fut probablement pour éviter d'être pris, au cours d'une fouille, que le recteur se réfugia parmi les hauts ajoncs, où il trouva la mort.

Lorsque la Terreur fut passée, sa sœur se décida, pour pouvoir rentrer en possession de sa succession, à adresser la supplique suivante au Tribunal du district de Brest :

« Citoyens juges, mon frère n'ayant pas fait le serment décrété par la loi de la Constitution civile du Clergé, parce que, sans doute, il la considérait comme contraire à ses opinions religieuses, fut obligé de vivre errant et caché de garenne en garenne, dans le sein même de la paroisse dont il avait été recteur.

Un genre de vie aussi pénible ne tarda pas à prendre sur son tempérament, qui fut bientôt détruit au point que, réduit aux dernières extrémités, il mourut le neuvième novembre 1794, au milieu d'une garenne dépendante du lieu de Kerleau sous la dite commune de Plouguin.

Quelques instants avant sa mort, il fut trouvé agonisant au milieu de cette garenne par des passants,  qui lui rendirent les derniers secours, qui furent témoins de sa mort.

Les témoins pouvaient sans doute aller sans traîner faire leur rapport à l'officier public de la commune, afin de faire constater cette mort,

mais la terreur qui planait alors avec tant d'empire sur la République, les retint, et, s'imaginant qu'on croirait qu'ils avaient donné retraite à ce prêtre,

et comme la loi condamnait à mort ceux qui avaient rendu de pareils services, ils aimèrent mieux garder le silence…»

Le tribunal ordonna le 1 septembre 1705, de faire une enquête sur cette affaire, et de convoquer pour être entendus,

les témoins qui avaient découvert, le recteur mourant.

Voici la substance des témoignages recueillis:

Yves Guéguen. Agé dé quarante quatre ans, cultivateur demeurant à Kervelléc. commune de Plouguin, dépose :

«Il y a environ huit mois, que passant par un champ appelé Clauze élevez, situé sur la commune de Plouguin, il aperçut qu'au milieu de la lande,

il y avait un homme étendu, que s'en étant approché, il trouva que c'était Yves François Le Bourva, ci devant recteur de Plouguin,

et qu'il connaissait parfaitement, qu'il était mort et que craignant d'être inquiété s'il avait été en faire sa déclaration

attendu que c'était un prêtre inassermenté, il n'osa en parler... »

Le deuxième témoin, Yves Lhostis, cultivateur à Kerléau, dépose en termes identiques au premier, mais il ajoute :

«Que comme c'était le temps de la Terreur et que l'on était alors extrêmement acharné contre les prêtres inassermentés,

il n'osa point en faire sa déclaration dans la crainte d'être compromis, vu surtout que le champ où il était lui appartenait... »

Le troisième témoin, Claude Lhostis, cultivateur à Kerléau, n'apporte aucun détail supplémentaire, mais...

«Qu’il n'osa point parler de ce qu'il avait vu à cause des troupes qui se trouvaient alors sur la commune de Plouguin... »  (1)

A la suite de cette enquête, le tribunal ayant acquis la certitude que le décès n'avait pas été rapporté sur aucun registre d'état civil,

conclut en ordonnant l'insertion de l'acte de décès sur les registres de la mairie de Plouguin,

le 10 novembre 1795, c'est-à-dire un an après la date de décès.

Ce qui fut fait dans les termes suivants:

« Aujourd'hui, dix neuf brumaire l’an quatre de la République, en vertu d'un jugement rendu au tribunal du district de Brest,

le 6 vendémiaire an quatre de Ia République, pour faire enregistrer le décès d'Yves François Le Bourva. ancien recteur de Plouguin,

trouvé mort dans une garenne nommée Close neuves dépendant du lieu de Kerleau commune Plouguin, par devant moi, Jean Jaouen, officier public de cette commune, ont comparus la citoyenne Anne-Yvonne Le Bourva laquelle m'a déclarée que décès est arrivé à Yves-François Le Bourva,

ancien recteur de Plouguin, âgé de soixante quatre ans, trouvé mort dans un champ nommé Clos novez, dépendant du lieu de Kerléau

en la dite commune de Plouguin le dix neuf brumaire troisième année républicaine, par Yves et Claude Lhostis de Kerleou, Yves Guéguen de Kervellec et Allain Lhostis de Trueglas, témoins tous âgés de plus de vingt cinq ans, d'après la représentation du jugement rendu

par le dit tribunal de district de Brest, et j’en ay dressé le présent acte, et Ils ont tous signé avec moy.

 

Fait à la maison commune de Plouguin, les dits jour, mois et an que devant ».

(1) Déjà en novembre 1791, à la demande d’une pétition rédigée par M. de la Biochaye, vicaire général de Rennes,

signée par les membres du conseil municipal de Plouguin et par plus de mille habitants de la commune,

demandant le renvoi du curé constitutionnel Yves Marie Bazil, et le retour des anciens prêtres de la paroisse.

Une garnison de 50 hommes de troupe de ligne et de cent gardes nationaux ait séjourné à Plouguin, aux frais des paroissiens.

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