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1892

Brest
enseigné aux écoliers et écolières

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Source : Le Petit Français illustré – Journal des écoliers et des écolières 5 mars 1892

 

La Rade.

 

À l’extrémité ouest de l’ancien continent s’avance, sur l’océan Atlantique, une presqu’île de granit, dont les côtes hérissées d’écueils, découpées bizarrement par l’assaut incessant des lames, offrent de nombreuses baies :

c’est le pays de Cornouaille et de Léon, maintenant le département du Finistère ;

et dans l’une de ces baies se trouve la rade la plus sûre et la plus célèbre du monde, la rade de Brest.

— « Elle pourrait contenir toutes les forces navales de l’Europe rassemblées », a dit l’amiral Thévenard.

 

Défendue des tempêtes du large par la presqu’île de Crozon, offrant partout un bon mouillage, elle est parfaitement sûre au point de vue de la navigation ; elle ne l’est pas moins à celui de la défense des côtes.

En effet, on n’y pénètre que par une entrée, étroite :

le goulet, long de six kilomètres environ et large de 1 800 à 2500 mètres.

 

Les deux hautes parois de rochers qui l’enserrent ont un formidable couronnement de forts et de fortifications qui rendent le passage imprenable.

Au fond de la rade s’ouvrent, au sud-est, les belles et riantes vallées où la rivière de Châteaulin et l’Élorn, rivière de Landerneau, promènent leurs flots paisibles dont le niveau varie rapidement avec la marée.

 

L’anse de Kerhuon, sur l’Élorn, servait à la marine de dépôt de bois de constructions.

On a adopté maintenant, pour la conservation des bois, un autre procédé que l’immersion, et l’anse ne contient plus que des pilotis.

Au nord de la rade, un bras de mer étroit et sinueux, appelé rivière de la Penfeld, du nom du petit cours d’eau qui s’y déverse, pénètre dans les terres.

— C’est sur ses bords que s’étagent, dans un ordre grandiose, les constructions du port de Brest, dominées par la masse colossale du pont tournant.

 

C’est là que la marine française réunit, en un ensemble qui n’a pas d’égal dans l’univers, ses forges, ses ateliers, ses arsenaux, ses magasins, ses chantiers.

C’est là que, par un travail incessant, sont construits, gréés, armés, les vaisseaux qui iront sur toutes les mers du monde, faire flotter glorieusement le drapeau aux trois couleurs ;

là aussi qu’on forme les officiers qui les dirigeront à travers les périlleux hasards de la guerre et des tempêtes ;

là qu’on recueille les marins blessés ou infirmes, qu’on élève leurs enfants, qu’on prépare de nouvelles générations d’hommes hardis, vaillants, dévoués jusqu’à la mort.

 

Pendant l’année terrible, au moment du siège de Paris, on voulut soustraire aux dangers du pillage et de l’incendie les plus précieuses parmi les richesses d’art du pays ;

on décloua les toiles des grands maîtres, on les emballa roulées dans d’immenses caisses qui furent dirigées par le chemin de fer sur Brest, où des vaisseaux reçurent dans leurs flancs ces trésors inestimables.

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Situation géographique, météorologie.

— Aspect général. —

 

Brest, chef- lieu d’arrondissement du département du Finistère, est une ville de 80.000 âmes environ, à 578 kilomètres de Paris et à peu près à la même latitude (48°, 23', 32"; sa longitude est de 6°,49', 49").

Le climat est doux, essentiellement tempéré ;

il y gèle rarement, mais, en revanche, c’est une des villes de France où il pleut le plus souvent.

L’humidité y est continuelle, aussi la végétation est-elle luxuriante et fraîche comme celle de l’Angleterre.

 

Il y a d’ailleurs peu ou pas de jardins en ville, les fortifications de Vauban enserrant Brest dans une ceinture étroite qui a forcé les habitants à tirer parti de tout l’espace disponible pour des constructions.

Ses maisons, hautes de plusieurs étages et bâties en granit grisâtre, donnent aux rues un aspect un peu sombre ;

mais les environs sont couverts de jolis jardins et de riantes habitations, depuis le château et le parc où l’amiral vient se délasser de ses campagnes, jusqu’à l’humble maisonnette entourée d’un jardinet où les maîtres (1) savourent en paix les douceurs d’une retraite achetée par de longs et honorables services.

 

La rivière de la Penfeld, c’est-à-dire le port de Brest, divise la ville en deux parties distinctes :

Brest sur la rive gauche et Recouvrance sur la rive droite.

Toutes deux descendent vers la Penfeld d'une hauteur de 60 à 65 mètres et par des versants assez rapides certaines rues sont même coupées par des marches et des escaliers, tant la pente est brusque, et pour monter du pont Gueydon au bas de la rue de Siam, on gravit un escalier de 83 marches d’une hauteur totale de 20 mètres.

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Histoire.

 

—Brest était la résidence d’une garnison romaine, quand, avant la fin du quatrième siècle, Conan Mériadec conquit la Bretagne et l’érigea en royaume.

On a trouvé, en creusant le sol du château, des médailles antiques qui ne peuvent laisser aucun doute sur ce point.

Au onzième siècle, Conan II éleva quelques forts d’une construction toute primitive, mais la première enceinte a été faite par Jehan de Montfort pendant la guerre de la Succession de Bretagne.

 

Édouard III (1327-1377), roi d’Angleterre, profita de cette guerre pour s’emparer de plusieurs ports de Bretagne, entre autres de Brest.

 

Duguesclin essaya vainement de le reprendre et, après quelques assauts, fut forcé d’en lever le siège ;

c’est alors que le comte de Salisbury fit ajouter au château la Tour des Anglais, qui subsiste encore.

 

Un fort construit en bois, au milieu du Goulet, sur la roche Mingant, se liait à deux autres forts en pierre, l'un à Crozon, l’autre à Saint-Pierre Quilbignon.

 

Jehan IV de Bretagne ne fut pas plus heureux dans ses tentatives, et Brest resta au pouvoir des Anglais jusqu’en 1397.

À cette époque, Richard II le céda à Charles VI qui le rendit au duc de Bretagne.

C’est à cette occasion que furent créées les armoiries de Brest, mi-parties France et Bretagne.

 

En 1489, Brest ouvrit ses portes à l’armée de Charles VIII, et le maréchal Jehan Desrieux, régent de Bretagne pour la duchesse Anne, dut renoncer à y entrer.

 

En 1543, l’amiral Howard, avec une flotte anglaise de quarante-deux vaisseaux de guerre, se présenta devant le port, mais les Brestois, par une défense prompte et habile, les réduisirent à l’impuissance.

Pendant la Ligue, le port de Brest opposa une résistance énergique aux Ligueurs, et aux Espagnols leurs alliés ;

c’est pour récompenser les Brestois que Henri IV leur accorda alors le droit de bourgeoisie.

Ce roi, si éclairé et si actif, avait de grands projets pour le développement de nos forces navales et celui du port de Brest en particulier ;

la mort ne lui permit pas de les exécuter, mais Richelieu les reprit ;

il fit nommer gouverneur de Brest son cousin, le marquis de Cousin, lui ordonna de compléter les fortifications du château, de faire construire trente vaisseaux de guerre et de veiller à leur armement.

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En 1631, Brest devenait un centre d’opérations maritimes, sous la direction d’un chef d’escadre, d’un commissaire général et d’un capitaine de port ;

de cette époque datent aussi les institutions nécessaires à l’instruction des marins.

 

Les troubles de la Fronde suspendirent les travaux, mais Colbert leur donna une nouvelle impulsion.

En 1694, Guillaume III d’Angleterre, pendant que les forces navales de la France étaient occupées dans la Méditerranée, voulut s’emparer de Brest ;

Vauban accourut, trouva la ville mal défendue, fit des prodiges d’activité pour la mettre en état de soutenir un siège et parvint à repousser de Camaret les troupes débarquées par la flotte ennemie.

Pendant tout le dix-huitième siècle, Brest s'agrandit rapidement, et Recouvrance, qui n’avait été jusque-là qu’un groupe de cabanes entourant une chapelle où les marins échappés au péril venaient suspendre leurs ex-voto (d’où son nom de Notre-Dame de Recouvrance), devint un faubourg de Brest, dont la population, principalement composée des ouvriers du port, prit une extension considérable.

 

Pendant la période révolutionnaire, Brest fut fort éprouvé ;

les commissaires envoyés par la Convention y firent régner la terreur.

Sous Laignelot, le dernier, en un seul jour, les vingt-six administrateurs civils furent guillotinés.

 

Depuis le commencement du siècle, Brest voit chaque jour s’accroître son importance et son étendue.

Quand on aura fait disparaître la ceinture étroite des fortifications de Vauban, la cité englobera ses faubourgs et deviendra alors une des plus grandes ville de France.

 

(À suivre.)

 

(1) Sous-officiers de la marine.

Le corps de la maistrance est un modèle d’honneur, de conduite, de dévouement au devoir.

Les grades dans ce corps sont : quartier-maître, second-maître, premier-maître.

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