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1940

Brest en 1900

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Source : La Dépêche de Brest 4 décembre 1940

 

1900 !

Que de fois n'entendons-nous pas ces chiffres magiques, gagnés nous aussi, par le ravissement de ceux qui les prononcent.

 

C'était, pour tous, l'année de l'Exposition.

De la seule, de l'unique, de la vraie (les autres ne furent, bien entendu, que de la pacotille).

 

1900 ! Année symbole.

C'était l'époque du fiacre.

Non pas du fiacre imposé par les circonstances, mais du fiacre marque de progrès.

 

1900 !

On aimait le travail patiemment accompli, achevé, fignolé (jusqu'à l'excès diront même les contempteurs).

La soif du record ne sévissait pas.

 

Les belles grandes dames avaient trop souci de ne pas déranger l'imposante harmonie de leurs copieux chapeaux et de leurs somptueuses toilettes.

 

Les messieurs devaient garder visages sévères sous le haut-de-forme.

 

Les fillettes songeaient orgueilleusement à leurs anglaises enrubannées de soie.

 

1900 !

On aimait la vie, le rire, la chanson.

On bataillait volontiers pour l'art et les artistes.

La dernière guerre était loin, la prochaine semblait plus loin encore.

 

1900 !

Temps heureux pour ceux qui avaient vingt ans.

Pour eux, au déclin de cette triste année 1940, notre collaborateur Olivier Lodel fera revivre quelques-uns des souvenirs que leur a laissés cette année merveilleuse.

 

Le 14 avril 1900, Brest a célébré l'inauguration de l'Exposition.

Dès le matin, la ville présente l'aspect d'un jour de fête.

À l'heure des couleurs, vergues dressées, les bâtiments sur rade hissent le grand pavois, tandis que le navire amiral tire une salve de 21 coups de canon.

 

Tous les édifices publics et de nombreuses maisons ont arboré le drapeau national.

Le soir, il y a foule au concert du Champ-de-Bataille, décoré comme pour la fête du 14 Juillet ;

notre place offre un magnifique coup d'œil, avec ses longs cordons de lanternes multicolores et ses trophées de drapeaux.

 

Les trains de plaisir amènent un grand nombre de Brestois dans la capitale.

Les départs de Brest ont lieu à 11 h. 20 du matin, pour arriver à Paris le lendemain, à 4 heures.

Lee billets aller et retour, valables pour six jours, coûtent 34 francs en seconde et 23 francs en 3e classe.

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On est en pleine guerre du Transvaal.

Le peuple Boer, il y a quelques mois, s'est levé en masse contre les Anglais, pour la défense de son sol.

Le colonel français de Villebois-Mareuil est allé offrir bravement son épée au président Kruger, et La Dépêche de Brest a ouvert une souscription pour les volontaires en faveur des Boers, qui a rapporté rapidement plus de 10.000 francs.

 

Cette somme est adressée au comité d'action de la jeunesse française chargé de porter secours à nos nationaux établis au Transvaal, qui se sont enrôlés pour combattre l'Anglais

 

*

**

 

Nous eûmes encore, en 1900, l'expédition de Chine.

Toutes les puissances européennes sont unies pour la répression de l'insurrection des Boxers.

 

Les navires français Amiral Charner, Guichen et Friant ont quitté Brest, fin juin, et beaucoup d'entre nous ont encore présente à la mémoire cette matinée du 7 juillet, où partit le 1er bataillon du 17e régiment de marche formé par quatre compagnies des 2e et 6e d’infanterie de marine, sous les ordres du capitaine Mazillier.

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Le général Chevallier, commandant la 2e brigade d'infanterie de marine, passe la revue du bataillon dans la cour de la caserne Fautras.

Il réunit les officiers et leur fait toutes recommandations, pendant le voyage des troupes sur les bâtiments, insistant sur les mesures d'hygiène à observer et les devoirs qui allaient leur incomber en Chine.

 

Plus de 2.000 personnes, dans la rue Fautras et la rue de la Mairie, attendent le départ, pour conduire le bataillon à la gare.

 

Clairons et musique en tête, les soldats marchent allègrement, ayant tous des petits drapeaux français et russes accrochés à leurs sacs.

Durant le trajet, des fleurs sont offertes à nos braves marsouins.

 

Le train spécial est sur une voie de la cour des marchandises, ce qui permet aux 3.000 personnes accourues à la gare de pouvoir faire leurs adieux aux partants.

L'heure approche, et le colonel Septans, du 2e régiment, fait sonner le « Garde à vous » ;

puis la musique joue le Chant du départ ;

le convoi s’ébranle aux accents de la Marseillaise et aux cris mille fois répétés de :

« Vivent les marsouins ! », tandis que képis, chapeaux et mouchoirs s'agitent frénétiquement.

 

La durée du voyage en train sera de 42 heures, avec itinéraire par Le Mans, Tours, Vierzon, Bourges, Saincaize, Marseille et Toulon.

 

(À suivre.)

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