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1937

Deux immeubles sont arasés
rue de l'Égout


 

Deux immeubles rue de l'Egout 00.jpg

 

Source : La Dépêche de Brest 4 mars 1937

 

Le 27 janvier 1936, rue de la Voûte, au cours d'un violent orage, un mur s'écroulait subitement, vers 17 heures, ensevelissant dans ses décombres, un malheureux ouvrier de l'arsenal, Jean Kernaléguen, qui, sa journée terminée, se hâtait, sous la pluie qui tombait à torrent de regagner son domicile. (*)

 

(*) À lire sur Retro29 : 1936 – Rue de l’Égout, un mur s’effondre sur un ouvrier de l’arsenal - Cliquez ici

 

Le mur, construit en moellons reliés par de la terre désagrégée par l'eau, s'appuyait plutôt qu'il ne les retenait, sur les terres qu'il était destiné à soutenir.

 

Craignant qu'un nouveau glissement entraînât la maison de quatre étages voisine, se dressant à l'angle des rues de la Voûte et Keravel, son propriétaire la fit examiner par un architecte qui lui conseilla de la faire évacuer au plus tôt.

 

La municipalité s'empressa de trouver, pour les pauvres gens habitant l'immeuble condamné, des abris provisoires et ils déménageaient le 5 février.

Depuis la maison était vide.

 

Un procès retarda l'enlèvement des matériaux provenant du mur écroulé qui obstruaient l'escalier de la rue de la Voûte.

Ils purent être enlevés récemment et un solide mur de soutènement, fortement armé de fer, remplaça celui qui n'avait pu résister à la poussée des terres.

 

La démolition de l'immeuble de 4 étages et d'une maison voisine, confiée à la S.A.C.E.R. fut commencée.

 

Ces maisons, vieilles de quelque soixante-dix ans, étaient désignées par les habitants du quartier

sous le nom de « châteaux branlants ».

 

Dans leurs logements, de nombreuses familles avec des multitudes d'enfants avaient défilé.

 

Bien que leur démolition eût été commencée un an après le départ des derniers locataires, s'il faut en croire les démolisseurs, les murs étaient encore habités... de milliers de petites bêtes qui tapissaient les appartements.

 

Dans un nuage de poussière, ces murs s'écroulent sous le pic des ouvriers qualifiés mais, après leur départ, la nuit, parfois fort tard, d'autres ouvriers bénévoles les aident dans leur travail, en venant faire dans les poutres et planchers vétustés une provision de bois de chauffage.

 

Une rue nouvelle...

 

Le travail de destruction s'achève.

Sur l'emplacement où s'élevait cette grande maison dont on découvrait, des étages supérieurs, un panorama superbe de l'arsenal et de la rade, le percement d'une rue nouvelle est prévu, au plan d'embellissement de la ville.

 

La maison construite sur la voûte et son escalier doivent être remplacés par un mur de soutènement, élevé en équerre à l'extrémité de l'immeuble où siège le conseil de guerre, et l'excavation laissée entre le mur de l'arsenal et la voûte démolie sera remblayée presque au niveau de la rue Keravel.

 

La rue projetée, dont la pente commencerait sur une quinzaine de mètres dans la rue de l'Égout, suivrait à une distance d'environ cinq mètres le mur de l'arsenal, passerait sur l'emplacement de l'immeuble de 4 étages démoli à 2m. 50 du pignon de la maison restée debout à l'extrémité de la rue Keravel et viendrait rejoindre par une pente adoucie, parce que prise plus loin, la rue Louis Pasteur.

 

Bien entendu, ce n'est pour le moment qu'un projet.

La municipalité s'efforce chaque fois qu'elle le peut sans trop obérer les finances de la ville, de procéder à la transformation et l'assainissement de ce quartier Keravel dont les origines remontent à 1650.

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La rue de la voute.jpg

 

La rue de la Voûte

 

Keravel était alors, on le sait, une colline boisée séparée du Château par le vallon de la Villeneuve sur lequel le Grand chemin qui n'était qu'une étroite et mauvaise piste, reliait les bords de la Penfeld à la sortie de la bourgade qu'était alors Brest.

 

En 1650, le roi fit construire une corderie sur les dépendances de Keravel.

Elle allait de l'est à l'ouest, à peu près parallèlement à la rue Louis Pasteur actuelle, depuis le magasin général jusqu'à la place Marcelin Berthelot.

 

Elle était bordée dans toute sa longueur par deux rues.

On ne s'était pas fatigué les méninges pour leur trouver des noms :

L'une s'appelait « la rue de Devant », l'autre « la rue de Derrière la corderie. »

 

En 1675, la rue Louis Pasteur commençait à peine à se former sous le nom de rue du Seuïl, (Pierre Chertemps du Seuïl, intendant, de marine qui seconda Colbert de 1670 à 1680 dans la création au port de Brest.)

 

Entre la rue du Seuïl et la rue de « Devant la corderie » restait un emplacement à bâtir d'une largeur assez considérable, particulièrement le terroir de Traoulan.

 

M. Mesnoallet de Kerallan s'étant prétendu propriétaire du terrain sur lequel la corderie avait été construite, le roi, pour couper court à toutes difficultés, lui acheta, au prix de 1.200 livres tournois, la montagne tout entière de Keravel et ses dépendances par un acte passé chez Me Cordier, notaire, le 8 novembre 1656.

 

Quelques maisons s'étaient groupées au bas de la rue du Seuïl, près de la crique du Traoulan qui devait devenir le bassin Tourville.

Ce n'étaient que des baraques en bois — les premiers débits de boissons de la rue Louis Pasteur — que l'intendant de la marine avait autorisé à construire sur le terrain du roi, mais à charge de les démolir à première réquisition.

 

La plus avancée de ces maisons vers le haut de la rue Louis Pasteur se trouvait au passage appelé « petite rue vers la corderie » parce qu'il conduisait à la « rue du Devant la corderie », non loin d'une fontaine à briqueballe se trouvant sur le terroir de Traoulan à la hauteur de la maison qui porta plus tard le n° 81 de la rue Louis Pasteur, achetée et démolie par la marine en 1833.

 

La « petite rue vers la corderie » avait un embranchement conduisant aux anciennes forges et au port par l'arrière des maisons construites sur le terrain du roi, près du bassin, dont on voit le tracé sur un plan arrêté par la Cour le 15 octobre 1703, signé Robelin et Mollart.

 

En 1686, Guilloteau, prête-nom de l'architecte Bedoy, s'obligea envers le roi à construire le quai et la corderie neuve dans l'arsenal.

Comme condition expresse du marché, le roi céda à Guilloteau, au prix de 24.900 livres, toute la partie de Keravel qui n'était pas entrée dans le « parc de la marine ».

 

Guilloteau prit l'engagement de rendre tout ce terrain communicable par des rues « ainsi que l'ingénieur le jugerait à propos pour la commodité et l'embellissement de la ville ».

 

En 1688, le roi céda encore à Guilloteau un terrain qui avait été réservé pour faire une place publique au Traoulan,

« à la condition de laisser six toises pour faire la largeur de la Grand'-rue (Louis Pasteur) à compter depuis la face des maisons déjà bâties du côté de la dite Grand’-rue à la main droite en montant le long d'icelle » (lettre patente du 4 mai 1688).

 

Le marché passé avec Guilloteau donna lieu à des difficultés.

Un arrêt du Conseil d’État du 16 juin 1699 décida que Guilloteau pouvait vendre le terrain qui lui avait été cédé

« à l'exception, toutefois, de la vieille corderie et des deux rues, devant et derrière que Sa Majesté se réservait. »

 

Mais Guilloteau n'avait pas attendu cet arrêt pour disposer d'une partie du terrain qui lui avait été concédé et construire huit rangs de maisons séparées par des venelles, coupées par la rue Traverse des venelles.

 

La rue de la Voûte fut percée et l'escalier voûté édifié en 1687 et reconstruit en 1719.

 

La ville de Brest commençait à se développer en même temps que le port et les habitants se portaient sur le nouveau quartier de Keravel qui se formait.

 

Des immeubles furent construits par des particuliers au bas de la Grand'rue.

 

Ils furent rachetés par le roi, ainsi que les maisons construites sur l'emplacement de vieux fours et leurs dépendances jusqu'à la rue de la Voûte par acte passé par Me Gérard, notaire, le 25 avril 1786, ce qui fit entrer dans le parc de la marine tout le terrain situé dans le voisinage de la Grand-rue et de la rue de la Voûte, sauf cinq maisons à l'angle des deux rues, dont une au moins fut reconstruite en 1834.

 

La vieille corderie avait été détruite par un incendie le 30 janvier 1744, le quartier Keravel s'était agrandi et devenait petit à petit tel que nous le connaissons aujourd'hui.

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Deux immeubles rue de l'Egout 01.jpg

 

C'est le sort des vieux quartiers, si chers à ceux qui aiment les visages du passé, de se modifier et de perdre leur aspect d'autrefois.

 

Il ne faut pas toujours le déplorer.

Si leur démolition inspire des regrets légitimes au point de vue du pittoresque, elle apparaît comme heureuse à ne considérer que le bénéfice de la propreté et la disparition des taudis.

On ne peut donc que se féliciter des transformations que va subir la rue de la Voûte, en souhaitant que les finances de la ville permettent de réaliser au plus tôt le projet d'assainissement du vieux quartier de Keravel.

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