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1937

Une visite aux services de l'habillement
de l'Intendance maritime

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Source : La Dépêche de Brest 14 avril 1937

 

Une circulaire, datant de 1815, prescrivait que :

« La bonne tenue des vaisseaux devait être l'objet d'une constante sollicitude car, indépendamment des raisons hygiéniques qui la commandaient, elle imprimait à l'équipage des habitudes d'ordre et de discipline et rehaussait sa valeur.

La tenue de l'équipage et celle du bâtiment se complètent et sont étroitement solidaires l'une de l'autre »,

ajoutait la circulaire.

 

Ces raisons conduisirent à exiger des hommes la plus grande propreté tant sur leur personne, que dans leurs vêtements et objets de couchage.

Depuis, on n'a cessé d'améliorer le confort des équipages sur les bâtiments ;

de leur côté, les services de l'Intendance s'efforcent de bien habiller les marins.

 

L'uniforme du matelot a, en effet, subi d'heureuses transformations :

Le chapeau ciré a fait place au bonnet à pompon rouge ;

la courte veste, aux multiples boutons de cuivre, à la chemise de laine ajustée, dégageant bien le cou.

On va prochainement donner au caban une forme plus élégante en le cintrant à la taille et, si le « pont » du pantalon a été maintenu par nécessité, la « patte d'éléphant », créée pour le retrousser plus facilement au-dessus du genou, n'est plus considérée, par le matelot, comme un signe d'élégance.

Il ne tient qu'au prestige de son col bleu bien empesé.

 

Habitués à le voir, nous n'attachons peut-être pas, à Brest, d'importance au costume du marin, mais dans les villes de l'intérieur, le matelot exerce l'exotique attrait des pays lointains d'où l'on croit toujours qu'il revient et, à l'étranger, ce modeste ambassadeur doit, par sa tenue parfaitement correcte, aider à maintenir le bon renom et le prestige qu'exerce toujours notre marine.

 

Ceci suffit à expliquer les soins apportés par les services de l'habillement à la confection de l'uniforme du marin pour lui donner — autant que le permettent les règlements — une coupe élégante et aussi coquette que possible.

 

Cette tâche incombe à Brest, sous la haute autorité du commissaire général Bourgain, directeur de l'Intendance maritime, au commissaire en chef Ceillier, chef du service « Habillement, couchage, casernement » et à son adjoint, M. le commissaire de 1re classe Deshaies, spécialement chargé des services techniques, avec l'aide compétente de M. Olivret, le sympathique maître-tailleur, qui emploie près de 700 ouvrières pour la confection des quelque cinq cent mille (500.000) vêtements nécessaires, chaque année, aux équipages de notre port, la fabrication des pavillons et des objets de couchage, etc..

 

La visite de cette importante manufacture où sont employées les machines les plus modernes permettra de se faire une faible idée du travail qui y est accompli.

 

La salle de recette et de dépôt

 

D'après les états de prévisions fournis chaque année par les ports, le ministère de la Marine met en adjudication les fournitures de milliers de mètres de draps, toiles et molletons ;

de chaussures, tricots, vêtements imperméables ou huilés, etc..

 

Les industriels d'Elbeuf, du nord, de l'est et du sud-ouest, adjudicataires des marchés, livrent à chacun des ports, selon ses besoins, la quantité des tissus commandés.

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Voici justement des camions qui pénètrent dans l'arsenal par la porte Jean-Bart, avec un énorme chargement de pièces de toile et de drap bleu.

Suivons-les.

 

Ils s'arrêtent devant la salle de dépôt du service de l'habillement.

Rapidement, leur contenu est déchargé, rangé, aligné sur les rayons de cette vaste salle, en attendant la rigoureuse vérification des étoffes entreposées.

 

L'examen des tissus

 

Des échantillons sont prélevés sur chacune des pièces et remis au laboratoire de chimie de la marine.

 

Là, les pharmaciens-chimistes leur font subir différentes épreuves pour s'assurer de leur résistance au moyen de dynamomètres Chefvy ;

de la solidité de leur teinture ;

du décatissage du tissu, etc...

 

Pendant ce temps, au service de l’habillement même, les pièces d'étoffe subissent d'autres épreuves.

 

La salle de cinéma

 

Elles passent d'abord à la « salle de cinéma ».

Il n'existe dans cette salle aucun appareil de projection car on n’y projette aucun film.

Il faut supposer qu'elle ne doit son nom qu'à l'obscurité qui y règne.

 

Son unique fenêtre est entourée de panneaux opaques séparés par l'exacte largeur du tissu à examiner en transparence à son passage devant cet « écran » lumineux.

 

Les pièces sont attachées les unes aux autres.

L'extrémité passe sur des rouleaux fixés au plafond et, durant des heures, devant les yeux scrutateurs des membres de la commission de recette elles vont défiler pour s'assurer que le tissage est bien régulier ou relever des défauts, pendant que d'autres observateurs, placés entre la fenêtre et l'écran s'assurent que la teinte de l'étoffe est bien conforme à l'échantillon-type qu'ils ont sous les yeux.

 

Quand, au passage, on remarque des parties où le tissu n'est pas assez serré des taches transparentes,

un « firmament étoilé », selon l'expression employée par ces sévères examinateurs, on arrête.

Sur la lisière de l'étoffe on fait, avec un fil, une « sonnette » pour attirer l'attention sur les emplacements défectueux.

 

Tous ces défauts et tares seront déduits de la longueur facturée par le fabricant.

S'ils sont trop nombreux, la pièce rebutée lui sera retournée.

 

Il y a aussi la vérification de la provenance des laines et du lin, car le filage et la fabrication des diverses étoffes doivent être faits exclusivement en France et par des maisons françaises.

 

— Passe-moi le micro, dit un examinateur.

 

Le micro n'est en réalité qu'un compte-fil — un quart de pouce, comme on l'appelait dans les magasins de nouveauté — permettant de compter le nombre de fils de la trame et de la chaîne, « l'armure », au centimètre carré.

 

Les étoffes passent ensuite sur une table étalonnée, longue de dix mètres, où les pièces sont mesurées.

 

Avec les résultats obtenus par le laboratoire de chimie sur la laine pure, le lin, le chanvre, la teinture, les apprêts, etc., et ceux des épreuves qu'ont subies les tissus par les services de l'habillement, la commission de recette opère la réception définitive.

 

La marchandise reçue est placée dans un monte-charge et va prendre place dans la section du magasin qui lui est affectée.

 

Les magasins

 

Il règne dans les magasins un ordre parfait et une méticuleuse propreté.

Tout y est bien rangé, aligné, classé.

Des fiches, continuellement tenues à jour permettent de connaître, à tout instant, l'inventaire des stocks emmagasinés.

 

C'est là, qu'au fur et à mesure de ses besoins, le maitre-tailleur, M. Olivret prendra les tissus et les fournitures nécessaires à la confection des vêtements commandés par le chef du service de l'habillement.

 

Nous verrons, dans un prochain article, comment, après avoir reçu ses étoffes, le maître-tailleur exécute son travail en série.

 

(À suivre)

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