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1940

Brest en 1900

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Source : La Dépêche de Brest 20 décembre 1940

 

En cette fin d'année de 1900, nos sociétés musicales donnent leurs derniers concerts.

 

La plus ancienne et la plus réputée est celle des « Amis du Colonne », créée en 1887 par M. Henri Steff et quelques fervents de la musique :

MM. Tréguier, père du président actuel de cette société ;

Lehideux, F. Kermarec, pharmacien ; David, Thomasset, Lorain, etc...

 

Les « Amis du Colonne » donnaient chaque hiver des concerts auxquels on venait en foule écouter des chansons, des monologues, des fantaisies et aussi les belles œuvres symphoniques de Beethoven, Haydn, Mozart.

 

À ces soirées, se faisaient entendre quelques excellents monologuistes et chanteurs :

MM. Ch. Floch, Boëlle, Danguy des Déserts, Léon Roger et des mélomanes, tels que MM. Paul Tiercelet, Charles Berger, Félix, etc..

 

M. Henri Steff, doué d'un organe généreux de basse profonde, était chaque fois longuement applaudi dans les Deux Grenadiers, de Schuhmann ;

le Cor, de Flégier ;

la Création de Haydn ;

le Noël d'Irlande, d'A. Holmès.

 

Ces réunions, toujours empreintes de la plus franche cordialité, se tenaient dans une salle basse du rez-de-chaussée, n° 36, rue d'Aiguillon.

 

Elle était ornée de dessins et de peintures humoristiques dus au crayon et au pinceau de nos meilleurs artistes.

 

Des dindons rassemblés devant un pupitre où on lisait « symphonie », étaient l'œuvre du commandant Cormier.

Un dessin de Charles Floch représentait deux nègres jouant du banjo et de la mandoline.

De Léon Roger, un « gommeux fin de siècle », en incroyable. (*)

 

Un grand tableau qui attirait tous les regards représentait un arbre apocalyptique.

Sur la branche supérieure, repose un hibou ;

sur les autres, se tiennent assis, jouant du violon :

MM. Tréguier, Kermarec et Lehideux ;

au violoncelle, le vénérable professeur Davis, à la grande barbe blanche, en éventail.

Des animaux antédiluviens rampaient au pied de l'arbre, sous lequel on lisait :

« Lehideux, mélomane Korrigan, pour se préserver du froid, ne prend ni coca, ni kola ».

Et la peinture était signée :

« Nicolas », qui était professeur de dessin de la marine.

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Tous les amateurs de bonne musique se trouvaient là groupés sous la baguette avertie de M. Henri Steff qui dirigeait son orchestre avec une grande habileté.

 

Il n'y avait que des hommes à l’orchestre et les concerts étaient souvent réservés aux hommes seuls.

C'était le « concert-pipe » qui, comme bien on pense, était agrémenté de chansons et de monologues interdits aux oreilles chastes et qui se déroulait au cours de nombreux « demis » et dans la plus parfaite tabagie.

 

Chaque année, l'orchestre des « Amis du Colonne », renforcé par les professeurs de musique et professionnels de Brest et des environs, donnait, au Théâtre municipal, une grande soirée au profit des pauvres de la ville.

 

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La soirée offerte par l'Orphéon brestois à ses membres honoraires est, comme de coutume, très brillante.

Sous la baguette de son président, M. Challerie, on applaudit la cantate des Deux Bretagnes, de Thielemans et celle de Pour la patrie, de M. Guillermit qui en dirige l'exécution.

 

M. Causeur chante de façon remarquable l’Angélus de la Mer, Mlle Audran détaille à ravir des mélodies de Boureault-Ducoudray, les Yeux de ma mie et Près du bal, de M. Guillermlt.

 

Les marins aiment à faire danser nos jeunes brestoises et l'année finit par des bals comme, nous l'avons vu, elle avait commencé.

 

Le 1er décembre, à l'occasion de la Saint-Éloi, c'est le bal des mécaniciens de la défense mobile, sous la présidence de M. le capitaine de frégate Poidlouë ;

le bal des mécaniciens du Masséna, salle de l'Union, sous la Présidence de M. le capitaine de vaisseau Fauque de Jonquières.

 

La fête de Sainte-Barbe patronne les canonniers, est célébrée par nos artilleurs et marins, avec le même entrain que la Saint-Éloi.

 

Dans les casernes, le réveil est donné en fanfare et les chambrées sont décorées de drapeaux et de panoplies.

 

Une salle spéciale a été installée pour le banquet traditionnel auquel sont invités les officiers.

Un bal, salle de Venise, est donné par la 2e compagnie d’ouvriers d’artillerie de marine .

 

À bord du Carnot, le capitaine de vaisseau Campion, commandant le cuirassé, avait offert un banquet à ses canonniers, fusiliers et torpilleurs.

 

Et le soir du 31 décembre, c'est le bal, toujours si attendu, des fourriers de la flotte.

M. Émile Aubertin, commissaire de 1ère classe de la marine, préside cette belle réunion de famille et, au cours de ses toasts, remercie la Dépêche de Brest, « cette amie du marin, qui lui reflète sa vie, ses espoirs, sa croyance passionnée en la Patrie, et lui apporte au loin, dans les stations lumineuses et les escales brûlantes, le souffle toujours regretté des landes bretonnes ».

 

À minuit, le gaz s'éteint pendant quelques instants, le temps de présenter ses meilleurs souhaits de bonne année à sa cavalière, dans l'ombre et le mystère, puis la lumière réapparaît.

 

Et on dansa jusqu'aux dernières lueurs de l'aurore.

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Le même soir, tous les sous-officiers d'infanterie de marine qui, à partir du 1er janvier, vont passer sous la direction du ministre de la guerre, fêtent leur nouveau titre d'arme au Café de Paris.

 

Les doyens de chaque régiment de la brigade portent des toasts à l'infanterie de marine, nom qui disparaît et saluent l'infanterie coloniale, avec l'espoir que celle-ci suivra les traces de son aînée et qu'elle conservera les mêmes traditions de gloire dans les expéditions lointaines.

 

(À suivre)

 

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(*) Le gommeux est le personnage type du jeune élégant du XIXᵉ siècle, désœuvré et vaniteux.

À chaque époque de l'histoire française, raconte Bertall, un nom plus ou moins fantaisiste a servi à désigner ceux que l'élégance, la prétention ou le succès mettaient particulièrement en évidence.

Bertall cite à l'appui les mignons sous Henri II et Henri III, les beaux fils au temps de la Fronde, les menins sous Louis XIV, les roués de la Régence, les merveilleux sous Louis XV et les incroyables du Directoire, suivis des fashionables et des dandys sous la Restauration, puis des lions et des gants jaunes sous Louis-Philippe.

Apparaissent ensuite les « petites dames » qu'on appelle les biches.

Ceux qui les poursuivent sont appelés les daims, puis les gandins.

Lorsque les biches se font cocottes, les « petits messieurs » deviennent les cocodès, puis les petits crevés.

Les cocottes deviennent à leur tour les crevettes.

Quand surgit enfin le gommeux, le Littré le qualifie de « dernier nom du jeune homme à la mode, de celui qu'on a appelé muscadin, mirliflor, dandy, lion, gandin, petit crevé, etc. ».

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