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1940

Brest en 1900

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Source : La Dépêche de Brest 31 décembre 1940

 

Au cœur même de la ville, à l’encoignure des rues de Siam et de la Mairie, deux grands cafés se font vis-à-vis :

Le Grand Café et le Café brestois.

 

Les dames ne vont guère au café par les belles après-midi du dimanche, elles se rencontrent sur la magnifique terrasse de Kermor-Casino.

Cependant, durant la mauvaise saison des familles viennent à l’apéritif-concert donné au 1er étage du Grand Café par l’orchestre des « Dames viennoises ».

 

D’autres assistent au concert symphonique qui a lieu tous les dimanches sur la terrasse d’un des plus vieux restaurants de Brest, la Glacière, tenu par M. Louis Goureaux, et qui se trouvait sur l’emplacement actuel de la gare des « Autocars », place de la Liberté.

On y sert déjeuners et dîners au prix de 1 fr. 25, comportant :

Potage ou hors-d’œuvre, deux plats de viande, un plat de légumes, desserte un demi-litre de vin.

 

Le Café brestois est surtout fréquenté par les officiers d’infanterie de marine.

Dans cet heureux temps, on y pratique, confiant et largement, « l’œil colonial » (*). ...

(*) «L’œil colonial » : partir sans payer.

 

Un peu plus loin, au n° 49 de la rue de la Mairie, le Grand Bar Lombard, renommé pour ses huîtres a 0 fr. 60 et 0 fr. 75 la douzaine, ouvre à 5 heures du matin pour les maraîchers et ne ferme que fort tard après minuit, car il est le rendez-vous des noctambules et des amateurs de soupers fins.

 

Rue d’Aiguillon, place du Champ de Bataille, le Café du Commerce a, comme il se doit, la clientèle des gens sérieux et des hommes d’affaires.

 

Tout à côté, au coin de la rue Saint-Yves (aujourd’hui Émile Zola), la jeunesse turbulente tient ses assises au Café de Paris et « son boyau ».

 

En face, la Brasserie de la Marine est le pôle d’attraction de la gaieté brestoise.

Civils de toutes professions, officiers de toutes armes, joyeux étudiants de l’École de médecine navale voisinent dans une ambiance cordiale.

 

C’est aussi le rendez-vous des « petites alliées », bonnes filles sans prétentions, sans esprit de lucre « qui, a écrit Claude Farrère (**), gentiment s’efforcent d’adoucir la vie aux pauvres hommes et de mêler un peu de miel à notre absinthe... »

 

Elles font le bonheur des jeunes promotions, donnent des nouvelles des absents, dont elles reçoivent parfois une missive lointaine et pensent au retour aléatoire de leurs anciens amis, qui guerroient quelque part en Afrique ou en Asie, sur mer ou sur terre, pour conquérir à la France cet empire colonial que le monde nous envie.

(**) Claude Farrère, nom de plume de Frédéric-Charles-Pierre-Édouard Bargone, né le 27 avril 1876 à Lyon, mort le 21 juin 1957 à Paris, est un officier de marine et un écrivain français.

 

Fort bien située à la sortie du théâtre, la Brasserie s’emplit, après chaque représentation, d’une foule joyeuse qui vient y terminer une partie de la nuit, et le spectacle se continue parfois sur d’autres tons.

Le répertoire des carrés et des popotes s’y débite sous la baguette d’un chef d’orchestre improvisé et les choristes bénévoles n’ont souvent rien à envier à ceux d’en face.

 

Vers deux heures du matin, le patron s’efforce bien de prendre un air sévère pour dire que l’heure du couvre-feu a sonné ;

mais un nouveau refrain lui rend vite son sourire naturel.

 

Les riverains de la Brasserie, souvent surpris dans leur premier sommeil, se laissent parfois aller à présenter des doléances justifiées.

 

Braves gens qui, comme nous tous, ne connaissaient pas leur bonheur ;

car les chants des sirènes de cette époque heureuse étaient beaucoup plus gais que ceux qui nous réveillent aujourd’hui.

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