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1940

Brest en 1900

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Source : La Dépêche de Brest 10 décembre 1940

 

C'est en novembre 1900 qu'eut lieu l'inauguration du monument aux morts pour la patrie.

L'œuvre du jeune sculpteur Auguste Maillard avait pu être réalisée, grâce à une souscription publique qui atteignit 20.000 francs et à une subvention de 6.000 francs votée par le conseil municipal.

 

Quelques incidents fâcheux marquèrent les préparatifs d'inauguration.

 

La caisse renfermant le bronze pesant 3.000 kilos arrive de Paris en gare de Brest, le 5 octobre.

Le lendemain on l'amène place des Portes, auprès du socle en granit sur lequel il doit être installé.

Après une journée d'efforts, le groupe va être mis en place, quand une corde de la chèvre se brise et la caisse dégringole d'une hauteur de cinq à six mètres, aux yeux stupéfiés des ouvriers et des passants qui s’étaient assemblés pour jouir du spectacle.

 

On entendit un bruit sinistre ; on croyait à un désastre.

Le bronze n'avait heureusement que de légères avaries, et le 15 octobre, M. Troussey, entrepreneur, scellait le monument sur son socle.

 

Il figure un marin blessé mortellement ;

près de lui, se tient un paysan breton, la main appuyée sur le manche de sa charrue.

Au-dessus d'eux, le génie de la Patrie, les ailes éployées, d'un geste, désigne au paysan le fusil que le soldat a laissé tomber.

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La date de l'inauguration va maintenant causer certains déboires.

On apprend, le 10 octobre, que, suivant le désir exprimé par la municipalité, la fête est fixée au dimanche 28 et que le général André, ministre de la Guerre, est délégué par le gouvernement pour le représenter.

 

Puis, quatre jours après, contre-ordre.

Le ministre est actuellement en inspection en Corse et ne pourra se rendre à Brest que le 29 ou le 30.

La ville, d'accord avec le ministère, remet la cérémonie au mardi 30 octobre.

 

Mais ce sont de toutes parts des tollés de réclamations des Brestois, qui déplorent que la cérémonie n'ait pas lieu un dimanche.

 

Le maire, se faisant alors l'écho des doléances de la population, demande à M. Waldeck-Rousseau que l'inauguration soit reportée au jeudi 1er novembre, jour de fête chômée, ce qui fut accepté.

 

Le temps est radieux, après une nuit de tempête, en ce jour du 1er novembre, quand arrive en gare de Brest, à 9 h. 20, le général André, accompagné du capitaine Charton, son officier d'ordonnance.

 

Une salve de 19 coups de canon est tirée ;

puis, après les souhaits de bienvenue, se forme le cortège.

 

Le ministre prend place dans la première voiture, accompagné du vice-amiral Barrera, préfet maritime ;

de M. Berger, maire de Brest, et du capitaine Charton.

 

M. Collignon, préfet du Finistère ;

le général Larnac, commandant d'armes ;

MM. Pichon, sénateur, et Isnard, député, montent dans le second landau.

 

M. Verne, sous-préfet, et le chef de cabinet du préfet prennent place dans une troisième voiture, accompagnés du lieutenant de vaisseau Le Troter et du capitaine d'artillerie O'Neill, aides de camp du préfet maritime.

 

Réceptions officielles, individuelles et de corps à la préfecture ;

puis c'est le déjeuner de cent couverts offert par la municipalité, dans la salle du conseil municipal, splendidement décorée par M. Hautin.

 

Le menu est de choix.

Qu’on en juge :

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À 2 heures, en présence d'une foule immense, c'est l'inauguration.

Le voile blanc qui recouvre le monument tombe d'un seul coup, la Marseillaise éclate, 1.000 pigeons du Messager brestois prennent leur vol, tandis que crépitent des milliers d'applaudissements.

 

Puis, c'est la série des discours.

M. Anner, adjoint-maire, président du comité, remet le monument à la ville.

M. Berger le remercie.

Le général André évoque à son tour la mémoire des glorieux soldats et marins bretons morts pour la patrie.

 

La parole est alors donnée aux poètes.

M. le docteur Hébert récite une superbe poésie de sa composition : Aux morts pour la patrie ;

M. Bott dit : Aux Bretons morts pour la patrie.

Deux cents exécutants et la musique de la flotte chantent et jouent la cantate de M. Botrel, orchestrée par M. Guillermit, maître de chapelle de Saint-Louis :

Aux soldats et marins bretons morts pour la patrie.

 

M. Sevré, maire de Lambézellec, reçoit les palmes d'officier d'académie.

Les sociétés patriotiques défilent ensuite et déposent des couronnes au pied du monument.

La fête de l'inauguration proprement dite est terminée.

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Le soir, à 6 heures, un banquet de 400 couverts est donné, salle de Venise, sous les auspices de la société la Flotte, présidée par M. Sénard, en l'honneur du général André.

Le prix du repas était de quatre francs par tête et, par les temps actuels de vie chère et de restrictions, il nous parait intéressant de donner la composition du menu, fort bien servi par M. Kermaïdic.

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Vers 9 heures du soir, le ministre et sa suite quittent la salle de Venise pour se rendre au théâtre, où l'on joue Le maître de chapelle et La fille du régiment.

L'orchestre attaque la Marseillaise à l'entrée du cortège ministériel et toute la salle reste debout quand, du fond de la scène, descend majestueusement Mme Van Hoff, première chanteuse, splendidement vêtue du costume attribué à la République ;

dans ses cheveux, le ruban tricolore, à la main le drapeau national.

Très émue, l'artiste entonne l'hymne de Rouget de Lisle, accompagnée au refrain par toute la troupe, les chœurs et les nombreux chanteurs de l’Orphéon brestois.

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En ville, l'animation se continue fort tard dans la soirée.

On ne se lasse pas d'admirer les gerbes de lumière lancées sur le monument par un projecteur installé place des Portes.

Des lampes à arc établies par M. Hérodote, directeur de la Compagnie des tramways, éclairent le square et procurent aux Brestois un avant-goût de ce que sera plus tard l'éclairage de la ville.

Des lanternes multicolores accrochées dans les arbres, des lampions sur le tertre et autour du monument offrent un délicieux tableau par cette belle nuit l'automne.

 

(À suivre)

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