top of page


1933

Appartement à louer

4 sur 5

 

 

Source : La Dépêche de Brest 21 janvier 1933

 

Ainsi mon ami avait parlé avec sagesse.

 

— Pour arranger bien des choses, poursuit-il, il faudrait en ce domaine comme en beaucoup d’autres, désarmer.

En aura-t-on assez parlé de ce « désarmement moral » !...

 

« Pour régler ces petites questions d'ordre intérieur, d'ordre domestique, il faudrait bien souvent être résolu, de part et d'autre, à user d'une absolue franchise, d'un peu d'optimisme, de bonne volonté et de mutuelle compréhension.

C'est alors qu'on la verrait diminuer, la clientèle du tribunal des loyers.

J'ose même dire que la crise se trouverait en partie résolue.

​

 

« Malheureusement, l'épisode du « baiser Lamourette » (*), qui m'a beaucoup frappé lorsque j'apprenais l'histoire de la Révolution française, ne se renouvelle pas souvent.

Chacun a des droits, c'est entendu ;

chacun connaît ses droits et tient à les faire respecter.

Il y a, hélas ! beaucoup trop de gens qui ne parlent que de leurs droits.

Ce mot prend dans leur bouche une saveur amère, une sonorité agressive.

 

« Cependant, il y a une contrepartie généralement laissée dans l'ombre :

On a aussi des devoirs.

Bientôt, ce petit mot « devoir » sera presque oublié tant il est rarement employé.

 

« Voilà le secret de bien des tiraillements susceptibles d'empoisonner la vie sociale.

 

— Si Courteline t'entendait, il ne manquerait pas de dire :

 

Tendez vos rouges tabliers,

Il pleut des vérités premières.

 

(*) L'épisode dit du baiser Lamourette est une tentative de réconciliation proposée par Antoine-Adrien Lamourette le 7 juillet 1792 à l'Assemblée législative.

Lamourette propose à ses collègues élus de s'embrasser en signe de réconciliation, et provoque un court moment de réconciliation entre les partis.

​

Baiser de paix dans l'Assemblée Nationale, le 7 juillet 1792, dit le baiser Lamourette

 

Des exemples de locataires qui contribuent au maintien d'une situation dont tout le monde supporte les conséquences ?

Il y en a.

 

Avant-guerre ou pendant la guerre, une famille aura loué un grand appartement pour une somme très modique.

Depuis, par suite de départ et de décès successifs, une seule personne demeurera en possession des six ou sept pièces.

Connaissant ses droits, elle va rester dans ce local beaucoup trop grand parce que son loyer est dérisoire et aussi pour éviter de se donner la peine de chercher quelque chose qui soit plus en harmonie avec ses besoins.

 

Le propriétaire et les éventuels candidats locataires n'y trouvent pas leur compte.

 

Tel autre aura autrefois loué de vastes appartements à un taux très bas et, alors que cette clause était sans grande importance, on l'aura autorisé à sous-louer (pas grand'chose, une pièce ou une mansarde).

Aujourd'hui, cette personne continue d'occuper pour pas cher des appartements trop vastes, mais réalisera de gros bénéfices en sous-louant à prix d'or la majeure partie du domaine dans lequel elle est installée et qui, pourtant, ne lui appartient pas.

 

Voici encore une petite histoire toute neuve :

 

Mme X..., propriétaire, a un appartement à louer.

Elle reçoit la visite de Pierre et se met d'accord avec lui pour un loyer de 2.000 francs.

 

— C'est entendu.

Revenez demain et nous signerons le papier.

 

Entre-temps, Paul a eu vent de l'affaire et connaît le prix de l'appartement.

Il court chez Mme X... et lui dit :

 

— Je sais que vous voulez louer à Pierre pour 2.000 francs, mais moi je vous offre 3.500.

Les voici.

Ces billets sont à vous si nous échangeons immédiatement nos signatures.

 

Vraiment, il eût fallu que Mme X... fût bien ingénue pour refuser l'offre du monsieur au portefeuille bien garni.

Il est ridicule de vouloir être plus royaliste que le roi.

 

Pierre a été victime de Paul.

 

Il est certain que l'on pourrait multiplier ces exemples, qui montrent que parfois ce sont certaines catégories de locataires eux-mêmes qui contribuent à la prolongation de la crise.

​

 

L'opinion de l'Association des propriétaires du Nord-Finistère

 

Le Conseil d'administration de l'Association des propriétaires du Nord-Finistère nous a communiqué ses réponses à un certain nombre de questions relatives à la crise du logement.

 

Pour la clarté de l'article, nous donnons ci-dessous, dans leur ordre, les questions et les réponses :

 

— À l'heure actuelle, la crise du logement sévit-elle toujours avec la même acuité ?

Dans quelle catégorie de loyers (petits, moyens, grands appartements) paraît-elle être la plus vive ?

 

— Il n'y a pas de crise réelle ;

il y a seulement de la difficulté à trouver des appartements petits et moyens.

 

— L'affichage et la déclaration des locaux vacants sont obligatoires (arrêté municipal du 26 août 1929, etc:..).

Or, il n'y a eu que deux déclarations faites à la mairie depuis trois ans.

Pourquoi ne pratique-t-on plus l'affichage et ne fait-on pas de déclaration?

 

— Les propriétaires ont quinze jours pour afficher à la mairie ;

les appartements sont certainement loués avant la fin de ce délai.

 

— Quel est le maximum d'augmentation permis par la loi pour le locataire d'après-guerre?

Ce maximum est-il généralement dépassé en fait?

 

Le coefficient de location ressort de l'application de l'article 2 de la loi du 29 juin 1929 ;

à notre connaissance nous ne croyons pas que des propriétaires membres de l'Association aient dépassé le coefficient légal.

Si le cas s'est produit, c'est malgré les conseils qui sont donnés par notre bureau.

 

— Est-il exact que les appartements meublés et les « garnis » se multiplient considérablement, en dépit de la loi ?

 

— Il n'y a aucun doute ;

les meublés et garnis se sont beaucoup multipliés à Brest ;

en tout cas, ce sont les locataires en possession qui en profitent.

 

— Comment se fait-il que, la population brestoise ayant diminué, les logements fassent défaut si cruellement ?

 

— Les causes principales de la difficulté de trouver des logements sont le régime des prorogations et la location en meublé.

 

— Quel remède d'ordre pratique trouver pour mettre fin à cette situation ?

 

— Le seul remède d'ordre pratique pour remédier à la situation nous paraît être la suppression des prorogations.

 

Nous terminerons demain en exposant l'opinion de la Chambre syndicale des locataires.

 

(À suivre).

P.-M. LANNOU.

​

bottom of page