1937
Une visite aux services de l'habillement
de l'Intendance maritime
- article 3 sur 4 -
Source : La Dépêche de Brest 14 avril 1937
Pour confectionner quelque 500.000 vêtements, le service de l'habillement de l'Intendance maritime utilise, chaque année, pour les quartiers-maîtres et marins, environ :
40.000 mètres de drap ;
25.000 mètres de molleton bleu foncé ;
40.000 mètres de toile blanche ;
60.000 mètres de toile rousse, et pour les équipages et les pantalons et vestes des ouvriers de l'arsenal, environ 110.000 mètres de toile bleue.
Pour les officiers-mariniers, qui sont tous habillés sur mesure, on emploie, annuellement, une dizaine de milliers de mètres de drap plus fin, dit drap de sous-officiers ;
soit au total; 285.000 m. d'étoffe diverses.
Ajoutez à cela une centaine de mille boutons de cuivre pour quartiers-maîtres et marins ;
40.000 boutons dorés pour officiers-mariniers ;
un million et demi de boutons noirs ou blancs, et pour coudre le tout, une cinquantaine de mille bobines de fil, sans compter des kilomètres de galons et de passementerie, un nombre important d'insignes des diverses spécialités, et vous aurez une faible idée de ce qui n'est qu'une partie des stocks utilisés par le service de l'habillement.
Toutes ces marchandises, soigneusement classées et étiquetées, s'alignent dans les rayons de vastes magasins.
Elles sont fréquemment vérifiées, en particulier les lainages qu'il convient de mettre à l'abri de leur redoutable ennemi : la mite.
La lutte contre les mites
Si le poivre, la poudre de pyrèthre, la naphtaline sont, par leur désagréable odeur, des agents de conservation contre les mites et autres insectes ;
si, en certains cas, ces produits peuvent être un palliatif suffisant pour empêcher la détérioration des pièces de drap et des vêtements de laine ne stationnant relativement que peu de temps en magasin, ils se montraient notoirement inefficaces pour conserver intacts les milliers de collections de guerre stockées pour permettre d'habiller et d'équiper, en quelques heures, la quantité d'inscrits maritimes et réservistes, rappelés en cas de mobilisation.
Le centre mobilisateur qui détient ces importants stocks, comprenant tout ce qui peut être nécessaire au marin pendant une longue absence, est chargé de cette distribution.
Quel souci permanent pour les responsables du bon état de ces stocks !
Que de main d'œuvre employée pour le battage, le pliage, le saupoudrage des produits de conservation, à renouveler fréquemment.
Malgré toute leur attention, les magasiniers préposés à leur garde — les garde-mites, comme on les appelle au régiment, ne pouvaient empêcher ces nuisibles bestioles de creuser leurs galeries et de déposer leurs œufs dans l'épaisseur douillette des molletons et des draps qu'elles transformaient rapidement en écumoires.
Un officier du commissariat du port de Brest — ne le nommons pas pour ne pas blesser sa modestie — eut un jour une idée de génie.
Elle lui vint d'une façon très simple : en constatant la résistance des sacs en papier servant au transport du ciment.
Il fit fabriquer des sacs assez grands pour contenir un nombre déterminé de vêtements et trouva, pour les fermer très hermétiquement, des pinces avec agrafes spéciales.
Pour expérimenter la solidité du papier, les sacs remplis de vêtements hors service, furent précipités du deuxième étage du magasin sur les pavés du quai : le papier résista parfaitement.
On poursuivit l'expérience en plaçant, pendant tout un été, dans une pièce obscure et bien close, des vêtements enfermés dans des sacs, tandis que d'autres étaient laissés à découvert sur les rayons.
On avait pris soin d'y joindre une abondante collection d'insectes destructeurs : vers et mites.
Quand, au début de l'hiver, on ouvrit la pièce, des milliers de mites voletèrent ; les vers pullulaient.
Une vaporisation de liquides asphyxiants détruisit la récolte de cette culture intensive en vase clos, et on examina les dégâts.
Les vêtements laissés découverts étaient rongés jusqu'à la trame.
Un examen minutieux ne permit pas de découvrir le moindre trou de mite sur ceux qui étaient enfermés dans les sacs.
L'expérience était concluante.
Aujourd'hui, tous les vêtements de laine sont enfermés par dix dans des sacs en papier et peuvent attendre, pendant des années, à l'abri de la poussière, de la lumière et de la destruction par les mites, le moment d'être utilisés, sans qu'il soit besoin d'employer, comme autrefois, de nombreuses corvées de marins pour leur faire prendre l'air, les battre et les brosser.
La « délivrance » des effets aux bâtiments
Les bâtiments fournissent un bon de commande au service de l'habillement pour obtenir le nombre de vêtements dont ils ont besoin.
Pris parmi les plus anciens en stock, les effets demandés sont placés dans une pièce du premier étage dont l'entrée pour plusieurs raisons, est interdite à la corvée de marins du bâtiment venue en prendre livraison.
La commande descend par une glissière, un toboggan, directement dans la voiture où elle est chargée, après que le chef de corvée a vérifié, au passage s'il a bien son compte, car à partir de ce moment, il en est responsable.
Les officiers mariniers
Tous les officiers mariniers sont habillés sur mesure.
Dès qu'un quartier maître passe second, il vient commander sa nouvelle tenue.
On conçoit qu'il ne peut en être de même pour les quartiers-maîtres et marins et qu'il faille leur fournir des costumes faits d'avance, en série, mais ces séries ont des mesures si variées que chaque matelot touche, en réalité, des vêtements à sa taille.
Par exemple, le paletot ou caban et la vareuse ont, dans leurs trois tailles, six subdivisions ;
ce qui fait dix-huit paletots et vareuses de dimensions différentes ;
il y a vingt-quatre tailles de pantalons ;
treize dimensions de bonnets à pompon rouge allant de 50 centimètres de tour de tête à 62.
On peut donc habiller convenablement le marin avec des vêtements presqu’aussi bien ajustés que s'ils étaient faits sur mesure, d'autant que pour les cas très rares de tailles absolument anormales, les vêtements sont confectionnes sur mesure, par le maître-tailleur.
(À suivre)