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1938

Voleurs agresseurs
arrêtés aux quatre-pompes

 

 

Source : La Dépêche de Brest 20 juillet 1938

 

Une enquête, qui sera peut-être fertile en surprises, a été ouverte lundi soir par la gendarmerie de Brest.

Déjà, deux arrestations ont été opérées et il est probable que d'autres suivront.

 

Cette affaire est assez compliquée, aussi présenterons-nous les faits dans leur ordre chronologique.

 

Lundi après-midi, une lettre anonyme parvenait à la gendarmerie de Brest, dénonçant deux jeunes gens, demeurant à proximité des Quatre-Pompes, sur le territoire de la commune de Saint-Pierre-Quilbignon, comme ayant commis plusieurs agressions à main armée et divers vols ou cambriolages.

 

Il avait été impossible de connaître les auteurs de nombreux délits commis ces temps derniers, dans la commune principalement.

La lettre fournissait des précisions telles qu'il était nécessaire d'en tenir compte.

 

Les deux jeunes gens dont il était question : H..., 16 ans et demi, et B..., 18 ans, étaient déjà bien connus de la police locale.

 

La gendarmerie alerta aussitôt le parquet de Brest et il fut décidé de poursuivre les choses plus avant.

 

On n'ignorait pas que les deux jeunes gens désignés dans la lettre étaient redoutés dans le voisinage et capables de se défendre au moment favorable.

 

Transport du parquet

 

Des mesures spéciales furent alors arrêtées.

M. Donnart, procureur de la République, se rendit à Kerdriden et à Kernein-Vraz, accompagné de M. de Lapeyre, juge d'instruction ;

de M. Péniche, commissaire à la brigade mobile de Rennes ;

de l'adjudant-chef Coupa, du maréchal des logis-chef Audo, des gendarmes Laot, Thomas, Salaün, Gloaguen et Rabaud.

 

Quand les enquêteurs se présentèrent au domicile des deux jeunes gens, vers 19 h. 15, ceux-ci n'étaient pas encore rentrés.

L'attente, cependant, ne fut pas longue et, au moment où ils y pensaient le moins, les deux amis se trouvèrent en présence des membres du parquet.

 

M. Donnart interrogea spécialement le jeune B..., cependant que M. Peruche questionnait H...

 

L'un comme l'autre devaient nier de la façon la plus absolue toutes les charges accumulées contre eux par les premiers éléments de l'enquête.

 

Des recherches minutieuses furent alors entreprises dans le domicile de chacun des deux jeunes gens.

Elles devaient se révéler très intéressantes.

 

Un joli stock

 

Chez H..., on découvrit un véritable stock de pièces détachées pour bicyclettes et motocyclettes :

pédaliers, trompes, rétroviseurs, sacoches de cuir, cadres, etc.

 

H... prétendit qu'il avait acheté ces divers objets ou qu'ils lui avaient été donnés par des amis.

 

On alla alors chercher le propriétaire de certaines des pièces découvertes.

M. Colmier, ouvrier de nationalité portugaise, demeurant route de l'École navale.

 

Celui-ci fournit, avant de les avoir vus, un signalement très précis des objets dont il avait été dépouillé.

En présence de certains détails très caractéristiques, aucun doute n'était plus possible.

 

M. Colmier avait été volé au mois de mars dernier, puis une seconde fois le 10 juillet.

Il avait laissé sa machine dans un garage des Quatre-Pompes.

 

Le jeune H... tenta encore de fournir des explications, mais celles-ci se révélèrent aussi invraisemblables que les premières, aussi fut-il décidé de maintenir l'étrange collectionneur à la disposition de la justice.

 

Un homme bien armé

 

Pendant ce temps, on interrogeait B...

Comme celui-ci tirait un mouchoir de sa poche, il fit tomber à terre un coup de poing américain.

Fouillé par les gendarmes, le jeune homme fut trouvé en possession d'un couteau à cran d'arrêt et d'un barillet de revolver.

 

Les enquêteurs découvrirent ensuite chez B... le revolver auquel s'adaptait le barillet ;

une canne-fusil avec plusieurs douzaines de cartouches et un sabre de cavalerie de modèle réglementaire.

 

En outre, on mettait la main sur un stock de pièces détachées pour bicyclettes et un étau d'atelier pesant 80 kilos.

On découvrit aussi une motocyclette — que B... prétendit avoir achetée à H... — de même qu'une bicyclette de femme.

 

Les recherches avaient été longues et il fut impossible de les pousser à fond.

Des scellés furent alors apposés sur divers locaux dépendant des habitations des deux jeunes gens.

 

Rien ne semblait destiner B... et H... à tant s'occuper de motocyclettes ou de bicyclettes.

En effet, le premier est employé comme manœuvre à la construction des cuves à mazout que l'on établit non loin de l'École navale et le second est également manœuvre au service de M. Panetta, entrepreneur à Traon-Quizac en Lambézellec.

 

Il était près de minuit lorsque B… et H... furent placés sous mandat de dépôt par M. de Lapeyre, juge d'instruction et dirigés sur la prison du Bouguen.

 

Un fait frappa les enquêteurs.

Au moment où il était procédé aux visites domiciliaires, une vieille voiture automobile stationnée non loin de là, passa sur la route alors déserte et se dirigea vers Saint-Pierre-Quilbignon.

 

Faut-il voir une relation de cause à effet entre ce départ nocturne et la visite du parquet ?

 

La journée d'hier

 

Hier après-midi, MM. Donnart, de Lapeyre, Peruche ;

le capitaine de gendarmerie Meinier ;

Le Gall, greffier, se rendaient à nouveau sur place, vers 15 heures.

 

Les renseignements recueillis au cours de la matinée sur les deux prévenus n'étaient pas plus favorables que les premiers.

Le jeune H… avait déjà été traduit, pour port d'arme prohibée, devant le tribunal correctionnel, qui l'avait acquitté comme ayant agi sans discernement.

 

Les enquêteurs devaient consacrer leur journée à la recherche de complicités possibles.

Sur toute cette affaire, dont les suites pourraient être curieuses, les membres du parquet et les enquêteurs se montrent d'une discrétion absolue.

 

Nous savons, toutefois, qu'au cours de l'après-midi d'hier M. de Lapeyre interrogea longuement un camarade des deux prévenus, T…, marin de l'État.

Celui-ci, placé sous la garde de deux officiers-mariniers, avait été amené du 2e dépôt, où il est affecté depuis quelques jours.

 

Christian T… reconnut qu'il connaissait bien B… et H…, mais assura que personnellement il n'avait jamais pris part à aucune des « expéditions » de ses camarades.

 

Le jeune témoin avait peut-être de bonnes raisons de se montrer prudent.

Ne fut-il pas, un jour, blessé d'un coup de couteau par l'un de ses deux amis ?

Il n'en continua pas moins à entretenir des relations cordiales tant avec H… qu'avec B…

Au cours de l'après-midi, les enquêteurs ont pu recueillir de nombreuses précisions concernant diverses agressions et quelques vols dont les auteurs sont demeurés inconnus.

 

Pendant ces derniers mois, plusieurs femmes ont été attaquées et dépouillées de leur sac à main, sur la plaine de Kérangoff.

Il est permis de penser que ces diverses affaires ne sont pas étrangères les unes aux autres.

 

Une agression

 

À lire sur Retro29 : 1937 - Braquage d'un marchand de café – Cliquer ici

 

Le 25 novembre 1937, un livreur, employé par une maison d'épicerie de la rue Jean Jaurès, M. François Cocaign,  27 ans, passait avec son tri-porteur, vers 14 heures, dans un chemin creux, à proximité de la route des Quatre-Pompes, lorsqu'il fut attaqué par un jeune homme, dont le visage était masqué par un foulard bleu marine à pois blancs.

 

L'agresseur, braquant un revolver sur sa victime, lui dit :

« Donne-moi ton « fric » ou je te tue ! »

Il s'empara d'un petit sac de toile qui contenait 117 francs et laissa repartir M. Cocaign, dont le triporteur avait été renversé sur la chaussée.

 

L'homme masqué proféra une dernière menace :

« Je n'ai à te dire qu'une chose: fais ta tournée comme d'habitude, sinon tu auras affaire à moi ! »

 

Les enquêteurs se sont tout particulièrement intéressés, hier, à cette agression audacieuse et nous croyons savoir que leur conviction est faite.

L'un des deux inculpés actuels aura à fournir des explications à ce sujet.

Divers témoignages intéressants ont été recueillis notamment celui de T..., dont nous avons parlé plus haut.

 

Dans la soirée d'hier, vers 19 h 30 M. de Lapeyre s'est rendu à la prison du Bouguen pour notifier à B... et à H… une inculpation de vol et à B… une inculpation de port d'arme prohibée.

 

On se souvient qu'il y a quelques jours, un coffre-fort contenant 18 450 francs fut enlevé du magasin de M Le Fur, négociant en vins à Lambézellec.

Les enquêteurs vont s'intéresser particulièrement à cette affaire, qui pourrait s’éclairer d'un jour nouveau.

Mais jusqu'à présent il est difficile d'apporter la moindre précision sur la culpabilité possible des deux jeunes gens actuellement placés sous les verrous.

 

À lire sur Retro29 : 1938 - Vol du coffre-fort d'un négociant en vins à Lambézellec – Cliquer ici

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