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1935

Journées d'émeute à Brest
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Mort de deux ouvriers

Article 4

 

 

Hier matin, la rentrée des ouvriers de l'arsenal s'est faite normalement et dans le plus grand calme.

Les ouvriers ont regagné leurs ateliers et repris leur travail.

 

Il en a été de même l'après-midi et la sortie de 17 heures a été aussi tranquille que si rien ne s'était passé.

 

Il n'en reste pas moins, à la suite de cette semaine d'incidents regrettables, des blessés dans les hôpitaux et les traces des déprédations aussi stupides que criminelles commises dans ces accès de folie collective, par de jeunes révolutionnaires, exploités par des meneurs coupables et dangereux.

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À l'hôpital civil

 

Le maçon Jean Le Deuffic, d'Ergué-Armel, habitant depuis trois mois chez son frère, 91, rue de Verdun, à Saint-Marc, blessé à la tête par un morceau de fonte au cours d'une échauffourée est, on le sait, soigné à l'hospice civil.

Son état reste grave.

 

On nous a affirmé que tous les autres blessés étaient dans un état aussi satisfaisant que possible et hors de danger.

 

À l'hôpital maritime

 

L'ouvrier de l'arsenal Vauche avait été trouvé, on s'en rappelle, mardi, dans la nuit, dans l'entrée d'une maison de la rue Fautras et transporté, le lendemain seulement, à l'hôpital maritime, avec une blessure à la tête.

Son état était très grave.

Il dut subir, dès son arrivée, salle 3, l'opération du trépan.

Hier, en dépit des faux bruits circulant en ville, il allait aussi bien que possible après une semblable opération ; il a retrouvé sa lucidité.

Pont, blessé au cours d'une charge, a reçu au côté une blessure.

Il pourra sous peu reprendre son travail.

Chevalier a une côte fracturée, mais ne court aucun danger.

 

Ce sont là les seuls blessés graves.

Les autres n'ont heureusement reçu que des blessures légères.

Ils pourront tous, sous quelques jours, quitter l'hôpital.

 

Dans l'échauffourée de jeudi soir, ont été admis dans la nuit :

 

Adrien Dumesnil, du peloton mobile 152, de Bernay (Eure) : entorse au pied gauche.

Michel Coatalem, gendarme à Plabennec : défaillance au cours d'un long stationnement dans la rue et de coups reçus.

Louis Bozec, gendarme à Brasparts : entorse au pied gauche.

Pierre Brossier, garde mobile du peloton 258 (Vendôme) : blessure au pied droit.

René Tanguy, ouvrier de l'arsenal (atelier des bâtiments en fer) : blessé au genou gauche.

 

L'enquête de la police mobile

 

M. Lepage, commissaire divisionnaire, et les inspecteurs de la police mobile ont ouvert une enquête pour essayer d'établir les circonstances dans lesquelles ont pris naissance les scènes d'émeutes que tout le monde déplore

 

Devant leur caractère révolutionnaire, les policiers ont recherché si des émissaires communistes n'avaient pas séjourné à Brest avant et pendant les troubles.

 

Ils ont acquis la certitude que, la semaine dernière, trois délégués à la propagande communiste ont, en effet, passé quelques jours dans notre ville.

 

Le cas de l'Allemand arrêté

 

La police a aussi enquêté sur le cas de Karl Schmitt, cet Allemand arrêté mercredi, dans la soirée, au cours d'une manifestation.

 

MM. de Lapeyre, juge d'instruction ;

Donnart, substitut du procureur de la République, et Le Gall, greffier, s'étaient rendus, jeudi, dans la chambre qu'il occupait dans un hôtel de la rue du Château pour faire, en sa présence, une perquisition.

 

Ses bagages furent saisis.

On ne trouva dans ses papiers que des lettres adressées à sa famille.

 

Quant au prétendu poignard trouvé en sa possession, ce n'était qu'un instrument de travail : un poinçon.

 

Enfin, les gardes qui l'avaient arrêté ont été confrontés avec lui et se sont montrés moins affirmatifs que dans leurs premières déclarations.

 

Il parait donc possible qu'il dise la vérité en affirmant être venu, en curieux, voir ce qui se passait

 

L'enquête n'en continue pas moins à son sujet.

 

D'où vient l'argent ?

 

Enfin, la police mobile s'est inquiétée de savoir si les manifestants avaient pu recevoir de Paris des fonds importants.

Ils ont examiné dans les banques et à la poste les registres d'arrivée d'argent.

Le résultat est, croyons-nous, resté négatif jusqu'ici.

 

Il est vrai que l'un des trois délégués à la propagande communiste dont nous avons parlé plus haut a pu remettre ces fonds de la main à la main à l'un des meneurs brestois.

Mais comment le vérifier?

 

L'opinion de la police mobile, comme celle de tout le monde, est que, du mécontentement causé par l'application des décrets-lois, des agitateurs ont profité pour créer des troubles qui ont peut-être même dépassé ce qu'ils espéraient.

 

L'un des trois délégués à la propagande communiste avait quitté Brest lundi dernier pour Lorient, les deux autres avaient regagné Paris.

 

M. Lepage poursuivra aujourd'hui son enquête.

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Hier après-midi ont comparu devant le tribunal correctionnel un grand nombre de manifestants qui, au cours des trois journées de troubles, furent arrêtés.

 

L'audience était présidée par M. Halléguen, assisté de MM. de Lapeyre et Hameury, juges.

M. Donnart était au siège du ministère public ; M. Le Gall, greffier.

Me Trémel assurait les fonctions d'huissier audiencier.

 

Jean Roudaut, apprenti à l'arsenal, habitant 48, rue Saint-Marc, a été surpris brisant des ampoules électriques.

L'inculpé, malgré la déposition des agents qui l'ont appréhendé, nie le fait.

— Je me trouvais par hasard rue Jean Jaurès et je me demande pourquoi j'ai été arrêté.

Il pourra se le demander durant les quarante jours de prison qui lui sont octroyés.

 

— Pierre Peru, 32 ans, docker, 44, rue Keravel, déjà bien connu de la police, s'est fait remarquer par son ardeur au cours de ces journées de manifestations.

Il a été arrêté avant-hier et l'on a trouvé des cailloux dans ses poches.

Trois mois de prison.

 

— Guillaume Gourlaouen, 23 ans, domicilié rue Duguay-Trouin, est ouvrier zingueur ;

il prenait une part active à un assaut des manifestants aux abords de la place Fautras et lançait des pierres qui blessèrent un agent cycliste.

Malgré ses dénégations, il est condamné à trois (?) de prison.

 

— Armand Guinamand, 20 ans, couvreur, 14, Petite rue de l'Église, est inculpé de bris d'objets d'utilité publique.

On l'a vu briser une plaque de fonte.

Bien que trouvé en possession d'un morceau du corps du délit, il nie.

Quarante jours de prison.

 

— Henri Boulain. 20 ans, sans domicile fixe, a été arrêté place Wilson les poches chargées de pierres.

20 jours de prison.

 

— Stanislas Anniel, 35 ans, menuisier, 10, rue Kléber, a été arrêté mercredi, vers 22 heures, rue Louis Pasteur.

Il prétend s'être trouvé là par hasard regagnant son domicile et avoir été pris dans une charge de gardes mobiles.

Trois de ceux-ci viennent affirmer qu'ils l'ont vu lancer des pierres.

Un mois de prison.

 

— Charles Departout, 23 ans, ajusteur, 21, rue Lannouron, a, place Fautras, outragé des gardes.

Il reconnaît les faits, s'excuse et bénéficie de l'indulgence du tribunal, qui le condamne à 6 jours de prison.

 

— Gabriel Piriou, 29 ans, menuisier, 7, rue Bugeaud, poursuivi pour part d'arme prohibée, est condamné à 40 jours de prison.

 

— Jean Vaillant, 34 ans, chauffeur d'auto, 15, rue Suffren, bénéficie du doute et est acquitté.

 

— Philibert Derrien, 42 ans, charpentier, 8, rue de la Tour, également poursuivi pour outrages et violences, malgré ses dénégations se voit infliger deux mois de prison.

 

La même peine est infligée à André Le Roux, 30 ans, terrassier, 13, rue Jean Jaurès.

 

Les mandats de dépôt décernés contre trois autres inculpés sont confirmés.

 

L'audience est ensuite suspendue pendant quelques minutes, tandis que tous les condamnés, sous la garde de gendarmes, prennent place dans un camion automobile de la mairie pour prendre la direction de la prison du Bouguen.

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Source : La Dépêche de Brest 11 août 1935

 

Ainsi que nous le laissions entendre hier, le malheureux ouvrier maçon Jean Le Deuffic, en traitement à l'hospice civil, a succombé à la blessure qu'il avait reçue à la tête dans la nuit de vendredi à samedi, à une heure du matin.

 

Hier, à 10 heures, en présence de MM. Jacques Henry, sous-préfet ;

Bouriel, procureur de la République ;

de Lapeyre, juge d'instruction, et Le Gall, greffier, M. le docteur Mignard, médecin légiste, a procédé, à la morgue de l'hospice civil, à l'autopsie, assisté de M. le docteur de la Marnierre.

 

Le praticien n'avait pas encore déposé, hier soir, son rapport au parquet.

Il a conclu à la mort par hématome de la région cervicale.

 

On sait que Le Deuffic n'était que depuis trois mois à Brest.

Il habitait chez son frère, 91, rue de Verdun, à Saint-Marc et travaillait en qualité de maçon chez M. Le Bars, entrepreneur, rue de Verdun.

 

Il avait laissé à Ergué-Armel, rue de Concarneau, sa femme et ses quatre enfants, âgés de 11, 9, 6 et 3 ans.

Ce fut le maire d'Ergué-Armel qui fut chargé de la délicate et pénible mission de prévenir Mme Le Deuffic du malheur qui la frappait.

Il le fit avec tous les ménagements employés en pareille circonstance.

M. Perrot, député-maire d'Esquibien, voulut bien avertir le père et la mère de Le Deuffic, cultivateurs à Kervaot, en Esquibien.

 

La veuve et les malheureux parents arrivèrent en taxi dans l'après-midi.

M. Larquet, préfet du Finistère, et Jacques-Henry, sous-préfet, vinrent leur présenter leurs condoléances et s'incliner devant la dépouille mortelle de leur mari et fils.

 

Un gendarme de Douarnenez, beau-frère du défunt qui — curieux détail — faisait partie du service d'ordre, se rendit également à l'hôpital.

 

Sur la demande des parents, M. Larquet a autorisé le transfert du corps à Esquibien, où aura lieu l'inhumation.

 

Le cercueil, déposé hier soir, à 18 h., dans un fourgon automobile, a été salué par M. Jacques-Henry, sous-préfet, qui était accompagné de M. le chef de cabinet du préfet.

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Mme Baraer, par l'intermédiaire de ses avocat, Me Pitard, de Paris, et Me Lalouet, de Brest, a déposé une plainte au parquet.

Elle demande qu'une enquête soit ouverte sur les circonstances de la mort de son mari.

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Source : La Dépêche de Brest 12 août 1935

 

On sait qu'un Allemand, employé comme électricien par l'entreprise chargée du montage de la grue flottante de 250 tonnes qui doit être livrée à la marine au début du mois prochain, fut arrêté, mercredi soir, au cours d’une tumultueuse manifestation.

 

Trouvé en possession d'une arme prohibée, il fut incarcéré au Bouguen.

 

Karl Schmitt prétendit que cette arme était un instrument de travail, un poinçon lui servant à faire des épissures et à couper les fils de cuivre des câbles électriques.

 

Il s'agit, en réalité, d'un véritable poignard.

La lame, recourbée, longue de près de vingt centimètres, est emmanchée dans une poignée de galalithe rouge transparente.

Elle est enfermée dans un fourreau de cuir noir, garni de cuivre à son extrémité et en son milieu.

Un anneau, muni l'une agrafe à mousqueton, permet de suspendre le poignard à la ceinture, comme le font nos aviateurs.

 

Schmitt affirme toujours n'avoir pris aucune part aux manifestations et prétend qu'il a été arrêté alors qu'il assistait, en simple curieux, aux échauffourées.

 

M. de Lapeyre va clore, ainsi que nous le disions hier, l'instruction de cette affaire et Schmitt comparaîtra incessamment devant le tribunal correctionnel.

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Le maire de Saint-Marc présente ses sincères remerciements à la direction du Cirque Bureau pour la communication qui lui a été faite annonçant le prélèvement, sur les recettes de la première soirée du cirque, d'une somme destinée à secourir les familles Baraer, de Saint-Marc, et Le Deuffic, d'Ergué-Armel.

 

Il est reconnaissant au Cirque Bureau de sa décision de faire, avec la bienveillante autorisation de M. le maire de la ville de Brest, à chaque représentation durant son séjour à Brest une collecte dans le même but au profit des mêmes familles.

 

Une deuxième liste de versements en faveur de la famille Baraer, de Saint-Marc, reçus par le maire, paraîtra incessamment.

Que les généreux donateurs veuillent bien considérer ces avis comme tenant lieu d'accusés de réception.

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Source : La Dépêche de Brest 13 août 1935

 

Parmi les manifestants qui commirent, mercredi dernier, des déprédations rue Jean Jaurès et brisèrent les glaces des établissements Citroën, rue Anatole France, les gardes champêtres de Lambézellec avaient cru reconnaître deux jeunes gens, P... et B..., qui furent incarcérés à la prison du Bouguen.

Ils en étaient extraits, hier, pour être amenés devant M. de Lapeyre, juge d'instruction, qui leur a fait subir un nouvel interrogatoire, après lequel P... et B... ont été reconduits au Bouguen.

 

M. de Lapeyre clôturera aujourd'hui son enquête en ce qui les concerne.

 

*

**

 

Mercredi 7 août, Lucien Pelois, 40 ans, demeurant 52, rue Louis Pasteur, se mêla, à l'angle de la rue Guyot, aux manifestants pour jeter sur les gendarmes des pierres ramassées près d'une maison en réparations.

M. Mérot lui a fait subir un premier interrogatoire, au cours duquel il a reconnu les faits.

Conduit hier après-midi au parquet, il a renouvelé ses aveux devant M. Durand, substitut du procureur de la République, qui l'a laissé en liberté provisoire.

Il comparaîtra mercredi devant le tribunal correctionnel.

 

M. Mérot a également interrogé, hier, la femme Francine Le Guen, 22 ans, domestique rue Richer.

Elle se trouvait mercredi soir rue Louis Pasteur, en compagnie d'un Portugais, prénommé Manuel.

Les gendarmes pénétraient dans les entrées des maisons et en faisaient sortir les personnes qui s'y étaient réfugiées.

Manuel et Francine Le Guen montèrent l'escalier du 59, rue Louis Pasteur et pénétrèrent dans une chambre inoccupée au 3e étage.

Sur la table, il se trouvait quatre ou cinq bouteilles, dont une pleine.

La femme Le Guen en prit une vide et la jeta par la fenêtre.

Manuel s'empara de la pleine et lui fit suivre le même chemin.

Les gendarmes ne furent pas atteints, prétend Francine Le Guen, car au moment où les bouteilles se brisèrent sur la chaussée, ils étaient remontés plus haut dans la rue.

 

Un deuxième sujet portugais, nommé Compos, aurait aussi lancé des bouteilles sur les gendarmes.

 

Tous trois seront conduits ce matin au parquet.

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Plusieurs autres individus ont été interrogés.

MM. Bouriel, procureur de la République, Donnart et Durand, substituts, de Lapeyre, juge d'instruction, et leurs secrétaires terminent toutes ces affaires, qui passeront mercredi devant le tribunal correctionnel.

 

L'enquête de la police mobile

 

Les inspecteurs de la police mobile poursuivent, de leur côté, leur enquête.

Ils ont procédé à l'interrogatoire de nombreux individus, dont trois ont été écroués, hier soir, au violon de la rue de la Mairie.

 

Les blessés

 

Tous les blessés en traitement à l'hôpital maritime vont beaucoup mieux, sauf le gendarme Cariou, dont l'état est stationnaire ;

celui de l'ouvrier de l'arsenal Vauche donne des inquiétudes.

 

Les dégâts

 

Petit à petit, les traces laissées par le passage des manifestants disparaissent, mais on voit encore de nombreuses glaces, dont la brisure en étoile est soutenue par du papier collant ou des affiches.

 

Les gargouilles et plaques de fonte d’égouts et de postes d'eau, à part celles du trottoir de la préfecture maritime, n'ont pu encore être remplacées.

 

Les magasins ayant eu des glaces brisées ou ayant subi des dégâts, sont :

les établissements Citroën ;

les galeries Saint-Martin ;

la pâtisserie Touz ;

les chaussures André ;

les Dames de France ;

la pharmacie Allanic, rue Jean Macé ;

la bijouterie Prieur, dont l'enseigne a été détériorée.

Les magasins Novelty, Auger Le Bihan, chaussures, 29, rue Émile Zola ;

Raub, peintre, rue Jean Jaurès ;

Garrelon, parapluies.

 

Si on ajoute à ces dégâts le préjudice causé sur les chantiers des entrepreneurs, entre autres: MM. Armand Marc et Pardanno, les vitres brisées à l'octroi de la rue Jean Jaurès et à la caserne Fautras, les déprédations commises à l'escalier de la rue Jean Macé, dont on achevait la repose hier, les baraques écrasées près du pont Gueydon et les madriers brisés aux échafaudages du grand pont par les gueuses de fonte, d'un poids de cinquante kilos, projetées du haut du pont, on peut se rendre compte que la note à payer sera élevée.

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Nous apprenons que la direction du Cirque Bureau a décidé, à l'occasion du passage du Cirque à Brest, de prélever sur les recettes de la première soirée, le vendredi 16 août, un certaine somme destinée à venir en aide à la veuve et aux orphelins de l'ouvrier Baraer.

 

Nous sommes convaincus que la population brestoise saura apprécier, comme il convient, ce geste de solidarité.

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Source : La Dépêche de Brest 14 août 1935

 

Petit à petit, on parvient à découvrir les individus ayant participé aux manifestations tumultueuses de la semaine dernière.

 

Après enquêtes des polices mobile, spéciale, municipale, de la sûreté ou de la gendarmerie et interrogatoires des commissaires de police, ils sont conduits au parquet, où M. de Lapeyre, juge d'instruction, ouvre contre eux une information.

 

Hier matin, la femme Francine Le Guen, 22 ans, dont nous avons déjà parlé hier, était amenée au parquet avec les deux Portugais, de Scuza Alberte Campos, 23 ans, et de Castro Manoël 29 ans, ouvriers cimentiers.

La femme Le Guen reconnaît, qu'en compagnie des deux Portugais, elle a, d'une fenêtre du 3e étage, 59, rue Louis Pasteur, jeté dans la rue, sur les gendarmes, des bouteilles trouvées dans la chambre d'un locataire absent.

Les deux Portugais opposent aux dires de la femme Le Guen les dénégations les plus formelles.

Tous trois n'en ont pas moins été incarcérés au Bouguen.

 

René R... aurait traîné et renversé, devant la préfecture maritime, une voiture de déménagement.

Il comparaîtra devant le tribunal correctionnel sous l'inculpation d'outrages à gardes et gendarmes et dommages à objets mobiliers.

 

Des gamins de 14 à 16 ans :

G..., coiffeur ; K..., employé de commerce ;

M..., maçon, inculpés de bris de clôtures et d'ampoules électriques et soupçonnés d'avoir fait partie de la bande qui brisa les glaces des établissements Citroen, ont été laissés en liberté provisoire,

tandis que Noël S..., a été incarcéré au Bouguen.

 

Creff, employé à la Compagnie des eaux, a outragé les gendarmes et poussé des cris séditieux.

Son mandat de dépôt a été confirmé.

 

Lucien Le F..., 18 ans, a lancé des projectiles.

Il prétend avoir reçu, place Marcelin Berthelot, un morceau de fonte, qu'il relança aux gendarmes.

 

Tous ces inculpés, dont l'instruction se poursuit, comparaîtront aussi rapidement que possible devant le tribunal correctionnel.

 

La police mobile et la police spéciale ont poursuivi, hier, leur enquête dans l'arsenal.

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Source : La Dépêche de Brest 15 août 1935

 

On sait que M. Larquet, préfet du Finistère, informé, le mardi 6 août, des graves événements qui s'étaient produits dans la matinée, à l'arsenal, de l'arrêt du rapide de Paris par les manifestants, du bris des vitres de la sous-préfecture et de la courageuse attitude de M. Jacques-Henry, sous-préfet, qui fut blessé au poignet en empêchant un communiste de hisser le drapeau rouge sur le bâtiment départemental, décida de se rendre immédiatement à Brest.

 

Le soir même, accompagné de son chef de cabinet, M. Cathal, et de M. Jacques-Henry, sous-préfet, il se rendait à la préfecture maritime, où M. le vice-amiral Laurent, préfet maritime, qui avait assisté avec tristesse — ayant à ses côtés le capitaine de vaisseau Noël, chef d'état-major, et ses deux aides de camp — au siège de l'amirauté, lui conta comment l'assaut avait été mené par les extrémistes, puis repoussé.

 

Il entendit également, plus tard, parler du sang-froid dont MM. Chalmel, Mérot et Carlo, commissaires de police, avaient fait preuve dans les différents endroits où ils eurent à réprimer le mouvement séditieux ;

de la discipline, de l'endurance montrées par les marins, soldats coloniaux, gardes, gendarmes et agents qui, sous la direction de leurs chefs, repoussèrent les assaillants.

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M. Larquet prit immédiatement les mesures qui s'imposaient.

Dans la nuit arrivaient à Brest d'importants renforts.

La ville était, on peut le dire, en état de siège ;

gardes et gendarmes campaient dans les rues, un arrêté ordonnait aux débitants, dancings, entrepreneurs de spectacles, de fermer leurs établissements à 22 heures.

 

Plus tard, notamment le jeudi 8, nous avons vu M. Larquet diriger lui-même le service d'ordre, place La tour-d'Auvergne, alors que le dépôt de briques de l'entreprise Marc, en face de l'Autogarage était mis au pillage et que les manifestants lançaient ces projectiles sur le service d'ordre.

 

M. Le Page, commissaire divisionnaire, secondé par les commissaires de police de Brest, agissait efficacement ailleurs et, grâce à l'activité montrée par tous les agents de l'ordre, le calme renaissait vers minuit.

 

La vie brestoise ayant maintenant repris son cours normal, M. Larquet a rejoint Quimper, hier soir, avec son sympathique chef de cabinet, M. Cathal.

Plusieurs pelotons de gardes venus concourir au service d'ordre sont repartis dans leurs garnisons respectives et l'arrêté du 7 août a été suspendu, ainsi que l'indique la note suivante que l'on nous prie d'insérer :

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Le tribunal correctionnel s'est réuni, hier matin, à 10 heures, sous la présidence de M. Halléguen, assisté de MM. Hameury et de Lapeyre.

M. Donnart occupe le siège du ministère public.

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Les sept premiers prévenus sont tous inculpés de violences, outrages et rébellion envers les agents de la force publique.

 

A. Maguer, ouvrier à l'arsenal, est marié et père de six enfants.

Il comparaît pour la première fois devant un tribunal et reconnaît les faits qui lui sont reprochés.

— Je ne manifestais pas, dit-il, mais ayant reçu une pierre dans le dos, j'ai lancé à mon tour un caillou.

— Deux ou trois ! dira M. l'inspecteur spécial de police Challamel, qui procéda à l'arrestation.

M. le procureur demande au tribunal de faire respecter l'ordre et la loi, mais en raison des excellents renseignements fournis sur l'inculpé, il ne s'oppose pas à l'application de la loi de sursis.

Après plaidoirie de Me de L'Hôpital, Maguer est condamné à quatre mois de prison avec sursis.

 

Jean Le Maître, 30 ans, ajusteur, et Alfred Le Quéré, 35 ans, chaudronnier, sont inculpés de rébellion et d'injures, mais ces délits ayant été commis dans l'intérieur de l'arsenal, le tribunal, en vertu de l'article 88 du code de justice militaire pour l'armée de mer, se déclare incompétent et renvoie les prévenus devant le tribunal maritime.

 

Lucien Pelois, 34 ans, manœuvre, lancé des pierres sur des agents qui effectuaient une charge. Il regrette son acte.

Six semaines de prison.

 

Jean Maudire, 20 ans, ajusteur, nie avoir outragé les gardes mobiles.

Deux gardes viennent témoigner qu'il leur a crié :

« Bande de v... ! Assassins ! Bandits ! »

Il était, de plus, porteur de cailloux, ce qui constitue le délit d'arme prohibée.

— J'avais des pierres dans une poche, mais je ne les ai pas lancées.

Trois mois de prison.

 

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Auguste Le Lann, 31 ans, ouvrier à l'arsenal, est inculpé de violences et voies de fait et ne se présente pas à l'audience.

M. Donnart prononce un sévère réquisitoire.

C'est un meneur « plein de suffisance et retors », disent les renseignements fournis sur lui.

Le Lann est condamné, par défaut, à six mois de prison et 100 francs d'amende.

 

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Yves Billon, manœuvre, 33 ans, comparaît pour la troisième fois devant le tribunal pour avoir insulté un capitaine de gardes mobiles.

Ce dernier n'a pu être retrouvé et, après plaidoirie de Me Lalouet, Billon est acquitté.

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Le 6 août, vers 13 h. 30, l'étalage du magasin de porcelaine Prax, rue Traverse, fut renversé, ce qui constitue une entrave à la liberté du travail.

Anatole Goavec, 34 ans, dessinateur à l'arsenal, est accusé d'avoir commis ce délit.

Il reconnaît bien être passé, vers 13 h. 30, dans la rue Traverse, mais nie avoir renversé l'étalage.

— J'ai été pris pour un autre, affirme-t-il.

Les deux employés du magasin, rappelés deux fois à la barre par le président, déclarent, sous la foi du serment, reconnaître l'auteur de l'acte incriminé.

Goavec, qui est affilié au groupe libertaire, est condamné à six semaines de prison.

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Karl Schmitt, 35 ans, né à Augsbourg (Allemagne), employé au montage de la grue flottante de 250 tonnes, a été trouvé porteur d'un stylet, le 7 août, vers 19 h. 30, près de la porte Foy.

Par l'intermédiaire de M. Sternlicht, interprète de langue allemande, Karl Schmitt déclare :

« Je venais de quitter le port de commerce et me dirigeais vers la rue d'Algésiras, où se trouve mon restaurant, quand je suis tombé en pleine manifestation.

« Je me dissimulais derrière un arbre, pour éviter les coups, et fus appréhendé.

Le couteau dont je fus trouvé porteur est un instrument de travail :

il me sert à faire des épissures et à couper des câbles.

J'ignorais que cette arme fut prohibée. »

Après un réquisitoire modéré et plaidoirie de Me Simon, le monteur allemand est condamné à 15 jours de prison et à la confiscation du stylet.

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La police mobile poursuit son enquête.

Les inspecteurs ont interrogé, hier, de nombreux individus et fait conduire, à 16 heures, au parquet, l'ouvrier des P. T. T. Eugène Guiffard, inculpé de provocations.

Il aurait fait partie de la bande d'individus qui traînèrent un camion de déménagement de la rue Jean Macé jusqu'à la préfecture maritime, où il fut renversé sur le trottoir.

Guiffard a été écroué a là prison du Bouguen.

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On signale un mieux sensible chez les blessés encore en traitement à l'hôpital maritime.

 

L'ouvrier Chevalier, blessé par balle, est en bonne voie de guérison et on espère qu'il pourra, sous peu de jours, quitter l'hôpital, ainsi que le gendarme Paul Cariou, blessé aux cuisses par coups de rasoir.

 

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Le 6 avril, vers 18 h. 30, M. Reussner professeur agrégé à l'École navale, passait à l'angle des rues de Siam et de la Mairie quand il fut atteint par un pavé au genou droit.

Il en est résulté un grave épanchement de synovie et M. Reussner est toujours alité.

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Chaque jour s'allonge la liste des commerçants venant se plaindre des déprédations qu'ont subies leurs magasins, au cours des manifestations.

 

M. François Tanguy, débitant, 2, rue Jean Jaurès, a déposé, hier, une plainte contre X... pour bris de vitres à sa devanture et dommages causés à un hangar couvert en éverite.

Il estime à 120 francs le préjudice causé.

​

 

Source : La Dépêche de Brest 16 août 1935

 

La préfecture maritime nous communique :

Les sanctions prononcées par le vice-amiral, préfet maritime, à la suite des événements de ces derniers jours, sont les suivantes :

 

1°, Congédiement de deux ouvriers des Constructions navales :

Sébastien Cadec et Léon Maudet.

 

2°, Réduction de salaire légère pour deux ouvriers de l'arsenal.

 

3°, Un blâme est infligé individuellement aux ouvriers ayant abandonné le travail au cours des manifestations les 5 et 6 août.

 

Aucune autre sanction ne sera prise à l'exception de celles qui résulteront automatiquement des condamnations prononcées par une juridiction maritime ou de droit commun, en vertu de l’art. 24 § 10 du décret du 1er avril 1920, ainsi conçu :

 

« Le congédiement est prononcé par le préfet maritime à l'égard des ouvriers, ouvrières et apprentis qui ont encouru une condamnation devant un conseil de guerre ou un tribunal maritime.

 

« Qui auront encouru devant une juridiction de droit commun une condamnation, qu'elle qu'en soit la nature ou la durée, pour injures, outrages ou diffamation envers l'armée, ses représentants, les fonctionnaires des corps dirigeants de la marine ou les agents de la marine, dépositaires de la foi ce publique ;

ou pour provocation ou refus de devoir militaire, excitation de militaires à la désobéissance, ou pour provocation au meurtre, à l'incendie ou à la guerre civile. »

 

Au Palais de justice

 

Après avoir été interrogés par les inspecteurs de la police mobile, neuf manifestants ont été amenés, hier, au Palais de justice où, bien que ce fut jour de fête, les magistrats étaient à leur poste.

 

M. Donnart, substitut du procureur de la République, après avoir entendu les inculpés, les a laissés tous en liberté provisoire.

 

Ce sont :

Jean Le Belloch, 34 ans, ouvrier horloger, 1, rue de la Pointe, inculpé d'outrages aux gendarmes;

Louis Quéinnec, 24 ans, ouvrier à l'arsenal demeurant 25, rue du Rempart ;

Pierre Jaouen, 23 ans, chaudronnier 20, rue de la Porte,

et Georges Jaouen, 25 ans, également chaudronnier 8, rue de Pontaniou, tous trois inculpés de violences ;

Jean Parnet, 26 ans, 5, place Vauban, qui en plus des délits d'outrages et de violences, est inculpé de dégradations à un chemin public.

Il aurait aidé à dépaver une rue ;

Alexandre Cloarec, 45 ans, cantonnier 16, rue Magenta ;

Jean Le Beul, 27 ans, ouvrier à l'arsenal, 13, rue Neuve ;

Jean Bézin, 23 ans, 6, rue de Pontaniou,

et Jean Bothorel, 25 ans, ouvrier à l'arsenal. 35, rue Neuve, ont été inculpes de violences.

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